En été, le prof de FLE se forme
L’été touche à sa fin. Les « grandes vacances » aussi, du moins pour la plupart des profs de l’hémisphère nord mais, on le sait, le professeur de FLE est un être bizarre : il passe une très grande partie de l’année à faire bien plus que les trois huit pour joindre les deux bouts. Comment ? En donnant des cours FOS à sept heures du matin, des cours pour enfants ou ados en journée et des cours adultes en soirée… Et de plus en plus, entre cours et cours, que fait-il ? Outre préparer comme il peut le cours suivant et corriger les copies du précédent, il fait de l’hybride depuis son smartphone puis il enchaîne à pas d’heure depuis son PC portable avec un cours en ligne pour un étudiant à l’autre bout de la planète ! Jackpot penseront certains ? Eh bien, non ! Tout ça, pour des clopinettes !!! Et si certains lecteurs croient que j’exagère et que toute ressemblance avec la réalité ne serait que purement fortuite, qu’ils s’inquiètent : ils ont peut-être perdu contact avec la réalité ! Le FLE fait certes rêver. Je le sais: combien d’étudiants en parlent en imaginant leurs futures missions en terres lointaines et exotiques ?! Mais, quand on connaît la réalité du terrain, on sait ô combien le quotidien est très dur. Malgré cette vie de fous qui ne laisse guère de temps pour faire des folies – mais heureusement est pleine de petits plaisirs-, que fait le prof de FLE pendant ses vacances ? Je vous le donne en mille : il se forme ! Et l’été européen est souvent le moment choisi pour suivre l’une des nombreuses formations proposées ici et là.

Conférence Jacques Pécheur sur les scénarios actionnels- Liège 2016 (Photo: P. Liria)
Stages d’été, congrès… du FLE pour tous les goûts
Cette année n’a pas dérogé à la règle, et malgré le climat ambiant pas vraiment à la fête : les profs se sont donné rendez-vous à Nantes, Nice, Besançon ou ailleurs pour suivre l’une de ces nombreuses formations estivales avant de rentrer dans leur pays de provenance. A leur retour, ils pourront mettre en oeuvre et relayer ce qu’ils ont pu y apprendre. Cet été, en plus de ces stages, comme tous les quatre ans, les professeurs de FLE se sont retrouvés en juillet pour le grand messe qu’est le Congrès mondial des professeurs de français. Et pour cette quatorzième édition qui s’est tenue à Liège du 14 au 21 juillet, les quelque 1500 professionnels présents se sont demandés justement où en est le français. Venus de 104 pays, ils ont assisté et souvent proposé des conférences, des communications ou encore animé des présentations ou des ateliers pour mettre à jour et partager leurs connaissances, échanger sur leur pratique mais aussi sur la situation de l’enseignement du français dans leur pays. Du moins quand on leur a permis de traverser les barrages administratifs que dresse l’Europe d’aujourd’hui. Pas facile de demander de défendre les valeurs contenues, paraît-il, dans notre langue si l’on ferme la porte au nez de ceux qui justement la prennent pour étendard de leur liberté ! C’est sans doute cette triste réalité qui se rappelle à nous, même lors d’un congrès dont l’objet principal est l’enseignement. Mais il est clair qu’apprendre le français dans les deux sens du verbe n’est pas ni ne peut être un acte innocent, comme l’a réaffirmé le président du Comité organisateur, l’académicien Jean-Marie Klinkenberg dans son discours de clôture.

Conférence de clôture de J.-M. Klinkenberg – Liège 2016 (photo : P. Liria)
Des programmes pour repenser le FLE
On l’a vu aussi, le programme bien chargé du congrès – peut-être un peu trop – ou encore ceux des stages d’été sont révélateurs de ce renouvellement nécessaire. Ce qui rend encore plus indispensable la formation initiale mais surtout continue des professionnels du FLE. C’est d’ailleurs le premier point mis en avant dans les résolutions du Congrès. Si la langue française est, et prétend rester, ardente, donc bel et bien vivante, il faut qu’elle s’adapte aux réalités du monde d’aujourd’hui et puisse être fin prête à celles de demain. Aucune nostalgie donc, mais au contraire, un regard pointé vers l’avenir avec des solutions séduisantes pour une langue qui hélas n’a plus vraiment l’air de séduire. Vous ne pouvez pas vous imaginer combien sont celles et ceux qui me demandent, au Pérou, en Colombien, au Chili, etc. à quoi ça peut bien servir d’apprendre le français. Ils/Elles n’en perçoivent pas ou pas vraiment l’utilité et ont même souvent l’impression d’une langue éloignée et difficile (bienvenue l’intercompréhension qui a l’air de gagner du terrain dans les cours, mais pas assez malheureusement). Tout le monde se souvient de cette campagne qui présentait les 10 bonnes raisons d’apprendre le français mais pas sûr que ce soit la meilleure manière de convaincre les sceptiques. Il ne fait aucun doute que l’enseignement du français a besoin d’un grand Entrümpelung au cours duquel on se débarrasserait des vieilles croyances sur comment on doit enseigner et surtout comment nos élèves apprennent. C’est pour cela que la formation est importante et qu’il est grand temps de mettre fin à la dégradation de la situation des professeurs de français. On le voit bien, ces formations proposent des programmes riches et novateurs qui ne peuvent que contribuer à ce renouveau de la classe de français. On y parle bien sûr de ce tsunami numérique mais il ne faudrait pas réduire l’innovation pédagogique nécessaire à la technologie, au web 2.0 ou aux plateformes qui ne cessent de se développer que ce soit depuis les institutions ou depuis le monde éditorial FLE*. Une évolution qui nous oblige à repenser l’ensemble des professions de notre secteur.

Module sur la classe inversée aux Universités du Monde (Nice, juillet 2016 – Photo: P. Liria)
Une nécessité de changement pour redonner envie d’apprendre
Introduire une nouvelle façon d’aborder l’enseignement est donc bien une nécessité parce que les étudiants d’aujourd’hui ont de nouvelles attentes (savoir échanger lors d’une visioconférence, répondre à des messages personnels mais aussi professionnels sur Whatsapp, mener des projets avec des partenaires à des milliers de kilomètres…) et de nouvelles façons d’apprendre (la technologie ne doit pas remplacer l’humain mais on ne peut non plus ignorer l’existence des supports tels que la tablette ou le smartphone ou des nouvelles manières d’interagir grâce notamment aux réseaux)*. C’est aussi ce qui contribuera à redonner envie d’apprendre notre langue. Les profs sont géniaux mais ne sont pas des Houdins : ce n’est pas d’un coup de baguette magique que ce changement se produira, n’en déplaise à certains. Par conséquent, la formation n’est pas un luxe. Elle est indispensable pour accompagner le discours ambiant qui réclame à cors et à cris qu’il faut se renouveler et innover pour motiver l’apprentissage de notre langue. Et même si l’été en France est une belle occasion pour joindre l’utile à l’agréable, je suis certain qu’ils/elles sont nombreux/-ses à souhaiter avoir accès pendant l’année scolaire à de vrais plans de formation.
* Voir le numéro 406 (juillet-août 2016) du Français dans le monde qui consacre un dossier aux « Cours en ligne, pratiques d’enseignants, parcours d’apprenants »
**A ce sujet, écoutez Mon enseignant va-t-il devenir un écran ? en podcast sur France Inter (27/08/2016)