Le blog de Philippe Liria

Auteur, formateur, consultant et éditeur de français langue étrangère (FLE)

Ecriture inclusive en FLE ? Vous en pensez quoi ?

Posted by Philippe Liria sur 29/10/2017

EXPLIQUEZ-MOI L’ÉCRITURE NON-SEXISTE
Écrit par Aleeshay | Illustré par Luna

« Le masculin l’emporte sur le féminin« , c’est avec cette phrase que nos instits nous faisaient apprendre la règle de l’accord des adjectifs et si le mot « boulangère » existait, ce n’était que pour désigner la femme du boulanger, bien évidemment. Il faut dire que mon école primaire remonte à un temps, pas si lointain mais quand même, où nous n’avions pas encore vraiment abordé la question de la parité de la langue. Une question qui refait surface aujourd’hui avec le débat – parfois très vif – sur l’écriture inclusive. Tout d’abord, de quoi parlons-nous ? On entend par écriture inclusive cette forme d’orthographe qui consiste à placer un point médian au milieu d’un mot : « les apprenant·e·s de français ont été reçu·e·s aux épreuves du DELF« . Du moins c’est le point (littéralement) qui est actuellement au centre de la polémique mais ce sont aussi les formes féminines de certaines professions (une auteure) ou certains titres (la ministre) qui posent maintenant moins de problème même si elles ne sont pas encore complètement acceptées. Que faire de cette forme d’orthographe qui place des points au milieu (des points-milieu) des mots ? Véritable rétablissement de la parité ? Ou « aberration » comme l’entend l’Académie française dans une déclaration officielle du 26 octobre dernier ?
A en croire la vieille institution, il en va de l’avenir de la langue française et de son rapport avec les « générations à venir » qui pourraient ne pas pouvoir « grandir en intimité avec notre patrimoine écrit« . L’Académie envisage un scénario catastrophiste en évoquant le « péril mortel » et l’anéantissement des « promesses de la francophonie » si jamais venait à s’imposer cette nouvelle norme orthographique. J’essaie d’imaginer un instant les apprenants de français en train de passer leur temps à pratiquer cette écriture comme s’il s’agissait d’un exercice tiré de l’unité où l’on parle des adjectifs…
De l’autre côté, on parle plutôt de redonner à la langue française la visibilité à ces féminins disparus et qui ont pourtant bel et bien existé jusqu’au XVIIè siècle. On parlait ainsi de peintresse pour une femme qui peignait mais qui s’en souvient ? Cette forme en -esse n’a rien d’inusuel, au contraire il était courant dans l’ancienne langue. Ecouter à ce sujet une intervention de Bernard Cerquiglini en 2001 dans Tire ta langue et dont le sujet était l’histoire des féminins dans la langue française et qu’a repris France culture à l’occasion de ce débat sur l’écriture inclusive. Un manuel de l’écriture inclusive existe (publié par l’agence Mots-clés) et il est téléchargeable à partir du site qui est justement consacré à cette écriture et qui propose d’agir sur le langage pour que les mentalités changent.
Il semblerait cependant que le débat ne porte pas sur l’ensemble de l’écriture inclusive mais plutôt sur ce point qui se place entre les lettres finales du mot pour y placer le e du féminin. Pour l’académicienne Dominique Bona, cette réforme est un « massacre de la langue française » qui ne va en rien contribuer à la parité homme/femme. Elle pense que cela ne sert qu’à compliquer la langue, à la rendre moins accessible aux étrangers qui apprennent le français.
Avant de se précipiter à prendre position, il me paraît intéressant d’écouter les arguments des uns et des autres. Un sujet qui va au-delà bien entendu de la simple question orthographique et qui se place au niveau de la réflexion sur la place de la femme dans une société où les inégalités homme/femme sont encore importantes même si elles ne sont peut-être plus aussi flagrantes.
Cette question est à mon avis une excellente occasion pour aborder en classe de FLE un sujet de société sous forme de débat ou d’exposé (pourquoi dans une petite capsule vidéo) dans des niveaux avancés. Pour cela, vous pouvez vous aider du dossier de France culture ou du débat Pour ou contre l’écriture inclusive ? sur TV5 Monde. Vous y trouverez aussi les résultats d’un sondage Harris interactive pour Mots-clés où il apparait que 75% des Français sont plutôt pour parmi ceux qui en ont entendu parler (40%).
Personnellement, je ne suis pas convaincu que ce soit un e pris en étau entre deux points qui contribue à rétablir la parité. Mais cela n’engage que moi…

Et vous, vous en pensez quoi ? Vous pouvez répondre à ce petit sondage sur la place de l’écriture inclusive en classe de FLE :

Pour aller plus loin :

Ecriture inclusive et le manuel téléchargeable ici

Déclaration de l’Académie française sur l’ECRITURE dite « INCLUSIVE » (26/10/2017)

Doctrice ou doctoresse ? Histoire de la langue française au féminin (22/01/2017)

Dominique Bona, de l’Académie française : « L’écriture inclusive porte atteinte à la langue elle-même »
(27/10/2017)

Ecriture inclusive : le féminin pour que les femmes cessent d’être invisibles (28/09/2017)

Expliquez-moi l’écriture non-sexiste (05/09/2016)

Pour ou contre l’écriture inclusive ? (17/10/2017)

Une nouvelle façon d’écrire pour en finir avec les inégalités femmes-hommes ? (20/01/2017)

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