Le blog de Philippe Liria

Auteur, formateur, consultant et éditeur de français langue étrangère (FLE)

Francophones du monde entier…

Posted by Philippe Liria sur 23/09/2021

La France n’est pas à une contradiction près : elle peut tout faire pour détruire ses propres langues, dont il ne reste d’ailleurs plus grand-chose tant l’État s’est employé à les anéantir ; dans le même temps, elle vante ici et là les mérites du plurilinguisme, surtout si c’est ailleurs ; en tout cas, surtout pas sur son territoire. J’avais abordé cette question au mois de mai. Michel Feltin-Palas revient dessus dans un article publié dans le nº436 du Français dans le monde (FDLM). Selon le Conseil constitutionnel, l’enseignement immersif serait mauvais pour la santé des gamins. On se demande alors pourquoi c’est ce même enseignement immersif que le ministère de l’Éducation français met en avant quand il se réjouit de l’ouverture de classes bilingues un peu partout dans le monde. A ce sujet, lisez l’excellent Recherches et application de cet été (nº70).

Face à cette énième offensive contre nos autres langues de France, essayons de rester zen et de se dire qu’il y a aussi des choses positives qui se passent comme c’est le cas avec ce Dictionnaire des francophones (DDF)qui fait l’objet d’un dossier dans ce même numéro du FDLM. Voilà une initiative qui s’inscrit clairement dans cet esprit d’en finir avec une langue française trop franco-centrée. On ouvre enfin portes et fenêtres pour laisser entrer non pas la mais les francophonies dans toute leur dimension. Il était temps ! L’anglais ou l’espagnol n’ont pas attendu le 21e siècle pour en finir avec une vision étriquée de la langue. Ce DDF est donc le bienvenu mais au fait,  de quoi s’agit-il ? Voici comment son site présente le projet :

c’est “un dictionnaire collaboratif numérique ouvert qui a pour objectif de rendre compte de la richesse du français parlé au sein de l’espace francophone. C’est un projet institutionnel novateur qui présente à la fois une partie de consultation au sein de laquelle sont compilées plusieurs ressources lexicographiques, et une partie participative pour développer les mots et faire vivre la langue française.« 

Ses concepteurs mettent particulièrement en avant deux aspects fondamentaux et qui le différencient d’un dictionnaire traditionnel : le numérique et le collaboratif. Il faudrait aussi y ajouter celui de rendre compte de la langue française telle qu’elle est employée, où que ce soit dans l’espace francophone. Le DDF ne prétend pas établir une norme mais plutôt de refléter à tout moment la langue française dans toute sa pluralité, dans toutes ses variantes sans aucune hiérarchisation. Bref, il s’agit de considérer le français non plus comme une langue territorialisée – ce qu’elle n’est plus depuis longtemps – mais plutôt comme une langue-monde. C’est aussi pour cette raison que pour exister, le DDF ne peut s’appuyer sur un groupe d’experts qui décideraient des entrées admissibles et celles qui devraient rester dehors, comme ce serait le cas de l’Académie française. Il doit nécessairement s’appuyer sur les utilisateurs. Pour Bernard Cerquiglini, président du conseil scientifique du DDF, c’est un “pari”, celui “qui nécessite équilibre et ajustement, de libre contribution par tous dans un esprit wiki mais avec un regard scientifique”, déclare-t-il dans un entretien au Français dans le monde de septembre 2021 (cf. Dossier Dictionnaire des francophones espace numérique et outil citoyen).

Certes le DDF ne part pas de zéro. Il s’appuie sur de nombreuses ressources décrites dans la description du projet mais c’est certainement l’aspect participatif qui en fera un outil vivant, à condition bien sûr que les utilisateurs ne forment pas simplement un “lectorat” mais deviennent un “contributorat” : il faut qu’ils s’en approprient pour l’enrichir, fournir des exemples ou nuancer des sens ou des usages. En quelque sorte, le souhait est de faire qu’un outil né d’une intention politique, dont Emmanuel Macron est à l’origine, ne soit pas simplement un objet institutionnel mais bien un outil citoyen du vaste espace francophone, qu’il contribue à créer un véritable sentiment d’appartenance à une communauté plurielle, plurilingue et multiculturelle répartie un peu partout dans le monde. 

Pour en savoir plus :

Dictionnaire des francophones https://www.dictionnairedesfrancophones.org/

Français dans le monde https://www.fdlm.org/

Testez vos connaissances sur la francophonie : https://create.kahoot.it/share/testez-vos-connaissances-sur-la-francophonie/31c98096-1cf4-492b-9d04-dbf29f28771b

Sur le bout des langues : https://www.lexpress.fr/region/sur-les-bout-des-langues-langues-francaise-et-regionales_2032767.html

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Le Conseil constitutionnel a parlé…

Posted by Philippe Liria sur 23/05/2021

L’heure était grave en France depuis le 8 avril dernier mais heureusement, grâce à l’habileté du ministre de l’Éducation et d’une soixantaine de héros républicains en manque de se faire remarquer, la langue française vient d’être sauvée d’un affront dont elle ne se serait jamais relevée.  Macron doit déjà être en train de préparer les légions d’honneur pour ces Grands de France. Imaginez donc un instant : il s’en est fallu de peu qu’on puisse employer dans les registres civils des “signes diacritiques autres que ceux employés pour l’écriture de la langue française”. De méchants défenseurs de langues patrimoniales auraient permis qu’on entachât une si belle langue, si pure et si naturellement universelle. Ils auraient voulu qu’on autorisât des “ñ” dans un prénom. Tous les grands défenseurs du monlinguisme à la langue française savent les dangers d’appeler « Fañch » son gamin ! Tout le monde sait bien qu’un tilde peut polluer tout un environnement. Imaginez qu’ensuite on ne se contente plus de demander à écrire avec des lettres bizarres, issues dont ne sait quel territoire barbare mais qu’on réclame le droit de parler et même de vivre dans ces langues barbares ! Permettre des documents bilingues français-anglais ou faire des études universitaires en anglais, soit ! Mais le faire en breton ou en corse, quel scandale ! Une honte pour la République une et indivisible ! Heureusement que Blanquer était là et que le Conseil constitutionnel a su écouter les arguments de la raison républicaine de l’indéboulonnable article 2 de la Constitution face à ces hordes de députés qui ont même osé chanter l’autre jour l’hymne breton sur le perron de l’Assemblée nationale ! Et en breton en plus ! Quel affront ! On raconte que l’abbé Grégoire s’en est même retourné dans sa tombe. Comme Jules Ferry d’ailleurs, qui peut respirer de nouveau, dans sa réincarnation blanquérienne puisque le Conseil constitutionnel a tout remis dans l’ordre. 

Il s’en est toutefois fallu de peu dans ce grand pays qui se vante de mettre en avant le plurilinguisme chez les autres, pour que cette même loi, promue par un député venu de la lointaine province de Bretagne (ces terres qui ne veulent pas se laisser noyer dans un Grand Ouest tellement plus pratique pour une gestion froide et sans âme des territoires) permette de faire un truc incroyable : promouvoir un enseignement immersif dans une langue qui ne serait pas le français. Vous vous rendez compte ? On a failli, ô félonie, permettre que se glisse dans le système éducatif national “une méthode qui ne se borne pas à enseigner cette langue mais consiste à l’utiliser comme langue principale d’enseignement et comme langue de communication au sein de l’établissement.” Les pauvres types du Conseil constitutionnel ont tous failli se retrouver en réanimation quand ils ont découvert avec stupeur qu’un certain Molac avait osé essayer de glisser une telle méthode dans les écoles de France concernées par ces langues régionales. Il paraît qu’il se serait inspiré du succès des écoles Diwan. Ça doit être un fake : le système en immersion fonctionnerait donc ? Comment ce Molac peut-il être aussi pervers ? Pauvres écoliers français ! Oser leur donner l’opportunité de vivre pour de vrai le plurilinguisme, en commençant par connaître aussi les langues de leur lieu de vie, peut-être celles de leur famille… Il parait même qu’ils auraient été autorisés à les utiliser. Utiliser une langue qu’on apprend ? Non mais franchement ! On est tellement mieux en Monolingüie. Et dire que certains pays applaudissent l’apprentissage immersif… Jamais l’universalité française ne permettra de telles stupidités sur son territoire ! Merci donc Jean Michel (pardon, mon ordinateur n’accepte pas le trait d’union entre deux prénoms français. C’est vraiment bête !) pour cet acte courageux qui va permettre une nouvelle fois à l’éternelle langue française, fille directe du latin, grande parmi les grandes, de ne pas se faire écraser par ces vilaines langues provinciales dont l’enseignement “ne saurait présenter qu’un caractère facultatif” ! Et encore, on est gentils !

Pour en savoir plus

Langues de France : https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/Politiques-de-la-langue/Langues-de-France

Décision du Conseil constitutionnel (21/052021) : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021818DC.htm

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Vocabulaire dans les niveaux intermédiaire-avancés : indispensable outil pour affronter n’importe quel échange

Posted by Philippe Liria sur 28/02/2021

Être compétent en français pour tenir une conversation ou rédiger un texte à un niveau B2 demande de posséder une large étendue de vocabulaire dans des domaines variés. On doit pouvoir parler de la dernière appli qui fait fureur, des petits soucis de santé qu’on peut avoir, de ces animaux sauvages qui visitent nos villes en temps de confinement ou des derniers faits ayant secoué l’actualité… Ou encore parler sport même si ce n’est pas notre tasse de thé tout simplement parce que c’est la meilleure façon d’entamer une conversation avec notre interlocuteur, à moins qu’il ou elle ne préfère nous partager ses goûts culinaires en nous faisant découvrir un bon petit plat… certainement mijoté à la maison si les restaurants continuent à être fermés. Un sujet d’ailleurs qui ne manque pas d’être polémique comme le sont souvent les décisions politiques dans notre société. D’où l’importance de bien comprendre les mots dont elles sont faites pour mieux en parler et, si nécessaire, les défendre ou au contraire pour montrer notre opposition ou du moins montrer un avis nuancé. 

Pas simple en effet de se munir des outils lexicaux appropriés pour aborder tous ces sujets et bien d’autres encore avec des interlocuteurs francophones… à moins bien sûr d’avoir la boite à outils idéale pour se préparer à affronter ces situations. C’est justement ce que nous proposent Romain Racine et Jean-Charles Schenker dans Pratique vocabulaire B2 chez CLE International. Les auteurs proposent de travailler de façon approfondie et efficace le vocabulaire dans une soixantaine de domaines regroupés autour de 20 grandes thèmes qui permettront aux utilisateurs de s’armer pour aborder les questions d’aujourd’hui avec le mot juste quand il le faut.

Pour les B2 et au-delà…

C’est un ouvrage qui ne s’adresse pas uniquement à des apprenants se préparant au niveau B2 mais aussi à des locuteurs de niveaux avancés qui auraient besoin de mettre à jour leurs compétences lexicales afin de ne pas être en décalage avec les usages les plus habituels en Francophonie. Ils sauront ainsi s’exprimer ainsi la terminologie la mieux appropriée au contexte. Pour s’en rendre compte, il suffit de se plonger dans les parties consacrées au climat ou encore au numérique et à la robotique. Tout y est pour être la page !                                                                                         

Comme il ne suffit pas de découvrir les mots dans leur contexte, mais qu’il faut aussi apprendre à les employer, les auteurs proposent quelque 640 exercices de réemploi. Pour chaque encadré qui présente le champ lexical d’un domaine, il y a une série d’exercices pour en permettre justement le réemploi. On partira alors à la recherche d’un intrus, on soulignera le mot correct, on cochera une bonne réponse ou on réécrira une phrase ou en corrigera les erreurs. On cherchera aussi la réponse à une devinette… Bref, pas question de tomber dans la monotonie d’exercices répétitifs mais bien de travailler et d’élargir son vocabulaire de façon active, parfois en s’amusant et avec le sourire car l’humour aussi est présent que ce soit dans les textes de présentation du vocabulaire ou dans les activités proposées. Et puis, les exercices effectués, on pourra en consulter les corrigés dans le livret qui accompagne le manuel.

Collection Pratique

Cet ouvrage vient agrandir la collection Pratique qui propose déjà des exercices de grammaire, de vocabulaire, de conjugaison et d’orthographe dans les niveaux A1, A2 et B1. Il est vraiment le bienvenu parce qu’on sait combien il est important de ne jamais cesser de travailler le lexique, qui n’a cesse d’évoluer, bien plus encore que la syntaxe ou les accents, comme on nous le rappelait encore récemment dans un article de Béatrice Kammerer dans un dossier sur le langage publié dans le numéro de Sciences humaines de ce mois de février.

Romain Racine et Jean-Charles Schenker sont déjà bien connus des enseignants et des apprenants grâce à des publications comme le niveau C1/C2 de Communication dans la très connue collection Progressive chez CLE International dont vous pouvez lire une note à partir de ce lien.

Pour en savoir plus

R. Racine et J.-C. Schenker : Pratique vocabulaire B2 Paris, 2021 : CLE International

https://www.cle-international.com/adolescents/pratique-vocabulaire-niveau-b2-livre-corriges-audio-en-ligne-9782090389968.html

Dossier sur le langage dans le nº333 de Sciences Humaines (Février 2021) : https://www.scienceshumaines.com/

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Le retour du plus grand des voleurs

Posted by Philippe Liria sur 15/01/2021

Paul Serine, Luis Perenna… Ça ne vous dit rien ? Mais si, voyons ! Il s’agit de noms d’emprunts, parmi des dizaines d’autres qu’Assane Diop utilise pour commettre ses larcins. Des noms qu’il emprunte d’ailleurs au personnage d’Arsène Lupin en qui il s’identifie. En fait, c’est plus qu’une identification, c’est carrément de l’admiration ! Oui, Assane admire Arsène depuis que son défunt père lui a offert l’une des aventures du célèbrissime gentleman cambrioleur, créé par Maurice Leblanc il y a plus de 100 ans maintenant.

Bande annonce officielle de Lupin, dans l’ombre d’Arsène (Netflix, 2021)

Assane Diop, c’est donc cet Arsène Lupin des temps modernes dont tout le monde parle depuis quelques jours. Il est merveilleusement interprété par un magnifique et séducteur Omar Sy qui se grime en agent d’entretien, en riche homme d’affaires, en livreur à vélo, en flic, en taulard et je ne sais combien d’autres personnages pour consumer sa vengeance : venger son père injustement accusé d’un vol qu’il n’a pas commis. Ce qui ne sera pas sans nous rappeler, d’ailleurs, Henriette, la mère d’Arsène Lupin dans les romans. Finalement condamné, le père d’Assane se suicidera laissant le gamin, orphelin à 15 ans. Lupin l’avait été à 12 ans. Ce désir de vengeance, on dirait que c’est ce qui le motive vraiment… ou presque en tout cas. Eh oui, il y a peut-être aussi sa volonté d’essayer de reconquérir le cœur de Claire. Ou encore, de convertir son fils à son amour pour “le plus grand des voleurs”, comme chantait Jacques Dutronc dans le générique de la série où Georges Descrières était Arsène Lupin.  

Jacques Dutronc interprétant Gentleman cambrioleur en 1974, archive INA www.ina.fr

Bravo Netflix pour proposer cette perspective originale d’une lecture qui a marqué l’adolescence de plusieurs d’entre nous. La série nous renvoie régulièrement à des références des romans et nouvelles dont Lupin est le héros, à commencer par le célèbre épisode du collier de la reine. Alors je le conçois, le commissaire-priseur du premier épisode en fait un peu trop sur l’histoire ou la légende qui accompagne le collier mais après tout, nous sommes dans la fiction! C’est ce collier qui fait justement le lien entre Assane et ce qui constitue à la fois le point de départ et le fil conducteur de cette première livraison de Lupin, dans l’ombre d’Arsène.

Pour nous, dans notre classe de FLE, ce peut être une porte d’entrée pour mener nos apprenants, jeunes et moins jeunes, vers l’un des classiques de la littérature française du début du XXe siècle. Pour commencer, nous pourrons les motiver à se plonger dans les aventures citées dans la série, puis partir à la découverte de toutes les autres. Et elles sont nombreuses ! En effet, Arsène Lupin est né en 1905 dans le magazine Je sais tout et il accompagnera son auteur jusqu’à son décès, en 1941. 

Ce sera aussi l’occasion dans le cours de faire un peu de géographie et partir en particulier en Pays de Caux, du côté d’Étretat. Qui ne se souvient pas des épisodes qui s’y tiennent dans L’aiguille Creuse ?

Pour vos apprenants débutants ou de niveau intermédiaire, une bonne façon de les faire entrer dans l’univers lupinien, c’est de passer par les lectures simplifiées proposées dans la collection Lectures CLE en Français Facile.

Finalement, nous pouvons imaginer ensuite les apprenants présenter le personnage ou certaines de ses aventures, et peut-être nous parler de personnages qu’ils apprécient dans leur littérature ou dans celles d’autres langues qu’ils lisent. Cela peut déboucher sur des présentations classiques mais pourquoi pas, aussi, se laisser tenter par des présentations plus modernes sous format de petites vidéos animées, voire même les relayer ensuite sur les réseaux.

POUR EN SAVOIR PLUS

Lupin : dans l’ombre d’Arsène (2021, Netflix)

https://www.netflix.com/es/title/80994082

Le clos Lupin

http://m.etretat.net/content.php?page=maison-maurice-leblanc

(L’office de tourisme d’Étretat fournit quelques informations sur le musée consacré à Arsène Lupin et qui se trouve dans la résidence où Maurice Leblanc a écrit plusieurs de ses romans et nouvelles.)

Tout Arsène Lupin

http://arsenelupingc.free.fr/index.php

(Ce site propose de regrouper tout ce qui concerne de près ou de loin le personnage de Maurice Leblanc)

Et chez CLE International :

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La classe de FLE dans l’ère covidienne

Posted by Philippe Liria sur 13/12/2020

Annick Hatterer, déléguée pédagogique CLE International en plein webinaire de formation pour les professeurs de français en Roumanie (déc. 2020)

J’ai une collègue hyper démerdentielle (ou devrais-je dire “débrouillantielle” ?) : alors que son ordi allait la planter (victime d’un virus ?) à quelques minutes d’un énième webinaire, elle a réussi à faire un exercice d’équilibriste entre deux postes de travail pour que sa visio se déroule comme si de rien n’était. Heureusement, elle est certainement déjà bien vaccinée contre toutes les mauvaises surprises de ces programmes de conférences en ligne. Il s’agissait ici d’un atelier distanciel (avec un “c” comme dans distanCe). Mais faut-il encore le préciser en cette fin de l’an 1 de l’ère covidienne qui a vu mourir presque toute activité présentielle (avec un “t” contrairement à présenCe) non-essentielle ? L’éducation et la culture en ont fait les frais. Les salles (de classe ou de spectacle) seraient des clusters en puissance, nous dit-on, où il serait impossible de garantir les gestes barrières. Tout se passe donc en ligne, que ce soit synchrone ou asynchrone.

Ce temps où nos regards se croisaient pour de vrai

Il y a encore quelque temps, je n’aurais jamais pu écrire ces lignes mais en ces temps d’état d’urgence planétaire, personne n’aura eu de mal à les comprendre. C’est qu’en neuf mois, notre langage a bien changé ! Eh oui, neuf mois déjà qu’on nous explique que l’enfer, ce sont les autres et qu’il nous faut donc vivre en huis clos, confinés pour le bien de tous. Qui aurait dit qu’un jour on nous recommanderait la distanciation sociale ? Qui aurait pu dire que pour survivre nous devrions avancer masqués ? Neuf mois déjà et nous voici donc en décembre. D’habitude, c’est un mois faste, un mois de retrouvailles et d’embrassades. Il est clair pourtant que cette année restera gravée dans les fastes de ce XXIe siècle comme celle du grand bouleversement, certains diront de la réinvention, des plans B, de la démerde – comme pour ma collègue – ou de la résilience – un autre mot dont on avait parfois du mal à saisir le sens mais que le contexte pandémique nous a permis d’en comprendre toute la dimension. Neuf mois déjà et une envie de tourner la page, un peu comme si nous voulions nous convaincre – très naïvement, soyons honnêtes – qu’avec la nouvelle année, tout serait fini ; que nous pourrions entrer dans ce “nouveau monde” dont on nous parle tant mais qui ne fait guère envie au fur et à mesure qu’on en perçoit les contours. On aurait même plutôt envie de retrouver l’“ancien monde”, imparfait – certes -, mais celui qui point le sera-t-il moins ? Pas question pour autant de tomber dans un passéisme qui ne mène nulle part mais les indices du monde de demain nous font déjà regretter ce temps, si proche et si lointain déjà, où nous étions encore de vrais acteurs sociaux, un temps où communiquer et interagir ne se faisait pas uniquement par écrans interposés, où nous apprenions de l’autre et avec l’autre dans un “faire ensemble” qui passait par le contact (tactile, ô sacrilège des temps nouveaux !), des échanges de vives voix (sans masque) et où les regards se croisaient pour de vrai.   

Le FLE en 2021 : un contexte incertain

Coronavirus 2019-nCoV Concept Illustration. La Terre avec le masque de visage de respirateur et les virus de Corona dans le fond de l’espace.

Rassurez-vous, je ne fais pas une covidéprime. Je ne me laisse pas non plus emporter par la vague complotiste (je ne remets absolument pas en cause l’existence de la COVID-19 ni n’accuse un laboratoire d’être à l’origine du mal – pas plus que je n’accuse le pangolin d’ailleurs) et je ne suis pas non plus tombé dans une certaine collapsologie ambiante – la tentation parfois ne manque pas -. Il faut bien l’admettre, 2020 a quand même des airs de dystopie.

Dans ce contexte global si incertain, et comme je l’écrivais déjà au tout début de la pandémie, notre petit monde du FLE a dû apprendre dès les premiers instants à affronter cette crise en bravant maints obstacles. Il a tout fait pour se réinventer et on a vu comment la transition numérique révolutionnait les pratiques d’enseignement d’un très grand nombre. Il a fallu en effet trouver rapidement des solutions pour garantir la continuité pédagogique lorsque tout à coup l’humanité a baissé le rideau. Plongés dans un confinement brutal, inattendu mais qui ne devait surtout pas durer et dont on disait qu’il nous apporterait des jours meilleurs, apprenants, enseignants, formateurs, fournisseurs de contenu (comme les éditeurs) se sont mobilisés pour que rien ne s’arrête. Ils se sont mobilisés pour que le monde de l’apprentissage des langues (essentiel, non ?) continue à tourner, peut-être plus vraiment rond mais au moins qu’il reste en mouvement (sinon, c’est la chute). La tâche a été ardue, et l’est encore aujourd’hui. Je sais que pour certains, il ne va pas être aisé de renflouer le bateau. Les fermetures administratives ou encore l’interruption de la mobilité à l’échelle mondiale ont eu hélas raison de bien des établissements qui ont dû mettre la clé sous la porte ou d’autres qui essaient de survivre tant bien que mal avec pour horizon l’incertitude qui règne un peu partout sur la planète.

Pour un retour au présentiel

L’euphorie initiale des classes distancielles fait place à la fatigue et l’envie de retrouver du présentiel.

Très rapidement aussi, on a vu des profs de FLE refaire surface. Beaucoup se sont rapidement réinventés à travers les cours en ligne. Les Teams, les Zoom et autres plateformes n’ont plus de secret pour ces enseignants qui ont vu parfois leur activité s’internationaliser avec des apprenants du monde entier qui entraient dans leur salle de cours virtuelle. Il a fallu modifier les pratiques de classe, avoir recours à des ressources différentes, faire preuve d’une grande souplesse horaire au point parfois de faire le grand écart mais, au bout du compte, se retrouver avec un emploi du temps bien rempli. Ce qui n’est pas sans stress mais il a fallu faire du coping pour ne pas sombrer. Malgré tout, que ce soit du côté enseignant ou du côté apprenant, après tous ces mois d’écran, on sent la fatigue et la lassitude.  Il y a bien eu un moment presque d’euphorie. On aurait dit que finalement tout pouvait se faire virtuellement. Le distanciel semblait l’emporter. Peut-être est-ce le cas dans certains secteurs, quoique… mais dans le cas de l’apprentissage-enseignement des langues, et malgré l’incroyable qualité des offres en ligne, on ne peut pas passer que par le numérique. Apprendre une langue passe par le contact, mais pas un contact virtuel. Non ! Un contact réel, sans distanciation (ce qui ne veut pas dire sans précaution). Car apprendre une langue, c’est pouvoir toucher littéralement une culture, la respirer, la savourer, la vivre dans la société dans laquelle elle évolue… C’est comme ça qu’on apprend à vraiment l’aimer. La salle de classe (la vraie) est un de ces premiers espaces de contact puis le voyage et le séjour dans les pays où elle est parlée. 

Espérons que l’ère du tout-écran et des relations uniquement virtuelles prendra fin en 2021. Je ne sais pas si c’est un vaccin qui nous permettra de sortir de nos confinements ou peut-être aussi des politiques plus responsables, qui ne vivent pas seulement au rythme des courbes épidémiologiques ou qui changent d’avis en fonction de la direction des particules aérosoles. Ce qui est certain,  et comme nous sommes en période de voeux, formulons-le, il est essentiel que l’enseignement des langues, et celle du FLE en particulier puisse retrouver toute sa présence, à commencer par celle dans les salles de classe !

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Alain Rey… Le grand maître des mots

Posted by Philippe Liria sur 31/10/2020

Dans Le Voyage des mots. De l’Orient arabe et persan vers la langue française (Guy Trédaniel Editeur, 2013), Alain Rey nous racontait que le masque, cet objet que nous ne portions dernièrement que pour des occasions festives et qui est devenu l’indispensable accessoire de notre quotidien, nous venait de l’arabe comme tant d’autres mots qui peuplent la langue française. Un beau livre (les calligraphies de Lassâad Metoui sont merveilleuses), que je recommande vivement en ces temps sombres et incertains. Parce qu’Alain Rey savait nous éclairer à partir justement des mots. Nous nous souvenons tous du Mot de la fin, cette chronique matinale qu’il avait animée pendant plus de dix ans sur France Inter. À partir d’un mot en lien avec l’actualité du moment, il savait nous raconter le monde pour nous faire voyager et nous accompagner dans la réflexion – on en a tant besoin aujourd’hui.

Il ne se contentait donc pas de l’étymologie mais allait encore plus loin pour insérer les mots dans leur contexte social et politique. D’ailleurs, même si nous le connaissons tous pour avoir participé à la naissance du célèbre Petit Robert (Édition Le Robert), ce n’est pas pour rien qu’il avait dirigé le Dictionnaire historique de la langue française (Éditions Le Robert).

Alain Rey ne s’est pas seulement intéressé aux mots venus de loin, et même de très loin parfois comme on pouvait l’apprécier à chaque édition de son célèbre dictionnaire (né en 1967). C’était aussi un fervent défenseur de la diversité ou pluralité du français qu’il vienne de Bruxelles, de Montréal ou de Bamako ; qu’il soit classique ou de la rue. N’avait-il pas co-dirigé en 1980 le Dictionnaire non conventionnel (Hachette) ? Comme il n’hésitait pas à défendre les autres langues de France face à celles et ceux qui pouvaient croire l’unité de la France menacée par le breton, le flamand ou le basque par exemple.

Plutôt « autrice » qu' »auteure »

Alain Rey avait aussi pris position par rapport à la féminisation des mots. Son excellente connaissance de l’histoire des mots et de la langue lui faisait dire que ce n’est à coups de décrets qu’on change une langue mais à partir de l’usage. Il était peu convaincu par cette écriture inclusive et lui prédisait le même avenir que l’esperanto : « une bonne idée (…) et, pourtant, cela ne marche pas » car, déclarait-il dans le quotidien suisse Le temps (2/12/2017), « il faut d’abord que les mentalités changent pour faire bouger la langue « .

Dans cette déclaration, il ne faisait finalement que défendre ce qu’il avait toujours fait dans Le Petit Robert, et ce qui en fait un vrai dictionnaire vivant, c’est-à-dire l’usage, ce « tyran des langues« , selon Vaugelas. Cet usage qui fait aussi, disait-il, que « les fautes d’un jour deviennent les règles du lendemain« .

Il se décrivait lui-même comme « un professeur Tournesol courant après les papillons ou les petits oiseaux, les colibris, que sont les mots parce qu’en effet, ils bougent beaucoup, ils apparaissent, ils disparaissent ; ils changent de valeur (…) » non pas parce qu’on le décrète mais parce que les locuteurs en en faisant usage les modifient. Certainement que dans une société, la malléabilité des mots et la possibilité de savoir en accueillir de nouveaux est un très bon remède contre ses propres maux.

Luciférienne

Quand on demandait à Alain Rey quel était son mot favori, il citait souvent l’adjectif « luciférienne » pour sa sonorité, mais surtout pour son ambiguïté puisqu’il se rapporte à la fois à Lucifer, porteur de lumière des dieux païens et aux mondes des ténèbres dans lequel l’archange se trouva refoulé parce qu’il refusait de se soumettre au christianisme. Alors que 2020 touche à sa fin et voit disparaître ce grand maître des mots de notre langue, nous pouvons nous demander si nous ne nous trouvons pas de nouveau pris entre la lumière de la Civilisation humaine, dans toute sa diversité, et la nuit dans laquelle les fanatiques les plus extrêmes de quelle que religion que ce soit voudraient voir notre monde sombrer. C’est aussi pour cela qu’Alain Rey défendait la laïcité, non pas depuis un laïcisme aveugle aux senteurs d’une IIIe République rancie, mais depuis l’ensemble de sa diversité. « C’est la République de ceux qui croient au Ciel et de ceux qui n’y croient pas, à égalité « .

Pour en savoir plus (quelques références) :

NOTRE HOMMAGE À ALAIN REY sur le site des Éditions Le Robert (et avec de très nombreux liens) https://www.lerobert.com/alain-rey-hommage.html?fbclid=IwAR0dKBPvtwKOjPzofyrXEZE4rhdjB7u71m2ZJ2w1GT6I8XgqDcDR7S0jZqo

Le Voyage des mots. De l’Orient arabe et persan vers la langue français Editeur : GUY TRÉDANIEL ÉDITEURISBN : 978-2-8132-2146-9 (2013)

DICTIONNAIRE HISTORIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE : DIX SIÈCLES DE VOYAGE DANS LA LANGUE

https://www.lerobert.com/dictionnaire-historique-de-la-langue-francaise-dix-siecles-de-voyage-dans-la-langue.html

(Ré)écoutez « Le Mot de la fin », la chronique d’Alain Rey

https://www.franceinter.fr/culture/re-ecoutez-le-mot-de-la-fin-la-chronique-d-alain-rey

Je vous recommande les extraits retenus par France inter sur ce lien avec l’un d’actualité puisque je publie cet article un 31/10 (Halloween) et un autre d’une actualité moins légère (Pandemie).

Alain Rey : une vie dans les mots (01/07/2012)

https://www.franceculture.fr/emissions/tire-ta-langue/alain-rey-une-vie-dans-les-mots

Alain Rey, l’un des créateurs du dictionnaire Le Robert et amoureux de toujours du français, est décédé (entretien avec Alain Rey du 1 décembre 2017 et modifié le 28 octobre 2020).

https://www.letemps.ch/culture/alain-rey-lun-createurs-dictionnaire-robert-amoureux-toujours-francais-decede

Alain Rey parle du mot LUCIFÉRIEN (13/10/2016)

La laïcité par Alain Rey (22/10/2003)

https://www.ina.fr/contenus-editoriaux/articles-editoriaux/2003-la-laicite-par-alain-rey2

Article sur ce blog : Curieuse question… La langue française va-t-elle disparaïtre ? (29/03/2012)

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Écriture inclusive : une tribune qui fait débat

Posted by Philippe Liria sur 20/09/2020

Une orthographe qui fait débat

En temps de pandémie, où aborder tout autre question semble presque une hérésie ; où il ne faudrait parler que des masques, pour ou contre, dans la salle de classe en cette rentrée singulière, j’ai presque envie de remercier Marianne d’avoir accueilli dans ses pages une tribune sur l’orthographe inclusive. Un peu d’air, ça fait du bien ! Même s’il est chaud et transporte une question particulièrement… virulente.

Cette tribune rédigée par rédigée par les linguistes Yana Grinshpun (Sorbonne Nouvelle), Franck Neveu (Sorbonne Université), François Rastier (CNRS), Jean Szlamowicz (Université de Bourgogne) s’insurge contre cette réforme de l’orthographe qui se ferait au nom du militantisme et à l’encontre à la fois de l’harmonisation et la simplification de l’orthographe mais aussi des savoirs scientifiques. Elle est signée par 32 linguistes dont Louis-Jean Calvet, Anne Dister ou encore Mathieu Avanzi. Ce dernier contribue d’ailleurs largement à la diffusion du débat depuis son compte twitter. Pour eux, plus qu’une écriture inclusive, il s’agirait d’une écriture « excluante » qui pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Une tribune que Laélia Véron, la linguiste et co-auteure de Le Français est à nous ! : Petit manuel d’émancipation linguistique (La Découverte, 2019), ne manque pas de qualifier de « grotesque » qu’elle fait suivre d’arguments dans un fil particulièrement fourni. La polémique est servie !

Tous les professionnels de la langue française, qu’ils l’analysent ou l’enseignent (en écrivant cette phrase, je me suis dit : « Faut-il écrire : tous.tes les professionel.le.s… qu’ils/elles l’analysent… » ?) , savent qu’elle est complexe. Et elle reste aussi, pour certains en tout cas, un objet sacré. On l’a encore vu récemment lors du débat parlementaire. Certains parlementaires prétendaient la brandir pour permettre ou pas la saisie du Conseil d’État. Fort heureusement cet amendement des Républicains a été rejeté, mais il a donné lieu à un échange dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale pendant lequel on a pu voir comment le Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti remettait à sa place la députée qui prétendait faire passer ce texte alors qu’elle avait elle-même commis une erreur de syntaxe dans son intervention. Le ministre de la Justice, un avocat qu’il est, a sauté sur l’occasion pour le lui faire remarquer.

C’est une évidence, la langue française ne cessera de faire débat — mais heureusement aussi beaucoup d’ébats -. Alors au-delà de ces joutes, mieux vaut savoir en rire un peu. C’est pour cela que je vous invite à voir ou revoir cette vidéo de TEDx Rennes qui recevait il y a un plus d’un an Arnaud Hoedt et Jérôme Piron qui nous parlait de La faute de l’orthographe. Un moment de détente mais aussi de réflexion sur la « langue de Molière ».

Pour en savoir plus :

Tribune : Une « écriture excluante » qui « s’impose par la propagande » : 32 linguistes listent les défauts de l’écriture inclusive in Marianne, 18/09/2020

Eric Dupont-Moretti, grammaticalement vôtre, in Le Point 17/09/2020

Le faux combat de l’écriture inclusive, in Slate.fr 5/12/2019

et aussi…

Sur ce blog : Ecriture inclusive en FLE ? Vous en pensez quoi ? 29/10/2017

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Ken Robinson nous a quittés

Posted by Philippe Liria sur 23/08/2020

Une amie n’arrête pas de répéter qu’il faudrait mettre 2020 entre parenthèses ; et si nous ne pouvons pas l’effacer, au moins remonter le temps pour mieux affronter les démons qui nous attendaient au coin du mois de mars et que nous n’avons pas su voir venir. Personne ne semble avoir entendu s’approcher le terrible wig ha wag de la charrette de l’Ankou. Ce serviteur de la mort avance inexorablement et charge sur son chariot grinçant celles et ceux qui sont sur son passage. En cette fin d’août, c’est l’éducation qui a perdu l’un de ses grands maîtres. J’apprends en effet avec grande tristesse la disparition de Ken Robinson. Je n’ai jamais eu l’occasion d’assister à l’une des ces conférences mais j’aimais lire ses livres et suivais régulièrement ce qu’il faisait. Lors de mes ateliers de formation, je partageais encore régulièrement la vidéo Changer de paradigmes qui n’a rien perdu de son actualité.

On avait mis du temps à le découvrir en français alors que sa conférence TEDD a été certainement des plus vues et revues et que son livre The Element (2009) était déjà traduit dans plusieurs langues, ce n’est qu’en 2013 qu’il est sorti dans sa version française. Je vous recommande vivement de retrouver ses interventions (http://sirkenrobinson.com/watch/). Les éditions Playbac m’avaient alors contacté pour que j’écrive un article dans ce blog au sujet la sortie de L’élément, ce que j’avais fait avec grand plaisir. Ken Robinson aimait mettre en avant la créativité dans l’apprentissage, convaincu que c’est la meilleure façon de préparer les nouvelles générations aux défis de l’avenir. Il revendiquait ouvertement la fin d’un modèle scolaire appartenant au passé, basé sur des paramètres d’une société qui n’est plus. Il s’opposait aussi fermement à des modèles d’apprentissage obsédés par les tests et les évaluations. C’est l’un des points abordés dans son dernier livre – co-écrit avec Lou Aronica-, You your child and school Navigating your way to the best education (Mai 2018) et, à ma connaissance, non traduit en français.

Encore très actif ces derniers mois sur les réseaux, il était ouvertement engagé dans le combat contre le « fléau du racisme » qui passait bien entendu par l’éducation et l’implication de toute la société.

Ken Robinson est parti, mais ses conseils nous guident et continueront à nous guider dans la réflexion pour une école plus ouverte et plus créative, indispensable dans un contexte qui nous fait craindre le pire des replis. Merci, Sir !

Pour en savoir plus :

Le site de Ken Robinson http://sirkenrobinson.com

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Paris choqué : le nouveau Premier ministre ne parle pas pointu !

Posted by Philippe Liria sur 06/07/2020

Le Premier ministre français, Jean Castex (@Thomas COEX / AFP)

(actualisé le 12/07/2020)

Incroyable, la France a désormais un Premier ministre avec un accent ! Voilà donc le problème du précédent en fait : c’était plat, atone, sans aucune mélodie… Stop ! Ras-le-bol d’entendre ou de lire, en 2020, ces médias parisiens et ces citoyens sourire, parfois se moquer du français de Jean Costex, le nouveau Premier ministre français, fraîchement nommé par Emmanuel Macron. Pourquoi ces rires même pas dissimulés ? Parce que « cet inconnu » comme le désignait Libé au lendemain de sa nomination est un Gersois qui débarque à Paris en faisant un crochet par la municipalité catalane de Prade (dont il est maire). Et quand on arrive du Sud-Ouest de la France, eh bien, ô comme c’est bizarre, on ne parle pas « pointu ». On n’a pas l’accent de cette bourgeoisie parisienne qui, au nom d’un pseudo principe universel qui voudrait que leur réalité soit celle du monde, a imposé que le français normal, celui qu’il faut parler pour faire bien, pour grimper l’échelle sociale, est le sien. Un français imposé dans les médias, sauf quand il s’agit de faire de la jardinerie ou de la météo.

Attention ! le FLE ne réchappe pas à cette vision de la langue. On n’apprécie guère dans notre petit monde les documents audio qui n’auraient pas ces intonations dites « neutres », « sans accent ». Bref, plutôt que de sensibiliser les apprenants à la pluralité de la langue, on considère qu’ils doivent d’abord passer par une case qui serait considérée comme… plus utile ? plus simple ? C’est surtout du grand n’importe quoi ! Mais bien ancré dans nos traditions d’enseignement. Au nom de quoi ? Comme l’écrivait Sébastien Langevin, rédacteur en chef du Français dans le monde, « le français mérite un enseignement métissé, à l’image de sa pluralité » C’est vrai pour ses mots ; ça l’est aussi pour ses accents.

C’est tout de même incroyable que le français de Castex soit motif de causerie, de débat ou pis encore de raillerie ! C’est absolument lamentable et ça montre combien nous avons du mal en France à accepter la pluralité de la langue française, à commencer par cette pluralité hexagonale (un pochon, une poche plastique, un sac plastique ou tout simplement une poche désignent bien la même chose et sont tous aussi corrects à l’emploi, n’en déplaise à ceux qui se moque de moi quand je parle d’un « pochon » – eh oui, je suis à moitié Breton -).

Mais que dire de la pluralité du français au-delà de l’Hexagone ? Malheureusement, elle n’a encore une place qu’anecdotique dans les médias ou dans l’enseignement de notre langue, même si les choses s’améliorent. Quant à ces coqs railleurs qui ne savent certainement pas grand-chose sur ce qu’est une langue mais sont si fiers de LEUR français, ils devraient savoir que si notre langue a un avenir, ce ne sera qu’à travers la pluralité de ses mots, de sa syntaxe et de ses accents. Il est temps de mettre fin à cette glottophobie ambiante, pour reprendre le terme du linguiste Philippe Blanchet. Un sujet que j’évoquais déjà dans ce blog en novembre 2017 et que je vous invite à relire. Le nouveau résident de Matignon contribuera-t-il à suivre les voies de la pluralité ou sera-t-il contraint de se plier au diktat de l’accent pointu ?

A écouter

Jean-Michel Aphatie : peut-on se permettre d’avoir un accent dans les médias ? https://www.franceinter.fr/emissions/l-instant-m/l-instant-m-02-septembre-2020

A lire

La pluralité de la langue française contre la glottophobie (encore trop) ambiante ! (nov. 2017)

Aphatie, J.-M. et Feltin-Palas, M. : J’ai un accent, et alors ? Ed. Michel Lafon : Paris, 2020

Blanchet, P. : Discriminations : combattre la glottophobie. Éd. Textuel. Coll. Petite Encyclopédie critique : Paris, 2016

Il a accent, et alors ? par Mathieu Avanzi (publié le 4 juillet 2020)

Qu’est-ce que la glottophobie, la discrimination dont est victime Jean Castex ? CNEWS (publié le 6 juillet 2020)

Discrimination à l’accent : pourquoi tant de haine ? article de Frédéric Abéla, paru dans La dépêche du Midi (12/07/2020). A remarquer que, contrairement à ce qu’écrit le journaliste, il ne s’agit pas d' »un combat du Nord contre le Sud » mais de celui de toutes les variantes du français contre le parlé « normé ».

A suivre :

@MathieuAvanzi

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« Nouvelle normalité » éducative dans un monde « d’après » mais sans renoncements

Posted by Philippe Liria sur 30/06/2020

Une école de Taïwan, modèle post-COVID-19 – Image: REUTERS/Ann Wang

Voilà, il paraît que nous commençons à tourner la page de cette période de confinement. Il paraît aussi que plus rien ne sera comme avant dans cette “nouvelle normalité”, annoncée d’ailleurs dès les premiers jours de la crise coronavirale. Il paraît donc que le temps est venu de faire place à l’”école d’après”. Il s’agirait d’une école nouvelle où la normalité prendrait la forme d’un numérique érigé en sauveur face à la menace du vide éducatif dans lequel, en son absence, se précipiterait une grande partie des apprenants.

Un jour, avec du recul, on pourra peut-être se demander pourquoi nous avons été capables d’organiser les supermarchés, souvent restés ouverts, mais n’avons pas, dans l’urgence, su garantir l’éducation en présentiel dans un sens large du terme. Avec toutes les mesures nécessaires, bien sûr ! Et certainement mieux que dans les supermarchés… Les virologues ont certainement une réponse scientifique ; pas forcément partagées par les pédagogues comme le rappelait Jaume Funes, psycholoque spécialiste des adolescents, qui déclarait dans un entretien publié dans La Vanguardia (20/06/2020) que, si on a su « assouplir des mesures par nécessités économiques, on aurait bien pu penser au bien-être des enfants. » Mais au nom de la sécurité sanitaire, les premiers ont été écoutés et les seconds, eh bien, les seconds… Comme si la santé de l’éducation devait être reléguée en deuxième voire troisième plan. Je ne suis pas spécialiste bien entendu mais cela doit-il m’empêcher de m’interroger sur les décisions prises. Ne faut-il dans ces cas-là ne donner la parole qu’aux experts de la santé ? Et les autres ? Mais c’est un autre débat.

Comme dans plusieurs autres secteurs de la société, le numérique – si souvent décrié par les profs – a contribué à assouplir les effets désastreux de la crise sur les apprenants et les enseignants. Certains disent qu’un mythe est tombé. J’ai plutôt l’impression que nous en avons enfin fini avec la diabolisation par défaut du numérique et de tout ce qui tourne autour. Il était temps. Je vous renvoie ici à deux articles que j’avais publiés il y a quelques années sur la question : Haro sur l’innovation pédagogique ! et Smartphone à l’index ? La fausse bonne réponse. Nous avons pu observer en effet que la peur du numérique, parfois même tout simplement de l’outil informatique, a disparu. Ouf ! Vaincre ses peurs ne revient pas à ignorer les dangers que peut présenter le numérique mais le fait même d’y avoir goûté permettra de développer un certain esprit critique. On va ainsi en finir avec la critique gratuite, parfois méchante et partant souvent de préjugés dont il était difficile de se défaire et qui freinaient indéniablement la mise en oeuvre d’une politique pro-active vis-à-vis du numérique. Dommage que l’on ait pas écouté plus attentivement les avertissements lancés par certains comme Emmanuel Davidenkoff qui prédisait en 2014 un tsunami numérique. Davidenkoff s’interrogeait alors sur l’état de la préparation dans lequel allait nous surprendre ce tsunami, lui-même conséquence du séisme sociétal provoqué par le (la?) COVID-19.

Prenons le côté positif de cette situation : elle a permis de prendre conscience de l’importance du numérique dans l’enseignement ; de se rendre compte qu’il présente de nombreux avantages mais qu’il a aussi des limites. Et des besoins : matériels et formatifs.

En tout cas, même si l’analyse à faire est complexe, on ne peut certainement que reconnaître que cela a été mieux avec que sans le numérique. Mais admettons aussi, comme le signale Thierry Karsenti qu’il y a eu “les bons coups et les échecs de l’école à distance”. On a aussi vu que les générations digitales ne sont pas forcément si compétentes numériquement qu’on ne l’aurait pensé ; comme nous avons vu aussi chez les enseignants surgir des talents pédagogiques et créatifs bien au-delà des murs de la classe tout en sachant surmonter des contraintes académico-administratives héritées du « temps d’avant« . Il semblerait que cela s’est plutôt bien passé chez les grands ados et chez les adultes. Apparemment, le résultat est plus mitigé chez les plus jeunes. Un constat que faisait la Conferencia sectorial de Educación début juin en Espagne dans un rapport qui évoquait “la difficulté à développer une activité enseignante non présentielle, spécialement en maternelle et en primaire pour atteindre les objectifs fixés ; ainsi que l’impact produit par la fracture numérique et l’augmentation des inégalités éducatives provoquées par cette situation (…)” 

Actuellement, il est trop tôt pour juger les effets du numérique en classe pendant la crise. D’ailleurs, sommes-nous certains de ce que nous mettons derrière ce concept ? C’est quoi en fait le « numérique” ? Et plus encore, c’est quoi le “numérique” associé au monde de l’éducation ? Le savons-nous vraiment ? A ce sujet, je voulais signaler un article, parmi les nombreux qui ont été écrit sur la question. Il s’agit de celui de Louis Derrac, consultant et formateur, spécialiste dans les domaines de l’éducation et de la culture numérique. Cet article a été publié le 11 juin dernier Quelle place donner au numérique dans “l’école d’après” ? sur son site. Sans être nécessairement d’accord à 100% avec son propos, je crois qu’il permet de rappeler ce que nous sommes plusieurs à dire depuis déjà longtemps : nous ne devons pas plier nos modèles éducatifs à la technologie, ne pas succomber aux charmes d’un numérique à la poudre de perlimpinpin mais savoir en tirer profit ; il faut soumettre l’outil et ses très vastes possibilités aux besoins de l’apprentissage. La situation actuelle nous le montre bien. Ne tombons pas dans le piège de la fascination éblouissante des plateformes et autres outils accompagnant cette nouvelle normalité. Apprenons à faire le tri, une fois encore sans préjugés !  Et surtout apprivoisons ces outils. Faisons en sorte qu’ils s’adaptent à nos besoins – et non l’inverse.

Je vous invite à lire ou relire à ce sujet un article que j’avais publié en 2018 sur la question à l’occasion de la sortie d’un ouvrage collectif proposant des outils numériques pour la classe. Retrouvez aussi cette note de lecture de l’ouvrage Numérique et formation des enseignants de langue

On le voit bien, les questions se bousculent et elles sont légitimes. Et elles ne datent pas d’hier. Elles sont nécessaires pour trouver les meilleures réponses dans cette situation de crise mais répondons-y dans un souci éducatif, pas technologique. Ne revenons pas à ces classes aux tables individuelles où chaque élève apprend dans son coin ce que dicte le maître et où, pis encore, des séparations plastiques ont été parfois installées pour éviter tout contact avec l’autre. Comme on a pu le voir sur certains réseaux diffusant des images d’écoles chinoises. Faisons-le aussi, pour reprendre l’idée de Jaume Funes, sans renoncer aux avancées pédagogiques de ces dernières années qui privilégient le travail collaboratif, la collaboration avec l’autre, l’interaction ; que ce soit virtuellement ou, et surtout en présentiel pour ne pas perdre de vue la fonction sociale de ce lieu extraordinaire qui est la salle de classe, entendu bien sûr, comme un espace non pas cloisonné mais bel et bien ouvert sur le monde. Indispensable en ces temps de replis sur soi-même, de fermeture des frontières et du risque de fermeture d’esprit qui l’accompagne.

Pour aller plus loin :

El ministerio de Educación y Formación profesional y las CCAA acuerdan priorizar las classes presenciales en el curso 2020-2021

Les bons et les échecs de l’école à distance : entrevue avec T. Karsenti (émis le 22 juin 2020)

COVID-19: Countries around the world are reopening their schools. This is what it looks like. (publié sur le site du Forum économique mondial le 2 mai 2020)

Quelle place donner au numérique dans « l’école d’après » ? (publié le 11 juin 2020 sur https://louisderrac.com

L’escola que volen els epidemiòlegs és impossible, entretien avec Jaume Funes (La Vanguardia, 20/06/2020)

Je propose ici une série de liens vers des articles publiés ces dernières années sur mon blog et qui, selon moi, et malgré la date de publication de certains, permettent d’apporter de l’eau au moulin de la réflexion sur la présence du numérique dans la classe.

Le numérique en classe de FLE, oui mais comment ? Trois spécialistes nous aident à y voir plus clair

Quelle intégration du numérique dans la classe de langue ?

Haro sur l’innovation pédagogique !

Le tsunami numérique d’Emmanuel Davidenkoff

Smartphone à l’index : la fausse bonne réponse !

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Continuité n’est pas immobilité pédagogique

Posted by Philippe Liria sur 30/04/2020

En cette période trouble qui bouscule certainement plusieurs de nos certitudes, nous avons vu comment notre petit monde du FLE fait preuve une fois de plus de sa grande capacité de mobilisation malgré les faibles moyens à disposition. C’est en effet extraordinaire de voir comment très vite des webinaires ont été mis en place pour que les apprenants puissent continuer à faire du français et comment les organismes et les différents partenaires des enseignants se sont coupés en quatre pour faciliter l’accès aux ressources, conseiller et former, non sans improvisation parfois. Il n’y avait de toute façon pas le choix. Bien sûr, il y a eu et il y a encore, en raison de l’urgence, des couacs, technologiques et certainement aussi pédagogiques. Vue la manière dans laquelle nous nous sommes retrouvés du jour au lendemain enfermés, confinés à essayer de réinventer la classe, pouvait-il en être autrement ? Combien d’entre nous sont passés en quelques heures d’un dispositif exclusivement en présentiel au cours en ligne, sans même avoir eu le temps de faire une incursion dans l’hybride.

Aller plus loin que la simple transposition

Cette merveilleuse mobilisation ne doit cependant pas nous rendre aveugles. Face à cet engouement presque soudain pour le numérique qu’ont éprouvé beaucoup, il est important de se poser des questions sur le sens-même de l’enseignement/apprentissage dans ce nouveau contexte. Dès les premières heures, les efforts énormes en ingénierie pédagogique qui ont été déployés et qui continuent à l’être ici et là, aux quatre coins de la planète, pour rendre possible les cours en ligne ne doivent pas simplement se baser sur une transposition de ce qui se passait dans la salle de classe vers cet espace virtuel où enseignants et apprenants se donnent maintenant rendez-vous. On l’a bien compris, il s’agit d’aller plus loin. C’est le moment de réinventer la classe et de se réinventer, comme je l’écrivais le mois dernier. Il faut certainement le faire en s’appuyant sur les outils qui sont à la portée de nos apprenants. Je pense par exemple à l’utilisation des smartphones. Souvent décriés et mis à l’index, ces appareils sont pourtant pour beaucoup les seuls moyens d’accéder aux réseaux et donc aux contenus qu’on développe. Or, ceux-ci sont-ils adaptés à l’appareil ? Pas nécessairement mais c’est bien à nous de nous adapter à ces contraintes de la réalité matérielle car celle-ci s’impose tout en garantissant la qualité pédagogique à laquelle chacun a le droit.

Le numérique ne peut pas être non plus la seule réponse

Cette période va nous permettre de mieux comprendre les atouts du numérique et je suis convaincu que même les plus sceptiques auront vu à quel point il nous a aidé à garantir une certaine continuité.  Quant aux plus enthousiastes, ils auront certainement perçu les limites de ce tout-à-distance auquel nous sommes contraints. Ni l’un ni l’autre. On a vu sur les réseaux de merveilleuses vidéos de cours en ligne dans lesquelles on sentait l’enthousiasme des apprenants à pouvoir poursuivre leur apprentissage malgré les circonstances adverses. Mais on a vu aussi que l’apprentissage d’une langue passe aussi par la chaleur du contact humain, par des regards et des sourires que nos écrans n’arrivent pas à transmettre complètement. Nous devrons y réfléchir parce que nos cours en présentiel ne seront plus comme avant mais nous ne devons pas non plus penser qu’il n’y aura que le numérique. Il est trop tôt pour avoir des réponses précises alors que nous sommes encore pleins d’incertitudes mais nous devons profiter de ce moment troublant que vit notre société pour interroger notre pratique d’enseignement et commencer à explorer les nouvelles voies qui s’ouvrent à nous.

Vers de nouvelles pratiques et plus d’autonomie

Depuis des années, nous insistons aussi sur l’importance de l’autonomie d’apprentissage. N’est-ce pas l’occasion de s’y mettre sérieusement ? Ne cherchons pas à prolonger sur internet un modèle dont nous savions pertinemment qu’il s’éloignait de plus en plus des besoins des apprenants. Il nous faut sérieusement interroger nos pratiques et en explorer de nouvelles sans avoir peur d’oser. Il faut aussi que pour cela les évaluations évoluent. Car si elles ne changent pas, les idées les plus novatrices entreront en collision frontale contre la lourdeur des administrations éducatives, qui tel un poids-lourd finiront par écraser l’envie de faire autre chose.

La classe inversée comme nouvel horizon ?  Oui, mais…

On me dit aussi qu’avec ce confinement et la classe en ligne depuis la maison, c’est l’avènement de la classe inversée. Or, contrairement à une idée reçu, et persistante, la classe inversée n’est pas une classe depuis la distance, qui ne se passerait que par écrans d’ordinateur interposés. La classe inversée est avant tout, comme nous le rappelions Marc Oddou, Cynthia Eid et moi-même dans notre ouvrage sur le sujet, une formidable façon de rendre possible les pédagogies actives puisque cette méthodologie, loin de vanter les mérites du numérique, ne cherche qu’à s’appuyer dessus pour renforcer la participation des apprenants en présentiel, donc dans la salle de classe. Ce qui est vrai, c’est que nous devons favoriser dans les moments de connexion avec les apprenants la dynamique que nous voulions justement mettre en oeuvre dans l’espace-classe. Pas question en effet que le moment de connexion soit consacré à des corrections d’exercices ou à une leçon magistrale de grammaire. C’est sur la question de la dynamique de classe que nous pouvons aller puiser des idées dans la démarche proposée pour la mise en oeuvre de la classe inversée et pas du tout sur l’usage du numérique en soi.

Revoir nos paradigmes

Bref, cette situation inattendue doit nous permettre de faire ce pas vers la vraie transition pédago-numérique. Une transition qui doit se faire depuis la réflexion mais aussi avec audace – dépassons nos peurs d’internet -, avec des ratés – pas de succès sans échec -, pour que justement l’apprentissage ne soit plus comme avant.  On l’aurait souhaité autrement ? Il n’en fait aucun doute ! Mais peu importe, et nous l’avons vu, ce n’est pas ce maudit virus qui va empêcher d’apprendre et donc de réfléchir, d’échanger, de débattre… par contre, il nous oblige à revoir nos paradigmes. Le monde de l’enseignement/apprentissage des langues et en particulier celui du français n’en réchappe pas.

 

 

 

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Mobilisation en FLE par temps de coronavirus : réinventer la classe et se réinventer

Posted by Philippe Liria sur 16/03/2020

Fête de la Francophonie 2020 reportée à Lisbonne pour cause de coronavirus.

C’est la Fête de la Francophonie mais, avouons-le, le coeur n’y est pas vraiment. Nous traversons toutes et tous de drôles de temps, inconnus pour la plupart et incertains pour tous. La mondialisation physique, celle qui devrait nous permettre d’aller librement d’un lieu à un autre sur cette planète est soudainement remise en cause par un virus qui n’en a rien à faire de ces frontières que nous nous sommes inventées. Un virus contre lequel nous ne savons pas vraiment lutter. Il est plus simple en Europe de freiner à coups de gaz lacrymogène voire à coups de feu réel les réfugiés syriens, pakistanais, sénégalais et d’ailleurs qui fuient la guerre et la misère que de se mettre d’accord pour mobiliser tous les moyens nécessaires permettant d’en finir avec COVID-19

Ce coup de frein à la circulation des personnes dans le monde entier est en train de favoriser l’autre mondialisation, celle que nous permet internet. Fortement critiqué pourtant, il n’y encore pas si longtemps par tout un pan de la population qui reprochait le manque de contact social de l’outil. Voilà qu’en ces moments de confinement obligatoire, internet permet de ne pas nous retrouver dans l’isolement le plus complet. Non seulement pour recevoir des nouvelles de l’extérieur, des nouvelles du monde entier, que nous devons, certes, filtrer pour ne pas tomber dans le piège des fake news mais qui sont toujours mieux que les infos censurées du temps où seul les canaux officiels – souvent ceux de l’Etat – prétendaient nous dire les choses.

L’apprentissage en quarantaine mondiale

Comme des dominos tombant l’un après l’autre, les pays ont baissé le rideau dans l’espoir d’en finir avec le coronavirus. C’est dans ce contexte de crise sanitaire mondiale que les lieux d’enseignement en présentiel d’un peu partout sur cette planète se sont soudain retrouvés fermés, comme à peu près tous les autres espaces naturels de rencontre et de partage – car l’école dans son sens général en est bel et bien un -. Tout à coup, on voit des milliers et milliers de professionnels de l’enseignement se retourner, parfois malgré eux, vers internet et les possibilités – et même les nouvelles opportunités – que leur offre la grande Toile, souvent si décriée par beaucoup d’enseignants. Le monde du FLE ne réchappe pas à cette dure réalité. 

Le monde du FLE touché mais mobilisé

C’est même le branle-bas de combat en FLE ! Du jour au lendemain, de Hong Kong à Cusco en passant par Milan, Barcelone, Riyad, Washington et un très long etc. professeurs, responsables pédagogiques, directeurs ont renforcé leur offre de cours en ligne ou, et c’est souvent le cas, ont dû commencer à mettre en place des stratégies pour compenser au maximum, à défaut de les remplacer complètement, leurs cours en présentiel qui avaient les jours comptés. L’enseignement du français langue étrangère n’allait tout de même pas laisser abattre par un virus. Il s’agissait, et s’agit toujours de garantir la continuité pédagogique – et, j’ajouterai, économique -. En quelques jours donc, on a assisté à une mobilisation générale et sur tous les fronts : celui de la création de nouvelles ressources adaptées à la situation de crise. On voyait ainsi les profs de l’Alliance française de Hong Kong se lancer dans l’élaboration de capsules vidéos. Son directeur, David Cordina soulignait dès le 5 février sur son compte Twiter que “la seule chose positive de cette crise majeure et très inquiétante pour l’avenir, c’est le travail d’équipe des professeurs” qui se préparait à une vraie “transition numérique”. Pas le choix quand il n’existe aucune alternative pour ne pas disparaître et c’est en quatre jours qu’ils ont monté HKids in French, un réseau social (accompagné de session avec Zoom, outil gratuit pour visioconférence) qui s’adresse aux apprenants d’entre 8 et 16 ans. Il a fallu se mettre à produire des capsules vidéos quand on en n’avait jamais faites pour certains, sans oublier d’être créatifs. Le réseau comptait au début du mois de mars plus de 50 capsules sur la chaîne Youtube de cette Alliance française précurseuse malgré elle. Mais depuis, et de façon exponentielle au rythme de l’extension du virus et de ses mises en quarantaine, d’autres s’y sont mis comme à l’Institut français de Milan où Jérôme Rambert, le coordinateur TICE de qui a accompagné le passage 100% en ligne des cours de cette institution. En fait, c’est l’ensemble de la planète FLE qui est touché par ce fléau complètement inédit. Du prof en cours particulier aux grands réseaux d’Alliance françaises en passant par les très nombreux formateurs/-trices indépendants qui voient leurs missions annulées les une après les autres, les sites dédiés et les éditeurs FLE, il s’agit de trouver des réponses pour que l’apprentissage de la langue ne s’arrête pas.

Annick Hatterer, professeure FLE et déléguée pédagogique CLE International en webinaire comme alternative pendant la crise du Coronavirus.

Le numérique comme réponse

On le voit bien, le numérique, si décrié parfois dans le monde enseignant, peut être une réponse satisfaisante parce qu’il est ce “levier de transformation” pour reprendre le terme que Jacques Pécheur emploie dans un article du dernier numéro du Français dans le Monde (nº428, mars-avril 2020) consacré aux mots qui “ont changé la didactiques”. Car avec le numérique, écrit-il, “les relations qui se créent sont certes dématérialisées mais aussi bien réelles”.  Cela veut dire de se mettre à travailler à l’aide de plateformes, de généraliser la pratique des webinaires, de mettre en avant les espaces digitaux contenant des ressources, activités en ligne mais aussi des espaces profs/élèves d’échange et d’interaction, des outils d’apprentissage comme les manuels numériques… Bref, il s’agit de mobiliser tous les outils que nous fournit internet ! Enseignants et apprenants qui sont familiarisés avec les techniques de la classe inversée connaissent déjà bien ces supports et dispositifs, mais aussi et c’est très important l’usage pédagogique à donner. Je suis sûr que certains collègues enseignants qui ne voulaient pas entendre parler de tablettes ou de portables, qu’ils diabolisaient, vont se rendre compte à leur tour du potentiel qu’ils représentent en ces moments de crise. 

On dit que c’est alors qu’il était confiné chez lui en raison de la peste bubonique qui faisait des ravages dans l’Angleterre de la deuxième moitié du XVIIe siècle qu’Isaac Newton a développé sa théorie de la gravité. Souhaitons que ce mauvais moment que nous traversons, où que nous soyons sur cette planète, soit l’occasion à toutes et tous qui sommes dans le monde du FLE de réinventer une façon de faire les cours et de se réinventer. Souhaitons-le pour que la Francophonie, dont c’est la fête en ce mois de mars, retrouve toutes ses couleurs l’année prochaine.

 

Pour en savoir plus

A lire ou relire, l’ouvrage Pratiques et Projets numériques en classe de FLE dont David cordina et Jérôme Rambert sont co-auteurs avec Marc Oddou.

« 2000-2020 : Des mots qui ont changé la didactique », Jacques Pécheur dans Le Français dans le monde, nº428, p.34-35 (mars-avril 2020)

Pour créer vos propres capsules, suivez les conseils de Marc Oddou (cf. La classe inversée)

Un exemple de ressources en ligne : les activités autocorrectives de Tendances (accès gratuit, illimité, du A1 au B2)

 

 

 

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« Trop, c’est trop ! » Crient haut et fort les professeurs de français de Madrid

Posted by Philippe Liria sur 06/03/2020

Rien de nouveau sous le soleil d’Espagne mais la coupe est pleine cette fois ! C’est en tout cas ce que les professeurs de français (mais aussi d’allemand, d’italien, etc.) semblent commencer à vouloir faire savoir. Le ton monte. Les réseaux se sont remplis de messages (#50minutosnobastan, #Madridsemerecesegundoidioma, #elfrancesnosetoca, #quieroestudiarfrances) pour mobilier et soutenir les enseignants, défendre la deuxième heure tout en disant bien que c’est plus qu’insuffisant et souligner les contradictions d’un gouvernement local qui vend du vent avec son bilinguisme à quatre sous. Une concentration est d’ailleurs prévue ce vendredi à Madrid pour freiner le décret de la Comunidad de Madrid qui réduirait à une simple misérable petite heure. J’en parlais déjà dans mon précédent post.

Trop, c’est trop !

En effet, trop, c’est trop ! Les professeurs de français de Madrid ont raison de protester. Certainement que ce sont toutes et tous les professeurs de français d’Espagne qui devraient le faire. Car, au bout du compte, ce décret dont Isabel Díaz Ayuso, la présidente de la région Madrid, se vante car il favoriserait l’éducation physique n’est qu’un exemple de plus du peu de cas que l’Espagne dans sa globalité fait à l’enseignement d’une deuxième langue étrangère. On réforme pour la énième fois l’enseignement obligatoire (l’ESO) mais sans introduire la moindre mesure qui serait un véritable pas en avant pour que les langues occupent la place qu’elles devraient avoir dans la formation des citoyens dès leur plus jeune âge. Julián Serrano, président de la FEAPF rappelle que  “Le Gouvernement central n’apporte pas de réponse univoque au niveau de l’Etat qui garantirait l’apprentissage de deux langues, important pour jouer le rôle de compensation social du système éducatif. Si cet apprentissage n’est accessible qu’à un petit nombre, c’est un grande partie de la société qui en pâtit » (Elconfidencial.com, 05/03/2020). Je dirais de toute façon qu’un pays qui a déjà du mal à assumer sa propre pluralité linguistique a certainement du mal à accepter qu’en plus, on y développe un vrai enseignement d’autres langues. Et pourtant tout le monde y gagnerait et sur tous les points ! Malheureusement, plutôt que de réfléchir à une amélioration des contenus et des techniques d’un enseignement qui vise des objectifs de B1 voire de B2, il faut se battre pour en maintenir la place dans les collèges, et souvent dans l’indifférence de beaucoup trop de parents encore qui ne voient pas l’intérêt d’une deuxième langue sauf au dernier moment, en cas de crise. Mais c’est souvent trop tard !

Espérons que l’Espagne comprendra que la politique (y en a-t-il vraiment une) d’enseignement des langues telle qu’elle existe aujourd’hui ne mène nulle part. Alors que nous pouvons constater que plusieurs pays qui avaient abandonné l’enseignement du français au profit du tout-anglais sont en train de revenir sur leur décision et cherchent à favoriser le plurilinguisme, non pas sans difficulté car personne n’a dit que c’était facile, assisterons-nous enfin à un changement de cap ?   Saurons-nous prendre la voie du plurilinguisme ? J’aimerais y croire… mais je ne vois rien dans la nouvelle réforme. Hélas !

Pour en savoir plus

A lire dans Elconfidencial.com du 5 mars 2020 : Mucho bilingüismo, pocos idiomas: España se queda atrás y los profesores estallan (en espagnol)

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L’enseignement du français en Espagne : du plomb dans les ailes ?

Posted by Philippe Liria sur 29/02/2020

A en croire les chiffres, et après des années dans la grisaille, le français affiche plutôt une bonne santé avec son 1,5 million d’apprenants si l’on en croit l’Institut français d’Espagne. Il faut dire qu’après des années plongé dans une certaine torpeur, le français a repris son envol dans la dernière décennie. Les choses ont bien été reprises en main et depuis, les actions ne cessent de se multiplier sur l’ensemble du territoire. Ça et là, des conventions ont été signées pour que le français retrouve une certaine place dans les différents systèmes scolaires espagnols. Fin janvier, Julián Serrano, président de la Federación española de asociaciones de profesores de francés (FEAPF) signait avec l’Institut français d’Espagne une convention pour renforcer l’enseignement du français dans le pays.

 

 

 

 

Journée de formation FLE (Tolède, février 2020) – Atelier CLE animé par Jeanne Renaudin

Cela va dans le sens de ce qui se passe un peu dans chaque communauté autonome. On a vu une augmentation exponentielle des effectifs dans le primaire, grâce notamment à l’Andalousie mais aussi des chiffres, élevés, qui se maintiennent dans le secondaire. On ne peut que regretter la baisse (légère) en Bachillerato. Le succès du DELF, notamment scolaire, est aussi un indice que le français est bien portant. Avec ses quelque 30 000 candidats en 2019, le DELF en Espagne se situe vraiment dans les pays de tête. Les collèges « bilingues » vont bien et ils sont nombreux, en Andalousie bien sûr depuis déjà de très nombreuses années mais aussi, par exemple, dans la très pro-anglais Communauté de Madrid. Sans compter les 37 établissements labellisés, que l’on retrouve surtout, encore une fois, en Andalousie mais aussi à Madrid ou en Aragon. Un tel panorama peut faire croire que le titre de cet article est complètement erroné. Et pourtant, on peut se demander si le français n’est pas en train de prendre du plomb dans les ailes, en tout cas dans certaines régions.

Madrid, la religion plutôt que les langues

Récemment, on a vu en effet comment la Communauté de Madrid a l’air de préférer les heures de religion – rien d’étonnant quand on voit qui est au pouvoir – au détriment des heures de langue. Comme si parler à un dieu, quel qu’il soit, était plus important que de savoir parler des langues étrangères. Ce n’est certes qu’un projet de décret de la présidente de la Région Madrid, Isabel Díaz Ayuso, mais on peut craindre le pire surtout qu’on connaît les penchants historiques vers le tout-anglais dans les écoles madrilènes avec des programmes bilingues qui n’ont pourtant pas l’air d’avoir été très efficaces. Pourquoi le français serait-il en danger à Madrid ? Il se trouve que la présidente Ayuso propose d’augmenter les heures de sport – ce qui en apparence une bonne idée – et que, plutôt que d’aller en chercher en religion, on va les prendre dans ces matières optionnelles comme le sont les arts, l’informatique et bien sûr, la seconde langue étrangère, c’est-à-dire presque tout le temps le français. Evidemment elle le vend dans un emballage qui est dans l’air du temps en vantant les mérites de l’activité sportive, comme le recommande l’OMS. A aucun moment, elle ne s’est dit – elle ou quelqu’un d’autre de son gouvernement autonome – que c’était peut-être l’occasion de revoir le traitement que son système scolaire donne aux langues étrangères – autres que l’anglais, of course – ? C’est en tout cas une mesure absurde et qui éloigne un peu plus la Région Madrid des objectifs de faire des collégiens Madrilènes des citoyens européens pleinement plurilingues. Avec deux heures, on pouvait légitimement se demander comment atteindre le niveau A2 en fin de l’ESO mais avec une heure, c’est tout simplement impossible ! Les professeurs essaient de se mobilier : une pétition a été lancée pour essayer de freiner ce décret.

Andalousie, un combat permanent pour le maintien du français

Mais cette attaque à l’enseignement des langues étrangères, on la retrouve aussi en Andalousie. Rien de définitif non plus mais il semblerait que le français ne sera plus présent dans le primaire dès la première année et qu’à partir de la rentrée 2020, on ne le retrouverait qu’en 5è et 6è du Primaire. Une bien mauvaise nouvelle si cette information finit par être confirmée. Point positif, c’est qu’en Bachillerato, la deuxième langue étrangère obligatoire (souvent le français) est maintenue – grâce à une pétition qui a fait reculer le Gouvernement andalou -. En novembre, la presse andalouse s’était largement fait écho de la menace qui pesait sur le français. On a donc eu chaud, mais jusqu’à quand ? Andogalia, l’association andalouse des professeurs de français, est sur le pied de guerre elle aussi. Elle relaie activement sur les réseaux l’appel du 2 mars en faveur du français comme deuxième langue obligatoire et qui consiste à envoyer sur twitter un message sous les étiques #quieroestudiarfrances (je veux étudier le français) et #elfrancesnosetoca (toucher pas au français) et qui sera adressé à la ministre de l’Éducation (@CelaaIsabel) ou à son ministère (@educaciongob), ou encore aux différents ministères régionaux.

La deuxième langue étrangère, la 5è roue d’un carrosse éducatif branlant

Je n’ai fait référence qu’à la Région Madrid et à l’Andalousie mais en fait, le combat vaut pour l’ensemble des régions qui, malgré certains efforts parfois, ne misent pas vraiment sur un vrai enseignement d’une deuxième langue obligatoire dès la première année de l’ESO (tranche des 12-16 ans). Certes, le français voit ses effectifs augmenter et on ne peut que s’en réjouir mais il est clair que c’est largement insuffisant car souvent, cela se fait dans des conditions précaires, avec peu d’heures, peu de moyens financiers et humains, pas assez de formations – même si on ne peut qu’applaudir la généralisation des Journées de français sur l’ensemble du territoire -. Le français, comme la musique, les arts et d’autres matières ne sont donc que la 5è roue d’un carrosse éducatif déjà branlant et peu audacieux, comme si les autorités espagnoles ou régionales ne voyaient pas que l’anglais est loin d’être suffisant et que c’est bien du français dont auraient besoin les citoyens d’un pays ayant comme partenaires essentielles, au Sud, le Maroc, l’Algérie ou encore la Tunisie et au Nord, la France.

 

Pour en savoir plus :

Nueva apuesta educativa: tres horas de educación física, menos de música y las mismas de religión

En defensa de la Segunda Lengua Extranjera en la ESO. ¡NO A LA REDUCCIÓN HORARIA DE LOS IDIOMAS EN LA ESO!

La Comunidad de Madrid provoca la alarma con la subida de horas de Educación Física

Proyecto de Decreto del Consejo de Gobierno por el que se modifica el Decreto 48/2015, de 14 de mayo, del Consejo de Gobierno, por el que se establece para la Comunidad de Madrid el currículo de la Educación Secundaria Obligatoria.

Fédération Espagnole des Associations de Professeurs de Français

La comunidad educativa rechaza el sistema de bilingüismo de la Junta

 

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Une bibliothèque virtuelle pour toutes les Amériques

Posted by Philippe Liria sur 30/01/2020

Lecteurs et lectrices qui ne vous trouvez pas dans les Amériques du Nord, centrale ou du Sud ni dans les Caraïbes, vous n’en avez peut-être jamais entendu parler et c’est pourtant toute une institution : je me réfère bien entendu au Centre de la Francophonie des Amériques (CFA). Le CFA contribue, comme on peut le lire sur le site internet, “à la promotion et à la mise en valeur d’une francophonie porteuse d’avenir pour la langue française dans le contexte de la diversité culturelle en misant sur le renforcement et l’enrichissement des relations ainsi que sur la complémentarité d’action entre les francophones et les francophiles du Québec, du Canada et des Amériques”. Un bel objectif qui se traduit par un vaste et ambitieux programme qui comprend, entre autres, une université d’été dont ce sera la 6è édition en mai prochain ou encore le déjà célèbre concours Slame tes accents qui s’adresse aux élèves d’entre 12 et 18 ans et à leurs enseignants.

Des lectures en ligne par milliers

Le CFA propose aussi des outils comme la merveilleuse Bibliothèque des Amériques. Cette initiative entièrement gratuite pour les membres du CFA permet d’accéder à des milliers d’ouvrages en ligne. Comme l’a déclaré l’écrivain et académicien Dany Laferrière, elle “ouvre, pour beaucoup de gens dans ce monde d’inégalités, de fantastiques possibilités. Brusquement une grande partie de cette Amérique aura accès à un savoir jusque-là hors de leur portée !” Plusieurs de ces livres sont d’ailleurs empruntables dans la Bibliothèque des Amériques. A partir d’un simple clic, vous pourrez lire ou relire l’Autoportrait de Paris avec un chat, le Journal d’un écrivain en pyjama et bien d’autres encore ! Le catalogue est très bien fourni avec presque 10 000 titres (environ 6600 pour adultes et environ 2300 pour la jeunesse) aussi bien dans la catégorie Fiction que des documentaires. Impossible de ne pas y trouver son bonheur ! Le lecteur peut choisir une lecture en ligne, en PDF ou un ePub. Et en plus, depuis cette année, une sélection de livre audios est disponible grâce à un partenariat entre le CFA et Radio-Canada. On peut ainsi écouter, en ligne ou en le téléchargeant, l’ouvrage La petite poule d’eau (1950) de l’incontournable autrice manitobaine, Gabrielle Roy ou encore le très récent recueil de poésie de Gabriel Robichaud Acadie road qui a obtenu le prix Champlain en 2019.

La Bibliothèque des Amériques, c’est bien plus qu’une bibliothèque, c’est aussi un lieu de rencontres grâce à aux Rendez-vous littéraires qui permet à des écrivains francophones d’échanger en ligne avec des étudiants de français où qu’ils soient dans les Amériques. En 2019, il y a eu ainsi 12 Rendez-vous littéraires qui ont permis des échanges avec des étudiants du Canada, des Etats-Unis, du Mexique, du Pérou ou d’Argentine de rencontrer virtuellement des écrivains et écrivaines de différents horizons de la Francophonie (Canada, Louisiane, Haïti). N’est-ce pas merveilleux et motivant pour les apprenants ? Renseignez-vous pour la saison 2020 ! Toujours dans le cadre de ces actions en faveur de la promotion de la littérature francophone, la Bibliothèque annonce sur son site qu’elle va bientôt lancer le Club de lecture des Amériques pour les plus jeunes (8 – 12 ans). Soyez attentifs à leur actualité !

Pour les enseignants, la Bibliothèque des Amériques dispose d’une zone pédagogique avec des fiches pour accompagner les lectures ou encore des liens vers des ouvrages sur l’enseignement du français et l’enseignement en français.

On le voit bien, cette bibliothèque est un merveilleux outil, surtout pour tous ces coins des Amériques mais aussi, après tout, pour tous ces coins du monde où, malheureusement on ne trouve pas une seule bibliothèque ni la moindre librairie. Elle donne accès à une impressionnante quantités d’ouvrages qui seraient inaccessibles autrement. C’est pourquoi il faut que cette initiative du CFA bénéficie d’une plus large diffusion encore. Allez donc y faire un tour !

Voilà quelques années déjà que nos chemins se croisent, parfois dans le froid canadien et plus souvent sous la chaleur des Tropiques, et je ne peux que confirmer que tout ce que fait le Centre de la Francophonie des Amériques est énormément apprécié des enseignants et des étudiants. Je l’ai dit, grâce à un superbe programme mais aussi, et ce n’est pas un détail, grâce à une équipe motivée et absolument extraordinaire !

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Dix ans de blog déjà ! Merci à toutes et tous !

Posted by Philippe Liria sur 30/12/2019

Article du 2 janvier 2010 sur le livre scolaire à l’ère du numerique

Il y a 10 ans maintenant, je décidais sur les conseils d’un collègue de l’époque d’ouvrir ce blog sur http://www.wordpress.com. Dix ans déjà ! D’abord sporadiquement et très discrètement, j’ai commencé par un article sur les TNI que j’appelais encore TBI d’ailleurs. En le relisant, 10 ans après, je me rends compte aussi qu’il est nécessaire d’apprendre à relativiser l’enthousiasme ou l’émerveillement que peut susciter une nouveauté technologique. Au centre des inquiétudes, déjà, était la motivation et j’augurais à tort que le TNI allait vraiment y contribuer. Le temps et surtout la pratique à montrer qu’il n’en est presque rien car trop souvent, l’outil, même s’il s’est généralisé, n’a pas vraiment changé la façon de faire la classe dans bien des cas. En me plongeant dans les archives de ce blog, j’y retrouve des réflexions sur l’avenir des manuels scolaires dans un monde numérisé. Je notais déjà que nous avancions « inexorablement vers une classe où le virtuel, notamment dans l’enseignement des langues, permettra de faire de cet espace-classe un lieu d’interactions véritables avec une vraie présence de la langue-cible. » Au long de toutes ces années, j’ai souvent écrit au sujet de la place des technologies dans notre domaine que ce soit les TNI, les manuels numériques, la tablette, les plateformes, les MOOC, la réalité virtuelle ou encore, comme dans mon tout dernier article, une référence aux robots. Il ne s’agit ni d’encenser le numérique ni de le mettre à l’index mais bien de faire le point sur l’avancée des technologies au service de l’apprentissage car le risque des mauvais usages n’est jamais bien loin des avantages que celles-ci présentent. Je l’évoquais déjà en 2015 dans un article qui s’interrogeait sur ce que signifie apprendre à partir des ouvrages de Roberto Casati et Michel Serres respectivement.

Mais il n’y pas que la technologie et d’ailleurs, je n’ai jamais voulu la dissocier de la didactique car rien ne sert de la faire entrer dans la classe si ce n’est pas pour la mettre au service d’une didactique plus efficace ; pour qu’elle permette aux apprenants de mieux acquérir des compétences. J’y ai donc souvent parlé de l’approche actionnelle non sans faire évoluer mon opinion dessus. Certains me reprocheront peut-être d’avoir mis de l’eau dans mon vin. Et ceux qui me connaissent bien savent ô combien un tel mélange est un sacrilège pour moi ! Mais c’est aussi parce que je crois que la démarche est juste qu’elle demande d’être mise à la portée de tous et pour cela, nous devons peut-être savoir renoncer à certains postulats trop radicaux. La didactique doit avancer mais elle ne peut ignorer le contexte dans lequel elle le fait. D’ailleurs, c’est parce que je continue à y croire tout en étant conscient des difficultés à la mettre en oeuvre que j’ai perçu dès le départ que la classe inversée en être un facilitateur.

On assiste aussi aujourd’hui, et peut-être dans cet effet de pendule qu’on retrouve régulièrement en didactique,  à une certaine demande d’un retour à des fondamentaux comme par exemple de la grammaire. Comment rendre à la fois compatible la nécessité d’avoir des connaissances grammaticales solides sans que son étude ne soit une obsession et même un frein à l’acquisition de compétences de communication et d’action dans la langue-cible ? La grammaire inductive est-elle une réponse possible ? Dès décembre 2012, j’envisageais dans un article qu’elle le soit dans les propositions devant faciliter la place d’une grammaire autrement en classe. On veut y croire mais on voit là encore que sur le terrain les choses ne sont pas si simples. J’y ai parlé du CECRL, de ses implications dans notre enseignement et plus récemment, j’ai commencé à m’intéresser à ce volume complémentaire qui contient de nouveaux éléments ou en tout cas en propose une vision enrichie grâce à de nouveaux descripteurs. Certainement que nous en reparlerons. Parmi ces éléments, la place à réserver, chaque fois plus grande au bilinguisme et mieux encore au plurilinguisme.

Il y a eu aussi cet article paru en octobre 2012 sur la pédagogie inversée. Le tout premier d’une série sur le sujet. Et d’ailleurs l’un des tous premiers à essayer de faire le lien entre FLE, approche actionnelle et cette pédagogie au nom encore hésitant en français à ce moment-là. Puis vinrent plusieurs autres articles sur la question pour aboutir finalement avec Cynthia Eid et Marc Oddou à la publication chez CLE International à un ouvrage qui y est justement consacrée à qu’aujourd’hui nous nommons plus généralement la classe inversée.

Premier article dans lequel j’évoquais la classe inversée (Octobre 2012)

Dans ce blog, essentiellement dédié à la didactique du français langue étrangère, je n’ai jamais manqué aussi d’être critique (et continuerai à l’être) quand c’est nécessaire quand on parle de la situation du français dans le monde, non sans hypocrisie parfois comme lors de congrès ou à l’occasion des célébrations autour de la Francophonie ; de m’insurger parfois sur le statut des enseignants FLE (un des articles les plus consultés) mais aussi par rapport à certaines situations pédagogiques comme la place du smartphone en classe ou les polémiques autour de la féminisation des noms de métiers ou plus récemment autour de la médiation (un sujet épineux en Espagne par exemple) mais aussi plus politique car, notre monde du FLE ne peut rester indifférent face à ces phobies qui se dressent comme j’intitulais mon article de mars dernier, contre la glottophobie aussi ou une réflexion sur les inquiétudes que provoquent la monté de l’extrême-droite et des populismes en général un peu partout dans le monde.

Et si j’ai continué à écrire au fil des mois puis des années, c’est parce que vous êtes des milliers à me lire régulièrement et souvent à partager mes réflexions en les diffusant sur les réseaux. Je vous en remercie du fond du coeur. Ce n’est pas simple de maintenir le rythme. Parfois les événements extérieurs ne le permettent pas toujours. Je sais aussi que ce que j’écris n’a aucune prétention si ce n’est apporter quelques éléments pour, modestement, essayer de faire avancer le monde de la didactique des langues et plus particulièrement celle du FLE dans lequel je suis tombé, un peu sans le vouloir, en 1989, loin d’imaginer que j’en ferais encore partie 30 ans après !

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Apprendre les langues avec un robot ?

Posted by Philippe Liria sur 29/12/2019

MERO 3 (capture tirée de la présentation chinoise du robot sur You tube)

La mutation de l’apprentissage des langues

Vous vous souvenez peut-être du moment où on a commencé à généraliser l’installation des TNI et des vidéo-projecteurs, puis des VNI. Imaginez qu’en entrant dans votre salle de classe, aux côtés de votre tableau interactif, se trouve, posé sur votre bureau, un sympathique Mero-3 qui vous dit bonjour. Il est là pour vous assister en cours et qui sait, un jour peut-être, vous remplacer. « Pure science-fiction ! » me direz-vous. « Jamais une machine ne pourra vraiment prendre la place d’un prof ! ». Rassurez-vous, ce n’est pas demain la veille qu’un robot fera tout un cours à votre place, quoique… L’avenir est au coin de la rue et déjà nous voyons comment la technologie est en train de gagner du terrain sur le cours traditionnel. Qu’il s’agisse de plateforme ou d’applications, de façon plus ou moins virtuelle, on voit des outils qui permettent d’acquérir des compétences en langue, à un degré insoupçonnable il y a à peine quelques années. Le succès de Duolingo, l’invention du Guatémaltèque Luis Van Ahn qui compte quelque 200 millions d’utilisateurs, en est certainement la preuve. On aurait tord de mépriser la place que cette application a réussi à se faire dans l’apprentissage des langues (leader mondial dans son domaine), malgré ses imperfections ou ses limites. Et elle n’est pas toute seule à se frayer un chemin dans le secteur du marché de l’apprentissage des langues – n’en déplaise aux professionnels de l’enseignement de celles-ci.

Nous voyons aussi comment le développement de la réalité virtuelle fait plonger l’apprenant dans des situations qui pourraient bien dans un avenir très proche faire oublier les jeux de rôle ou de simulation tels que nous les connaissons traditionnellement (cf. article sur le sujet ici). N’assistons-nous pas dernièrement à un véritable engouement pour les escape games ou jeux d’évasion ? Dans notre petit monde du FLE, nous voyons ça et là des propositions de formation pour sensibiliser coordinateurs pédagogiques et enseignants aux avantages que présentent ces jeux. Alors, même si les lunettes de réalité virtuelle ne sont pas indispensable pour que les apprenants résolvent les énigmes auxquelles ils sont soumis afin de pouvoir sortir d’une pièce, celles-ci sont de plus en plus utilisées car elles contribuent à les plonger dans un univers 3D presque aussi authentique que ce qu’ils trouveraient dans le monde réel. Voilà qui donne une toute autre dimension à l’apprentissage des langues. J’aurais l’occasion de vous parler plus longuement des jeux d’évasion dans un prochain article.

Alors un robot en classe ?

Alors un robot en classe ? Peut-être pas tout de suite, mais soyons attentifs car rien n’est impossible au rythme où la technologie avance ! D’ailleurs, des expériences sont menées déjà depuis de une bonne quinzaine d’années mais semble à être restées là, au stade purement expérimental. Donc pas de précipitation mais d’importantes avancées que l’intelligence artificiel devrait contribuer à développer. C’est en tout cas ce que je retiendrai de la récente lecture de deux articles en lien avec la didactique des langues et la robotique. Le premier Social Robots for Language Learning: A Review a été publié en avril dernier par une équipe de chercheurs de l’Université d’Utrecht dans Review of Educational Research. Le deuxième, Apprentissage des langues, jeu et robotique – Le projet Ludibot,  d’Haydée Silva, responsable de la section de Didactique de la langue et la littérature du département de lettres modernes de la Faculté de philosophie et lettres de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM), est paru en ligne dans Alsic le 8 septembre dernier.

Je vois déjà les moues sceptiques de certain.e.s d’entre vous et vous n’avez pas tout à fait tort. Les résultats de l’étude menée par le groupe de chercheurs de l’Université d’Utrecht relèvent clairement de nombreuses imperfections. Cependant, le fait même que des robots existent et sont déjà utilisés dans des cours de langue (après tout le lapin multifonctions Nabaztag n’est plus tout jeune) , même si ce n’est qu’à titre expérimental, nous oblige à nous poser des questions sur la manière d’enseigner les langues et aussi, ou surtout, celle de les apprendre. Les chercheurs s’y intéressent tout particulièrement comme ceux qui travaillent sur Tega par exemple. Haydée Silva cite dans son article le nombre d’utilisations potentielles de la robotique en DLC qu’ont relevées Ferguson et al. : « la robotique devrait permettre d’accroitre l’interaction en classe, en aidant le professeur à déléguer certaines tâches (répondre à des questions récurrentes, évaluer) et donc à diriger son énergie vers des interactions spécifiquement humaines, qui exigent d’exercer la capacité de jugement ou de fournir un soutien émotionnel (2019 : 3). Ils ajoutent, dans le cas de l’apprentissage des langues : « Les robots conçus pour communiquer socialement fournissent des occasions d’apprendre les langues. Le robot peut agir comme un tuteur, disponible à tout moment quand l’apprenant souhaite dialoguer ».

On peut bien sûr légitimement se demander si cette disponibilité « à tout moment » signifie aussi capacité à pouvoir répondre aux véritables besoins ou attentes de l’apprenant, surtout dans le cas d’un robot non-télédirigé. Or, l’adaptabilité aux besoins de l’apprenant sera certainement déterminante pour évaluer la réelle efficacité de la machine. On voit bien que qu’en l’état actuel du développement des robots sociaux, ceux-ci ont encore des compétences limitées en production orale pour travailler efficacement avec les apprenants. Les recherches indiqueraient que, même si dans un premier temps la présence d’un robot a des effets positifs sur les apprenants, l’absence d’une certaine empathie deviendrait vite un frein à l’enthousiasme initial.

Ce point et d’autres encore ont été observés par l’équipe d’Utrecht qui a analysé les réactions des enfants, des ados ou des adultes placés en situation d’apprentissage d’une langue en présence d’un robot, parfois télédirigé, parfois programmé. Ils l’ont fait dans le but d’essayer de mieux comprendre les implications actuelles, les limites et donc les défis à relever pour que ces robots sociaux puissent vraiment avoir leur place dans la didactique des langues et cultures.

Des éléments qui n’échapperont certainement pas au groupe de travail du projet Ludibot dont nous parle Haydée Silva dans son article. Ludibot est un robot qui existe déjà sous forme de prototype : « Il s’agit d’un robot mobile de service, d’aspect non humanoïde, à contrôle visuel, à usage professionnel, destiné à un cadre scolaire ou extra-scolaire, pour une utilisation guidée (en classe) ou en autonomie (en médiathèque). » Un projet qui, à terme (2021), vise à développer « des outils théoriques et pratiques favorisant un meilleur apprentissage médiatisé par la technologie dans la classe de langue en général et la classe de FLE en particulier, selon une approche intégrale propice à une interaction humain/machine attirante, significative et efficace ».

Un émerveillement technologique réfléchi

A la lecture de l’analyse de l’équipe d’Utrecht notamment concernant la motivation, on peut se demander s’il ne faudrait pas lui donner un aspect humanoïde. Un point qui pourrait (le conditionnel est important ici) renforcer l’intérêt de l’apprenant, voire cet « émerveillement » dont nous parle Silva en référence au Learning through wonder qu’elle définit comme la tendance novatrice de la didactique qui ouvrirait de nouvelles « pistes pour l’apprentissage ». Un facteur déterminant certes, mais attention aux effets mirage : l’émerveillement ne doit pas se transformer en éblouissement. Les études, qui restent cependant peu nombreuses, montrent que l’intérêt initial peut vite décroître si, au-delà de cet « émerveillement », le robot ne peut personnaliser son rapport avec l’apprenant. Certes, on pourrait se dire que ce rôle ne reviendrait qu’à l’enseignant – ce qui est certainement vrai dans un premier temps – mais on peut imaginer que l’avancée de la recherche en intelligence artificielle contribuera à surmonter les limites actuelles de la robotique au service de la DLC.

J’introduisais cet article en faisant référence aux fameux TNI ou mieux encore aux VNI. On se souvient qu’au début les prix étaient exorbitants et qu’il a fallu un certain temps pour les voir se généraliser dans les salles de classe. On se souvient aussi que cela n’a pas été simple car leur installation n’était pas toujours accompagnée de la formation nécessaire – d’ailleurs, encore aujourd’hui ces outils sont infra-utilisés – ; sans parler des cas où ils sont restés dormir dans un cagibi de l’établissement faute de savoir comment les monter. Il faudra que, dans le cas des robots, on ne tombe pas dans le même piège. Dans ce sens, le projet Ludibot s’inscrit dans une démarche que Silva décrit comme étant une « logique de conception d’outils robotiques aisément adaptables et à un prix accessible », ce qui n’est pas négligeable dans la période de vaches maigres (encore une) que traverse le monde du FLE.

Alors que je terminais d’écrire ces lignes un ami à qui je faisais part du contenu de l’article semblait surpris que je traite la question et il m’a demandé ce que j’en pensais vraiment de ces robots et si cela ne risquait pas d’entrainer la disparition des enseignants. Je suis convaincu qu’il n’en est rien parce que, justement comme le signale Silva au début de son texte, « de la tablette en cire de l’Antiquité à la tablette numérique du XXIème siècle, l’ « art d’enseigner les langues » a toujours fait preuve d’une relative ouverture face aux innovations technologiques ». C’est de cette ouverture dont nous devons faire preuve non pas pour nous jeter aveuglement sur la première innovation venue, mais au contraire apprendre à en tirer tous les avantages pour mettre la technologie au service (et aussi à la portée économique) de nos apprenants. Quitte aussi à savoir faire marche arrière si cela ne donne pas les résultats attendus comme nous pouvons l’observer concernant par exemple ce retour au manuel traditionnel dans nombreux établissements qui s’étaient précipités peut-être un peu trop vite dans le tout-numérique.

Pour en savoir plus :

Sur la robotique dans l’apprentissage des langues :

Van den Berghe , R. (U. d’Utrecht), Verhagen, J. (U. d’Utrecht/U. d’Amsterdam), Oudgenoeg-Paz, O., van der Ven, S. &  Leseman, P. (U. d’Utrecht) : Social Robots for Language Learning: A Review in Review of Educational Research (Avril 2019), Vol. 89, No. 2, pp. 259–295 DOI: 10.3102/0034654318821286 Article reuse guidelines: sagepub.com/journals-permissions © 2018 AERA. http://rer.aera.net (en anglais)

Silva, H. : Apprentissage des langues, jeu et robotique – Le projet Ludibot, Alsic [En ligne],  | 2019, mis en ligne le 08 septembre 2019, Consulté le 26 décembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/alsic/3848

Silva, H. : Ludibot: au carrefour de l’apprentissage des langues, du jeu et de la robotique, Alsic [En ligne],  | 2019, mis en ligne le 15 mars 2019, Consulté le 27 décembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/alsic/3631 

Visioconférence d’Haydée Silva : Ludibot : Au carrefour de l’apprentissage des langues, le jeu et la robotique https://youtu.be/YXx5yzE88ag (16/01/2019)

Social robot helps teaching toddlers a second language https://youtu.be/vlmjvKgWtmU (13/04/2017)

NABAZTAG:TAG by Violet en français https://youtu.be/SlM3L9jUTsA (4/12/2008)

TEGA, the new robot in school, https://youtu.be/U4srV1Icnb0 (7/11/2017)

Sur les jeux d’évasion en FLE

Les Agités du FLE sur les jeux d’évasion en FLE :

 https://agi.to/podcast/escape-games-en-fle/ (20/9/2019)

Escape game pédagogique : https://www.fle-adrienpayet.com/escape-game-pédagogique/

Jeux d’évasion (pédagogique) – mini-guide : https://carrefour-education.qc.ca/guides_thematiques/jeu_devasion_pedagogique_-_miniguide

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Innovation et créativité sont au rendez-vous le 28 novembre prochain

Posted by Philippe Liria sur 23/11/2019

Un grand jour dans votre agenda… enfin peut-être

Le 28 novembre sera un grand jour pour beaucoup d’entre vous, lectrices et lecteurs : c’est le Jour du prof de français ! Le premier de l’histoire ! Pas question d’aigrir la fête mais j’aurais quand même une pensée pour toutes et tous qui n’aurez peut-être pas le temps de célébrer quoi que ce soit (car ce n’est pas férié) en raison d’un emploi du temps compliqué, entre 7 heures du mat et 23 heures, pris entre votre cours en entreprise, l’école de langues qui vous donne quelques heures par-ci par-là – si elles ne sont pas annulées au dernier moment -, les cours particuliers en présentiel et peut-être, parce que vous êtes de plus en plus à en avoir, votre cours en ligne à pas d’heure avec un apprenant à l’autre bout du monde… D’ailleurs, si vous êtes parmi celles et ceux qui donnez justement un cours en ligne et si vous avez deux minutes de battement, entre un cours, des copies à corriger et un sandwich avalé à la va-vite, contribuez à cette journée en témoignant de votre expérience sur ces cours en ligne. C’est l’occasion car cette Journée internationale des professeurs de français est justement consacrée à l’innovation et la créativité. Les cours de FLE en ligne, avant de devenir des produits des écoles de langues, ont d’abord été un moyen pour plusieurs d’entre vous d’arrondir les fins de mois en proposant de faire classe grâce aux possibilités que nous donnent les visioconférences, même très élémentaires parfois mais de plus en plus sophistiquées aujourd’hui.

J’ai dit que je ne voulais pas aigrir la journée en ne parlant que de la grande précarité qui règne dans le monde du FLE. J’ai entendu récemment qu’il n’était pas question que les profs de français ne tombent dans l’ubérisation. Ils ne risquent pas, ils l’ont précédée ! On peut même se demander s’ils n’ont pas inspiré les Glovo et autres coursiers précarisés de la nouvelle économie. Bref, pensons en positif, sans être bisonours pour autant ! Célébrons donc que tout à coup, on se soit souvenu que les profs de FLE existent ainsi que toutes celles et tous ceux qui enseignent dans les filières bilingues un peu partout dans le monde – et vous êtes de plus en plus nombreux/-euses -. Et qui aussi devez faire souvent preuve d’une grande créativité pour pallier le manque de ressources quand il s’agit d’enseigner en français de l’histoire, des maths, des SVT… même si depuis quelques temps, il semblerait que les choses s’améliorent.

Une journée pour partager expériences et pratiques

L’objectif de cette journée n’est d’ailleurs pas de parler de toutes ces choses qui fâchent. Le 28 novembre, c’est un peu comme un repas de famille où on demande aux grincheux de ne parler ni politique ni religion. L’objectif est bel et bien de « valoriser le métier d’enseignant de français » mais sans aborder les conditions dans lesquelles il ou elle exerce sa profession. Non, il s’agira tout simplement de « créer du lien » mais aussi, – c’est gentil – « de la solidarité ». On ne parle pas des problèmes mais on compatit. Ça doit être un des points en lien avec cette empathie dont on parle tant aujourd’hui et dont il faut faire preuve dans les cours. L’idée de cette journée est de « partager (…) expériences et (…) pratiques » nous rappelle la brochure éditée pour l’occasion. Une idée qui remonte à un souhait du Président Emmanuel Macron de valoriser le métier de professeurs de français dans le monde, « ces héros bien particuliers qu’on appelle les professeurs de français« , déclarait-il le 20 mars 2018 à l’occasion de la Journée de la Francophonie. C’était clairement exprimé dans le point 6 du chapitre Apprendre du dossier de presse du même jour : Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme et publié directement par les services de l’Elysée. Ce n’est peut-être pour le moment qu’une petite goutte dans le désert budgétaire du FLE mais à défaut de moyens, il y a l’ambition. Avant, chez ses prédécesseurs, le prof de français à l’étranger n’existait même pas ! Ce dossier étant d’ailleurs public, il faudrait peut-être s’appuyer un peu plus dessus, et pas simplement depuis les services de coopération des ambassades, pour faire remonter des initiatives permettant d’améliorer le statut du prof de FLE qui n’a guère évolué ces derniers années (en tout cas pas en mieux). Car c’est en améliorant les conditions dans lesquelles ils / elles réalisent leur profession que nous pourront aussi relever le défi de « redonner à la langue française sa place et son rôle dans le monde« . Car à travers cette amélioration absolument nécessaire dépend aussi la qualité des cours donnés… parce qu’il faut bien avoir le temps de les préparer (eh oui !) et pour les préparer, il faut avoir du temps pour mener une veille pédagogique (et même pédago-numérique), se pencher sur les ressources existantes (ou en créer de nouvelles), en prendre pour expérimenter du matériel et des techniques de classe. On n’innove pas d’un coup de baguette magique (eh non !). L’innovation demande du temps. Et on ne peut qu’applaudir tout le talent dont vous faites preuve parce que, malgré justement le manque de temps, vous arrivez déjà à être innovants et créatifs. Imaginez donc si en plus, vous aviez le temps et les moyens !

Des initiatives un peu partout sur la planète

L’idée de cette grande fête du 28 novembre semble avoir pris et depuis quelques jours, on voit apparaître sur les profils des profs de français un peu partout dans le monde un cadre aux couleurs de cette journée. Et c’est une bonne chose (même si je grogne un peu). C’est peut-être un premier pas vers une prise de conscience que les acteurs du FLE formons une grande famille, au-delà même des associations locales ou nationales ou de la FIPF qui participe bien sûr à cette journée et propose la #jipf en vidéo. Le mouvement autour de ce 28 novembre n’est pas que symbolique autour de ce ruban qui enveloppe nos profils : on a vu qu’autour de cette journée, ce sont montées des activités multiples et variées aux quatre coins de la planète. Parfois ce sont des conférences, parfois des ateliers, parfois encore des jeux ou des concerts… Pas question ici de reprendre tout ce qui va se passer mais allez jeter un oeil sur le site dédié et vous verrez qu’il y a vraiment beaucoup de choses qui se passent. D’ailleurs le site a mis en ligne un programme interactif qui permet de retrouver facilement pays par pays, ville par ville et même catégorie par catégorie tout ce qui se fera ce jour-là. On remarquera la nombre impressionnant d’événements programmés en Europe mais aussi en au Mexique et en Amérique centrale. On peut certainement faire mieux mais c’est déjà bien pour une première, surtout quand on sait que le temps, encore lui, a terriblement manqué pour organiser ce grand moment pour les professeurs de français du monde entier.

Dans le cadre justement de cette grande journée internationale des professeurs de français, je vous propose de retrouver le miniMooc que nous proposons depuis CLE International au sujet de la classe inversée. Ce sera à partir de 16 heures (heure de Paris) mais vous pourrez ensuite visionner à tout moment les capsules sur la chaîne Youtube de CLE International. Et si vous êtes au Mexique, vous pouvez aussi vous assister à la conférence que prononcera Sébastien Langevin, rédacteur en chef du Français dans le Monde (revue dont c’est aussi un peu la fête en quelque sorte) à la Casa de Francia (Ciudad de México). Une façon pour les partenaires que nous sommes dans votre quotidien d’enseignant de FLE d’être aussi avec vous pendant cette journée.

Pour en savoir plus

Le site officiel du Jour du prof de français : https://lejourduprof.com

Le jour du prof de français, mode d’emploi. Brochure en ligne : https://www.auf.org/wp-content/uploads/2019/07/K3990_Brochure_JPF_web.pdf

Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme, Services de presse de la Présidence de la République : https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/une_ambition_pour_la_langue_francaise_et_le_plurilinguisme_cle816221.pdf

MiniMooc CLE Formation « La classe inversée », 28 novembre 2019 (à partir de 16h) : https://www.cleformation.org/agenda-cle-formation/minimooc-la-classe-inversée/

La #jipf en vidéo. Pour y participer : http://fipf.org/actualite/participez-la-jipf-en-video

 

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La classe inversée : méthodologie, mise en oeuvre et témoignages

Posted by Philippe Liria sur 18/09/2019

La classe inversée, l’ouvrage est maintenant disponible !

La classe inversée – ou devrais-je écrire les classes inversées ? – occupe déjà une certaine place dans la classe en général et même dans celle de langue, donc en FLE malgré les difficultés qu’on aurait bien tort de nier ou de minimiser. Plusieurs ouvrages sont parus et de nombreux articles ont été publiés pour l’expliquer, y compris dans ce blog. Mais, comme le souligne Marcel Lebrun qui signe la préface de cet ouvrage – et que je remercie ici très chaleureusement pour sa contribution -, “l’originalité (de ce livre) vient d’une part de ses trois parties, l’une davantage conceptuelle, l’autre contextuelle et la dernière plus réflexive et d’autre part de son ancrage disciplinaire dans l’enseignement du français, langue étrangère et langue seconde.” Et c’est exact : même si nous sommes bien conscients qu’il s’agit avant tout d’un “état d’esprit” (quelle que soit la matière enseignée), comme je ne me lasse jamais de le répéter dans les formations que j’anime sur la classe inversée, l’une des particularités de ce livre est qu’il a été conçu par trois professionnels du FLE/S. Les témoignages en fin d’ouvrage que nous apportent trois enseignantes, spécialistes du FLE, renforcent encore un peu plus la perspective que nous avons voulu lui donner. Ils montrent aussi que la pratique de la classe inversée n’a pas de limite territoriale et qu’on peut la trouver dans la classe de français au Canada, en France ou au Liban ; comme on la trouve aussi au Mexique, au Brésil ou dans bien d’autres pays comme nous l’ont régulièrement rapporté les enseignants que nous rencontrons à l’occasion des formations que nous proposons aux quatre coins de la planète. 

Vous trouverez dans la Première partie de l’ouvrage un ensemble de huit chapitres qui vont tout d’abord s’interroger sur le lien entre le FLE/S et les pédagogies actives, puis vous proposer une définition (en 4 temps sans oublier la perspective historique) de la classe inversée voire des classes inversées. Cynthia Eid en a relevé trois types.

Autre point abordé, c’est la répartition des moments. Que se passe-t-il avant le cours puis pendant ? Comment organiser la classe ? Beaucoup de questions auxquelles répond l’ouvrage. On verra dans le chapitre 4 que les scénarios de la classe inversée dépendent du contexte d’enseignement alors que le chapitre 5 non seulement reprendra les avantages de cette démarche mais en pointera aussi les limites, car il est bon de savoir modérer certains “enthousiasmes débridés sous couvert de modernité”. On s’intéressera aussi à ce que nous dit le chapitre 5 sur les outils qui aident à inverser la classe mais aussi, sur des façons de la faire sans y avoir recours. Finalement, pour conclure cette première partie, il sera question de l’évaluation, sommative mais surtout “formative/formatrice dans une pédagogie de l’accompagnement, de l’encouragement et de la bienveillance”.

La Deuxième partie de l’ouvrage se veut plus “pratique”. Le lecteur y découvrira une mise en oeuvre de la classe inversée. On y parlera notamment des fameuses capsules vidéo pédagogique et de leur feuille de route, deux éléments-clé associés au type 1 de cette pratique et qui, comme le rappelle Marc Oddou, “constitue l’un des fondements de l’existence de ce courant pédagogique”. La démarche y est décrite dans le détail et est suivie de 8 fiches pour passer immédiatement à la pratique.

La Troisième (et dernière) partie propose le témoignage de trois enseignantes : Nancy Abi Khalil-Dib, chef du Département de français à l’Université des Arts, des Sciences et de Technologie (Liban), Géraldine Larguier, enseignante à l’Université de Pau et du Pays de l’Adour (France) et Rodine Eid, chargée de cours à la Faculté de l’éducation permanente à l’Université de Montréal (Québec). Toutes trois ont répondu à un questionnaire sur leur pratique de la classe inversée, les réactions de leurs étudiants, les difficultés rencontrées pour la mettre en oeuvre et elles donnent quelques conseils à celles et ceux qui voudraient s’y essayer. 

Ce livre n’a pas la prétention de convertir qui que ce soit à une pratique qui s’inscrit pleinement dans ce que nous appelons les pédagogies actives mais qui n’est pas sans présenter des réticences voire des résistances. Nous savons que la classe inversée, tout comme sa variante, la classe renversée, “ne sont un modèle ou une panacée” mais nous sommes cependant convaincus, tout comme l’écrit Marcel Lebrun, qu’il s’agit “à la fois d’une petite révolution par rapport à l’enseignement traditionnel (…) et une piste d’évolution acceptable et progressive pour les enseignants qui souhaitent se diriger vers une formation centrée sur l’apprenant, ses connaissances et ses compétences”.

Nous espérons que ce livre vous aidera à mieux comprendre ce qu’est la classe inversée et répondra à vos questions sans perdre de vue la nécessité de l’interroger. Bonne lecture !

Pour en savoir plus :

Eid, C., Oddou, M., Liria, P. : La classe inversée. Coll. Techniques et Pratiques de classe. CLE INTERNATIONAL, Paris : 2019. Préface de Marcel Lebrun (148 pages) – ISBN 9782090382297

Vous pouvez en feuilleter un extrait : https://issuu.com/marketingcle/docs/09038229_classe_inversee?fr=sNTFjOTI3ODc1Ng

Commandez-le dès maintenant : https://www.cle-international.com/formation/la-classe-inversee-techniques-et-pratiques-de-classe-livre-9782090382297.html

Le français dans le monde nº422 : Et si on tentait la classe inversée ? 

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La médiation, au coeur des débats

Posted by Philippe Liria sur 01/09/2019

Ce n’est peut-être qu’une fausse impression, mais je trouve qu’on parle peu du Volume complémentaire avec de nouveaux descripteurs du CECR. Passerait-il alors inaperçu ? En tout cas, presque rien (en français) sur les moteurs de recherches d’internet au-delà de la version en ligne de ce complément et quelques très rares articles qui y font référence. Peut-être m’aiderez-vous à en trouver d’autres. Ils sont les bienvenus ! Je m’étonne pourtant de cette absence car, même s’il ne s’agit pas d’applaudir aveuglément ce document, il a le mérite d’exister. Certes, il ne remplace pas le texte de 2001 mais il en précise des parties, en complète et parfois même, en corrige. En donner une plus large diffusion inciterait l’ensemble des professionnels travaillant dans le domaine de l’enseignement des langues à réfléchir sur ce que signifie enseigner/apprendre une langue 20 ans après la sortie du texte original d’autant que l’environnement même de l’apprentissage n’est clairement plus le même. Des apports qui doivent aussi nous faire réfléchir bien évidemment au type de ressources ou aux modèles d’activités habituellement proposées dans le matériel pour la classe, qu’il soit sur papier ou en ligne. Faut-il, par exemple, remettre à plat les programmes, les progressions, les tableaux de contenus… ? Nous devons au moins nous poser la question sans précipitation et avec discernement.

Il y a dans ce document de quelque 254 pages un point qui, comme je l’écrivais déjà en février 2018, n’est pas exempt de polémique, et qui semble en même temps être l’objet d’une attention toute particulière, c’est la médiation. comme le font remarquer les auteurs de ce Volume complémentaire – Brian North, Tim Goodier (Fondation Eurocentres) et Enrica Piccardo (Université de Toronto/Université de Grenoble-Alpes) – qui soulignent qu’il s’agit d’un « concept important, présent dans le CECR, et qui a pris une dimension encore plus grande, à la hauteur de la diversité linguistique et culturelle croissante de nos sociétés. L’élaboration de descripteurs pour la médiation était donc la partie la plus longue et la plus complexe du projet aboutissant à la production du volume complémentaire du CECR. » (p.22)

La médiation, c’est aussi le thème retenu par l’Institut français d’Espagne pour ses Journées pédagogiques annuelles qui se tiendront à Madrid les 13 et 14 septembre prochains : La médiation – apprendre le français, rencontrer l’autre. Ce sera certainement l’occasion de parler de ce Volume complémentaire qui réserve tout un chapitre à la question. 

Vous avez dit “médiation” ?

Avant toute chose, qu’entend-on par “médiation”. Allons donc à la source et voyons ce que nous en disent les auteurs du Volume complémentaire :

l’utilisateur/apprenant agit comme un acteur social créant des passerelles et des outils pour construire et transmettre du sens soit dans la même langue, soit d’une langue à une autre (médiation interlangues). L’accent est mis sur le rôle de la langue dans des processus tels que créer l’espace et les conditions pour communiquer et/ou apprendre, collaborer pour construire un nouveau sens, encourager les autres à construire et à comprendre un nouveau sens et faire passer les informations nouvelles de façon adéquate. Le contexte peut être social, pédagogique, linguistique ou professionnel.” (p.106)

A priori rien de nouveau : “la mise en oeuvre de la compétence de la médiation dans la classe de langue n’est pas une idée neuve” comme le rappellait à juste titre Jacques Pécheur dans sa conférence « Médiation et activités en classe de langue” qu’il avait prononcé à Malaga en mars dernier dans le cadre du XI Congrès des Escuelas oficiales de Idiomas (EOI). Elle est aussi vieille que l’apprentissage des langues et nous l’avons toutes et tous pratiquée en classe, sans nécessairement en être conscient, un peu comme Monsieur Jourdain qui faisait des vers sans en avoir l’air.

 

 

 

 

 

 

 

Les échelles de descripteurs du CECR – Volume complémentaire (p.107)

 

Concernant la médiation, ce que nous apporte ce Volume complémentaire, ce sont donc les échelles de descripteurs (et elles sont nombreuses)… comme si la médiation, intrinsèquement liée à l’interculturel, pouvait se retrouver enfermée “dans des grilles, sauf à vouloir les contrôler en les technicisant pour en assécher toute la diversité et l’hétérogénéité”, critiquait déjà en 2017 une tribune signée par plusieurs associations de professionnels qui s’inquiétaient des risques que comporterait une « utilisation coercitive, normative et, in fine, autoritaire, du CECR”. Car qui dit grilles dit qu’on apporte des critères pour dire si on est ou pas compétent et à quel niveau pour réaliser telle activité de médiation. Et pour mesurer cette compétence, il faudrait l’intégrer dans l’évaluation.

Médiation : quelle évaluation ?

J’ai écrit… « évaluation« . On le sait : rien que d’en parler rappelle à plus d’un le célèbre Dîner de famille de Caran d’Ache évoquant l’affaire Dreyffus. L’évaluation était d’ailleurs le sujet central de II Jornada GIELE (automne 2018). En effet, c’est un débat qui est vif en Espagne où les EOI ont été contraintes, par un décret royal, de faire une place, séance tenante,  à la médiation dans leur programme et donc dans leurs examens. Une décision précipitée ? Est-on allé trop vite ? Certes, cette médiation était parfois déjà présente dans certaines parties de l’évaluation comme le rappellent Núria Bastons et Montse Cañada du Departament d’Ensenyament de la Generalitat de Catalunya. Cette intégration est-elle une réponse possible à la place de la médiation dans l’évaluation ? Ou, au contraire, faudrait-il la rendre plus visible ? En l’isolant par exemple et en la considérant comme une compétence à part entière ?  Pour sa part, Pilar Calatayud de l’EOI d’Elda, l’une des intervenantes à cette journée, a conclu sa présentation en affirmant que l’évaluer en tant que telle renforçait la prise de conscience interculturelle et critique des apprenants et augmentait leur tolérance et leur empathie vis à vis d’autres cultures. Elle admet toutefois que la partie concernant l’interculturel pose encore beaucoup de questions. En effet, les interrogations sont nombreuses autour de la possibilité d’objectiviser, donc d’évaluer certains aspects contenus dans les descripteurs de médiation comme l’empathie, la capacité à mener à débat ou le degré de “conscience interculturelle”. S’agit-il de compétence ou de stratégie que doit mesurer un professeur de langue ? Est-ce son rôle ? S’interrogent plusieurs enseignants. Et si c’est le rôle de l’enseignant, comment l’introduit-il dans sa classe ? Quelles activités ? Comment prépare-t-il ses élèves ? Des questions que se posaient aussi depuis la Suisse, Sandrine Onillon du Hep-Bejune. Cette spécialiste en approche actionnelle et en interculturalité s’interroge dans un article publié en juillet dernier sur la possibilité réelle de mettre en place dans la classe certains des descripteurs proposés par le Volume complémentaire.

Renforcer la médiation, c’est aussi renforcer des aspects que nous avions déjà mis en avant lors de la réflexion sur l’évaluation des projets dans une démarche actionnelle : Les apprenants ne sont plus (uniquement) des apprenants de langue mais de plus en plus des apprenants à vivre, travailler, collaborer dans des environnements culturels différents et multiples.  Le projet doit les y préparer. Les grilles d’évaluation de projets contiennent déjà – dans la section “compétences pragmatiques” des critères proches – voire identiques – à ceux que proposent les descripteurs de la médiation. 

Quelle place pour les autres langues dans la classe ?

Etre critique vis à vis de la médiation ne doit pas non plus nous faire perdre de vue des réflexions intéressantes sur la place des autres de langues de la classe et non pas seulement celle enseignée dans le processus d’apprentissage. Les descripteurs de médiation mentionnent clairement la présence d’au moins deux langues et pas uniquement dans ceux portant sur la traduction. Ainsi dans “transmettre des informations spécifiques à l’oral”, on trouve en A1 : “Peut transmettre (en langue B), des instructions simples et prévisibles concernant des horaires et des lieux. sous forme d’énoncés courts et simples (en langue A).” Et dans “transmettre des informations spécifiques à l’écrit” toujours en A1 : “Peut énumérer (en langue B) des noms, des nombres, des prix et des informations très simples d’un intérêt immédiat (données en langue A), si la personne les énonce très lentement et clairement avec des répétitions. 

C’est d’ailleurs une des questions centrales de l’intervention de Núria Bastons et Montse Cañada. Pour le moment, il semblerait que les EOI de Catalogne, à la différence de celles du Pays valencien, ont décidé de ne faire des activités et de n’en évaluer que dans la langue cible. Ce qui limiterait la médiation culturelle mais contournerait ainsi les questions sur la langue de départ. D’autres envisagent que les apprenants, surtout dans des contextes multilingues, apportent leurs propres textes dans la langue de leur choix… Le débat est ouvert et aucune réponse définitive n’a été apportée mais il est clair que cet aspect de la médiation s’ouvre sur le plurilinguisme.    

A la lecture de ces questions que se posent les professeurs de langue en Espagne – de français, mais aussi d’anglais, d’allemand, d’espagnol ou de catalan pour étrangers, etc. -, je pense bien que certain.e.s sont déjà en train de crier au scandale et jurent déjà par Toutatis que nenni ! Pas question de laisser entrer une autre langue que le français dans leur classe. Certaines institutions qui se vantent même d’interdire tout autre langue que le français dans la salle de classe tout en se targuant de suivre à la lettre le Cadre devront-elles dès lors faire comme si ces nouveaux descripteurs n’existaient pas ? Se résigneront-elles plutôt à manger leur chapeau et à accepter que le plurilinguisme est une voie à (enfin) explorer un peu plus profondément dans l’apprentissage d’une langue ? Toutes celles et tous ceux qui vivons, souvent depuis notre plus jeune âge mais pas seulement, dans des milieux plurilingues le savons, c’est ce contact entre nos langues (de famille, d’environnement social, de travail…) qui a largement contribué à ce que nous en maîtrisions non pas deux mais généralement plusieurs, à des degrés de compétences variables bien sûr selon la langue et au sein même de chacune de ces langues (ce qui parfois surprend). 

 

 

Ce Volume complémentaire est loin d’être parfait. Ces auteurs en sont conscients. Nous l’avons vu : certains descripteurs, comme ceux de médiation mais aussi sur la compétence plurilingue et pluriculturelle, ne manquent pas d’être polémiques. Mais en existant, il nous pousse à la réflexion sur le sens que nous voulons donner à l’enseignement-apprentissage d’une langue. Devons-nous nous arrêter aux questions linguistiques ? Ce que défendent certains professionnels considérant que nous outre-passons les compétences pour lesquelles nous sommes formés. Devons-nous, au contraire, envisager la définition du professeur de langue, en l’occurrence de français dans une toute autre perspective qui dépasse justement le cadre de la langue pour mieux préparer nos apprenants aux nouveaux défis de la société d’aujourd’hui ?

 

Pour en savoir plus

CADRE EUROPÉEN COMMUN DE RÉFÉRENCE POUR LES LANGUES : APPRENDRE, ENSEIGNER, ÉVALUER – VOLUME COMPLÉMENTAIRE AVEC DE NOUVEAUX DESCRIPTEURS : https://rm.coe.int/cecr-volume-complementaire-avec-de-nouveaux-descripteurs/16807875d5 

(et dans sa version originale en anglais : https://rm.coe.int/cefr-companion-volume-with-new-descriptors-2018/1680787989) 

II jornada del Grupo de Interés en Evaluación de Lenguas en España (GIELE) : »Evaluación de lenguas en España: Calidad e innovación” – Centro de Lenguas. Universitat Politècnica de València (26-27/10/2018) : http://giele.webs.upv.es/ii-jornada-giele-3/

Vous trouverez les interventions citées dans l’article à partir de ce lien avec notamment les propositions de grilles d’évaluation. 

Sandrine Onillon : “Développer le répertoire pluriculturel des élèves en classe de langue étrangère : les descripteurs du CECR (vol complémentaire, 2018) sont-ils réalisables dans les classes de langues étrangères?” https://www.2cr2d.ch/developper-le-repertoire-pluriculturel-des-eleves-en-classe-de-langue-etrangere-les-descripteurs-du-cecr-vol-complementaire-2018-sont-ils-realisables-dans-les-classes-de-langues-etran/

La médiation dans la méthode Tendances (J. Girardet, J. Pécheur et al., CLE International)

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Entretien sur la classe inversée

Posted by Philippe Liria sur 02/08/2019

Voici quelques semaines déjà Marianne Viader de Culture FLE m’a interviewé au sujet de la classe inversée. Je n’avais pas encore eu le temps de relayer cet entretien : La classe inversée avec Philippe Liria https://youtu.be/88W6kZIyh5Q via @YouTube‬

J’en profite pour vous recommander de suivre sa chaîne Youtube Culture et confiture où vous trouverez de nombreux entretiens en podcast sur différents sujets en lien avec le monde du FLE : l’interculturel avec Lionel Favier, la phonétique avec Michel Billières, etc.

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Une francophonie en « mutation »

Posted by Philippe Liria sur 11/07/2019

Décidément, depuis quelques mois, j’ai souvent fait référence au français d’ailleurs dans ce blog. Je vous avais parlé en avril du Tendances C1 dont les contenus font une large place au monde francophone et puis voilà qu’en mai, je vous parlais du français vu depuis les Amériques. Récemment aussi j’annonçais sur ma page Facebook la parution de différents ouvrages où, encore une fois, c’était le français d’outre-atlantique qui était mis en avant avec la sortie d’un ouvrage pour préparer au TEFAQ et deux autres sur l’expression orale dans la collection Compétences.

Cette fois-ci, l’actualité me porte à évoquer de nouveau ces français d’ailleurs (entendez bien ces variantes plus ou moins prononcées du français au-delà de l’Hexagone) et surtout les cultures qu’ils véhiculent. Je le fais à l’occasion d’une « mutation« , celle de la revue Francophonie du Sud qui devient, à partir de ce mois de juillet, Francophonie du Monde. Ce mot, « mutation » est celui qu’emploie Baytir Kâ, président de l’Association des Professeurs de français de l’Afrique et de l’Océan Indien (APFA-OI), dans l’édito du nº 1 de cette toute nouvelle formule du supplément bien connu du Français dans le Monde. La date de parution n’est évidemment pas due au hasard. Elle coïncide justement avec le congrès de l’APFA-OI qui s’est tenu à la fin du mois dernier dans la capitale sénégalaise.

Même si Francophonies du Monde va continuer à faire une large place à l’Afrique, ce qui peut se comprendre si l’on considère les chiffres de l’ODSEF qu’on nous ressasse régulièrement depuis quelque temps. Ceux-ci situent en effet ce continent clairement en tête des zones francophones du monde : 70% de la population parlant français vivra sur le continent africain d’ici une trentaine d’années, nous dit-on. Ce changement donc ou plutôt cette « mutation » du titre de la revue va permettre d’élargir le spectre et de la faire rayonner sur l’ensemble de la Francophonie. Ainsi ce premier numéro propose-t-il des articles en provenance bien entendu d’Afrique (Maghreb et Afrique Sub-saharienne) mais aussi du Sud-Est asiatique. Et on peut imaginer que dans les numéros à venir, il y aura aussi des accents des francophonies des Amériques, dans toute leur pluralité. On sait que l’envie ne manque pas du côté du Canada de mieux faire entendre leur voix francophone bien au-delà de leur frontière, comme s’y emploie déjà le Centre de la Francophonie des Amériques (cf. mon article de mai dernier) ou encore l’Université de Montréal avec son centre de ressources en ligne, Francium.

Une « mutation » qui doit aussi aider les enseignants de français du monde entier à prendre encore plus conscience que la Francophonie est naturellement plurielle et que celle-ci doit donc être naturellement présente dans l’environnement d’apprentissage. Pour les enseignants, cela passe bien évidemment par la nécessité d’avoir une meilleure connaissance de cet espace « dans ses multiples facettes et ses mutations diverses« . Il faut aussi que ces enseignants aient accès à des ressources pour mieux maitriser cette connaissance et disposer d’outils pour créer des cours qui reflètent cette réalité, pendant trop longtemps invisible ou réduite à l’anecdote culturelle (une recette, un accent « bizarre« , etc.). C’est bien dommage mais si vrai hélas ! Récemment, j’ai encore entendu, horrifié, qu’on ne pouvait pas mettre un apprenant débutant en contact avec certains accents français sous prétexte qu’ils seraient trop difficiles à comprendre ! (je renvoie mes lecteurs à cet article que j’avais publié il y a presque deux ans sur la question). Beaucoup de clichés existent encore et il est urgent de les faire faire tomber.

Francophonies du Monde est donc bien une revue qui s’adresse à toutes et tous qui enseignent le français car c’est justement à travers quatre grandes rubriques (actualité, dossier, passerelles et pédagogie) que les lecteurs/enseignants pourront trouver tout ce dont ils ont besoin pour entrer dans ces « francophonies plus que jamais plurielles« . Autant de pistes donc pour ouvrir la salle de classe sur d’autres horizons.

La revue Francophonies du Monde, qu’édite la maison d’édition FLE, CLE International, est disponible par abonnement avec le Français dans le monde (FDLM). J’en profite d’ailleurs pour signaler que le dossier de son dernier numéro (nº424) est consacré aux professeurs de français « dans leur diversité géographique, leur singularité pédagogique et leur engagement associatif » à l’occasion du 50e anniversaire de la Fédération internationale des Professeurs de français (FIPF) dont le FDLM est, rappelons-le, la revue, papier mais aussi, ne pas l’oublier, en ligne, ce qui permet aujourd’hui de surmonter les aléas du service des postes locales et d’accéder à un véritable trésor que constituent les milliers d’articles et de documents audio, et d’y accéder où qu’on habite et enseigne dans ce monde en mutation.

 

 

 

Pour en savoir plus

Francophonies du Monde : http://www.fdlm.org/supplements/francophonies-du-sud/

Français dans le Monde : extrait à feuilleter du nº424 (juillet-août 2019) https://issuu.com/fdlm/docs/fdlm_424

ODSEF : Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone : https://www.odsef.fss.ulaval.ca

Université de Montréal : Francium, centre de ressources en ligne https://francais.umontreal.ca/ressources-et-formations/materiel-pedagogique-francium/

EDMOND, S. (2019) : ABC TEFAQ Test d’évaluation du français – Québec. Paris : CLE International +info

BARFÉTY, M. & altri (2019) : Expression oral B1 Amérique du Nord. Paris : CLE International, Coll. Compétences +info

BARFÉTY, M. & altri (2019) : Expression oral B2 Amérique du Nord. Paris : CLE International, Coll. Compétences +info

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Le français depuis les Amériques

Posted by Philippe Liria sur 29/05/2019

Vu d’Europe, on a peut-être trop souvent tendance à réduire la présence du français en Amérique à un simple point, tout au plus un cercle sur le carte, celui du Québec.

Danilo Braz de l’IFAC à l’occasion du 1er Colloque des Professeurs de Français du Salvador (Mai 2019, photo : P. Liria)

Et pourtant ! La langue française est bien plus présente dans les Amériques que ce qu’on penserait. Dans le reste du Canada tout d’abord où la demande d’enseignement du français n’a cesse de croitre au point qu’il y a une véritable pénurie de professeurs pour couvrir l’ensemble des places. Sans parler des communautés francophones de différentes provinces qui se battent pour défendre leurs droits linguistiques comme on est train de le voir en ce moment en Ontario où le gouvernement de Doug Ford est en train de compresser les services en français ou a mis fin au projet de financement de l’université de l’Ontario français. Pas toujours facile bien évidemment dans un contexte où il semblerait que le français soit en déclin dans certains coins du pays comme le rapportait en mars dernier Radio-Canada au sujet des provinces maritimes. Et pas exempt non plus de polémique comme on peut le voir à la lecture de cet article du quotidien Le devoir de novembre dernier. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur la situation du français côté et côté législation, vous pouvez vous rendre sur le site de cliquezjustice.ca

Aux USA, plusieurs Etats – sur les côtes mais aussi dans des Etats comme l’Utha – connaissent une certaine effervescence de l’enseignement bilingue qui fait justement une belle part au français comme j’avais eu l’occasion de l’évoquer dans ce blog en juillet dernier. Les Amériques Centrale et du Sud ou la Caraïbe (je ne parle pas ici  des îles françaises où, bien entendu le français est obligatoire) ne sont pas en reste non plus, même si nous sommes encore bien loin des chiffres d’apprenants de français d’autrefois et qui allaient de paire avec une véritable francophilie. Espérons que les initiatives menées ces dernières années et visant à la réintroduction du français finissent par porter leurs fruits. L’enthousiasme y est, comme on l’a encore vu à la mi-mai lors du 1er Colloque des professeurs de français du Salvador qui a réuni pas loin d’une centaine d’enseignants et futurs enseignants. Il faudra bien sûr que la volonté politique : locale, qui doit comprendre que l’anglais seul n’est pas la bonne réponse ; et française aussi, qui devra faire que les moyens accompagnent. C’est en tout cas un beau projet mené Danilo Braz, l’actuel directeur de l’IFAC qui quitte ses fonctions d’ici quelques mois mais on ne peut qu’espérer que la lettre de mission de son successeur contiendra tous les éléments pour qu’il se poursuive.   

Cette présence du français du Nord au Sud de l’Amérique est souvent méconnue. Les propres acteurs de ces mondes francophones souvent ne se connaissent pas. C’est bien dommage ! C’est dans ce cadre que les actions menées par le Centre de la Francophonie des Amériques (CFA) sont la preuve à la fois de ce dynamisme mais aussi de cette nécessité de coordination à l’échelle continentale. Cet organisme public né en 2006 et que soutient le Secrétariat du Québec aux relations canadiennes, je l’ai découvert il y a quelques années au Costa Rica – pour rappel, le seul pays d’Amérique latine a être doté d’un programme d’enseignement obligatoire du français au collège – lors d’un congrès d’ACOPROF où Denis Desgagné, alors président-directeur du CFA, présentait les actions du Centre. A l’époque déjà, j’avais été interpellé par l’énergie et la motivation que transmettait le CFA dont le but est de promouvoir une francophonie plurielle et le “renforcement et l’enrichissement des relations ainsi que (pour) la complémentarité d’action entre les francophones et francophiles du Québec, du Canada et des Amériques”. Toutes les Amériques et c’est ce qui est merveilleux !

Slame tes accents !

Au programme, parmi ces actions, il y a Slame tes accents. La 2e édition de ce concours s’est tenue en avril dernier et a été très suivie avec plus 66000 participants à voter pour les meilleurs slams. Après le succès de la 1re édition, les organisateurs ont pu vérifier le dynamisme du français dans toutes ses variantes et sous toutes les latitudes américaines puisqu’il y a eu des participants d’Amérique du Nord, d’Amérique du Sud comme le Brésil ou d’Amérique centrale avec la présence du Costa Rica pour la 2e année. Ce concours s’adresse aux adolescents divisés en deux catégories, les 11-14 ans et les 15-17 ans et il se fixe les objectifs socioculturels et pédagogiques.

Au-delà des prix, non négligeables, ce concours incite à la créativité en français et on a pu constater la motivation des ados à écrire et interpréter leurs textes présentés sous forme de petits clips d’entre 60 et 90 secondes. Ces sont quelque 90 vidéos que le jury international a visionné afin de désigner les heureux vainqueurs dont les slams sont disponibles en ligne. L’évènement est relayé au Canada par les médias comme ce reportage de Radio-Canada Vancouver qui a interviewé les enseignantes de deux établissements gagnants.

L’ensemble des clips est en ligne. Personnellement, j’ai eu un petit coup de coeur pour cette proposition venue d’un lycée ontarien.

Il suffit d’observer l’agenda du CFA pour s’apercevoir de son dynamisme comme le rendez-vous d’août pour le développement du Réseau des villes francophones et francophiles des Amériques ou le programme Mobilisation jeunesse qui propose une formation intensive en français autour de deux axes : Tourisme et Communication et médias.

Le CFA propose aussi le programme Mobilité dans les Amériques qui consiste “à favoriser un transfert des savoirs et outiller davantage les communautés et les organisations francophones des Amériques tout en contribuant à la diffusion de savoirs en français dans les secteurs d’intervention du Centre tels que la culture, l’éducation, l’identité, l’engagement des jeunes et le tourisme culturel”. Ce programme permet aussi d’ ”appuyer le développement et le rayonnement d’espaces francophones dans les Amériques et de favoriser la création de liens durables dans un contexte de collaboration entre le milieu universitaire, les communautés locales et les organismes de la société civile.

Une place pour la lecture 

Une belle initiative du CFA, ce sont Les Rendez-vous littéraires qui favorisent, grâce au numérique, les échanges en français entre auteurs francophones et apprenants de français des Amériques. L’événement en est à sa 5e édition et a permis à des enseignants du Canada, des Etats-unis, du Mexique et du Pérou de faire lire une oeuvre à leurs élèves avant de pouvoir en interroger l’auteur. Ce programme est directement relié à l’un des plus beaux outils du CFA, c’est sa bibliothèque de la Francophonie dont Dany Laferrière est le parrain. Virtuelle, elle met à disposition des lecteurs quelque 8705 titres en version numérique.

 

Le Centre de la Francophonie des Amériques, comme vous le voyez, proposent plusieurs programmes et de nombreux outils qui contribuent à renforcer les liens entre les Francophones des différents territoires américains. Il contribue aussi, comme d’autres initiatives non européennes, à donner une autre dimension à la Francophonie. C’est important et nécessaire à la fois car cela renforce l’idée de pluralité culturelles et linguistiques, indissociable d’une Francophonie ouverte sur le monde. Et aujourd’hui, plus indispensable que jamais dans un monde qui donne trop de signes de replis à commencer par ceux qui se manifestent en Europe.

 

Pour en savoir plus :

Slame tes accents

Les RDV 2019 du CFA

Mobilité dans les Amériques

Bibliothèque des Amériques

 

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Tendances C1 / C2… Tant attendu, le manuel des hauts niveaux est arrivé !

Posted by Philippe Liria sur 30/04/2019

Résultats de recherche d'images pour « Tendances c1 / c2 »Il était temps ! Oui, il était temps d’avoir enfin un manuel actuel pour les niveaux les plus avancés en classe de français langue étrangère. Un manuel qui, à ce niveau, réponde aux attentes et besoins des apprenants et des enseignants. Il y avait vide qu’il fallait combler, c’est désormais chose faite depuis ce début d’année avec l’arrivée de Tendances C1 / C2 (CLE International).

Ce manuel qui complète la collection du même nom était attendu avec impatience par les professeurs du monde entier pour  répondre à la demande croissante de cours FLE à ce niveau du CECR. Sous la coordination de Jacques Pécheur et Jacky Girardet, auteurs des niveaux précédents de la collection Tendances, Denis Liakin, Natallia Liakina, Gabriel Michaud et Fabien Olivry nous proposent un manuel qui va permettre aux apprenants de français d’acquérir les compétences pour faire une synthèse, rédiger une lettre de motivation, mener une enquête sur un enjeu de société, organiser un débat, présenter une oeuvre d’art, lancer une pétition en ligne, etc. Voilà en effet quelques exemples des 18 projets qui composent un ouvrage unique par sa richesse en documents authentiques particulièrement variés (vidéos, extraits d’émission de radio, articles de presse, reproductions artistiques, infographies…)et qu’on saura apprécier à un tel niveau.

Francophonie et pluralité des sujets abordés

L’équipe d’auteurs de Tendances C1 / C2 n’a pas eu besoin de mettre un pense-bête pour que la Francophonie soit présente dans le manuel. Professeurs dans les universités de McGill et de la Concordia, au Québec, c’est tout naturellement qu’ils ont puisé dans des sources francophones plurielles, françaises certes mais aussi québécoises, suisses, camerounaises, etc. Il ne s’agit pas de regarder le monde depuis la France mais bien de s’interroger en français sur les questions qui secouent la société d’aujourd’hui. Et qu’on puisse être outillé pour pouvoir le faire en français quelque soit le coin du monde où l’on se trouve.

Les questions abordées sont nombreuses, actuelles mais avec le regard posé sur l’avenir. On va s’intéresser à l’infox, aux influencers, à notre identité virtuelle, au rôle des réseaux sociaux dans nos sociétés ; aux nouvelles de populisme croissant au sein de nos sociétés ; mais aussi à la recherche scientifique dans les domaines de la technologie (intelligence artificielle) et les conséquences sur nos modes de vie ou dans des domaines comme celui de l’apprentissage des langues…

La réflexion sur la langue n’est pas absente non plus de ce Tendances C1 / C2 : langue et pensée ou encore langue et identités, ce qui va amener à s’interroger sur l’écriture inclusive ou sur notre vision du monde. On va aussi parler des questions environnementales ou de ces mouvements citoyens qui veulent repenser le monde. On abordera bien entendu le monde du travail dans un environnement en pleine évolution, ce qui n’est pas sans provoquer des inquiétudes clairement palpables ici et là sur la planète mais qui invite aussi à réfléchir à de nouveaux rapports à entretenir avec la sphère professionnelle. La culture est aussi présente. Souvent délaissée ou traitée en arrière-plan, elle est ici très présente de façon transversale tout au long du manuel et une unité entière lui est même consacrée (Unité 6) ce qui va dans le sens des trois nouvelles échelles du Volume complémentaire du CECR qui traitent justement du texte créatif et de la littérature, en particulier celle qui aborde la capacité à « analyser et formuler des critiques littéraires (plus i

Tendances C1 / C2 – U4L1 p.90-91

ntellectuel, niveaux supérieurs) » (p.53). On va d’ailleurs demander aux apprenants de réécrire un texte littéraire en français populaire contemporain (Tendances C1 / C2, p.143 U6, leçon 1 activité 9) ou de faire une fiche sur un personnage (Tendances C1 / C2, p.143 U6 activité 10). On ne s’en tiendra cependant pas à la littérature et on appréciera la présence du cinéma ou de la peinture avec des activités qui vont enseigner à présenter un tableau (Tendances C1 / C2, p.153 U6, leçon 2 Savoir-faire)ou plus généralement une oeuvre d’art Tendances C1 / C2, p.155 U6, leçon 2 Projet). Parler de culture ne doit pas nous faire perdre vue qu’elle ne peut être déconnectée de cette société dans laquelle nous vivons et on ouvrira le débat sur les enjeux culturels qui accompagnent l’apparition de nouveaux acteurs sur la scène de la création (cf. Cannes contre Netflix, combat d’arrière-garde ?, Tendances C1 / C2, p.160 U6, leçon 3 activité 4).

 

La médiation dans Tendances C1 / C2

Au-delà des thèmes abordés, ce niveau C1 / C2 de Tendances ne perd pas de vue la nécessité de continuer à travailler des aspects de l’apprentissage qui prennent de plus en plus de place dans la classe, comme c’est le cas de la médiation dont on parle tant aujourd’hui, même si on la pratique depuis tout le temps, souvent comme M. Jourdain quand il faisait des vers sans en avoir l’air. C’est d’ailleurs ce que rappelait Jacques Pécheur, auteur et directeur de la collection Tendances lors du conférence prononcée à Malaga en mars dernier dans le cadre de journées de Escuelas oficiales de idiomas en Andalousie (Espagne) :

« Qui n’a pas demandé à un de ses étudiants d’indiquer à un autre étudiant de lui indiquer l’itinéraire à suivre pour aller là où se trouve le lieu de rendez-vous ? Eh bien chacun qui a fait cette activité a mis en œuvre la compétence de médiation ! C’est dire si la mise en oeuvre de la compétence de  la médiation dans la classe de langue n’est pas une idée neuve, même si elle fait l’objet d’un développement d’une trentaine de pages (sur 250) dans le Volume complémentaire du Cadre paru en 2018. »

Dans Tendances C1 / C2, on trouvera donc différentes activités où la médiation sera présente sous l’une des trois formes décrites dans ce Volume complémentaire :

  • Médiation de textes
  • Médiation de concepts
  • Médiation de la communication

    Extrait Tendances C1 / C2 p.67

Des formes qui ne sont pas compartimentées mais qui au contraire peuvent être combinées comme dans le projet de café citoyen (Tendances C1 / C2, p.67) et, il n’y a pas que la médiation interlinguistique – sur laquelle on insiste peut-être parfois trop, mais aussi et surtout, comme le rappelle encore Jacques Pécheur, « il faut aussi prendre en compte la médiation liée à la communication et à l’apprentissage ainsi que la médiation sociale et culturelle.« 

 

Un complément indispensable : le Cahier d’activitésRésultats de recherche d'images pour « tendances c1 c2 Emilie bucher »

Des activités qui sont renforcées dans le Cahier d’activités avec notamment une partie intitulée “Outils méthodologiques” présente dans chaque leçon et complétée à la fin de chaque unité par un travail sur les “Outils culturels”. Les deux autrices du Cahier, Amélie Brito et Émilie Bucher, proposent aussi tout un travail autour du vocabulaire de la leçon en plus des activités portant sur la grammaire et les quatre compétences habituels (CE, CO, PE, PO), sans oublier bien entendu six pages par unité pour se préparer au DALF.

Tendances C1 / C2 va sans aucun doute devenir la nouvelle référence des cours avancés et de perfectionnement en proposant, au-delà des documents authentiques, qui ne manquent pas, un véritable fil conducteur pour animer un groupe-classe à un tel niveau.

Pour en savoir plus

Feuilletez un extrait de Tendances C1 / C2 : https://tendances.cle-international.com/9782090385373

 

 

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Contre ces phobies qui se dressent, la Francophonie comme lieu de rencontre

Posted by Philippe Liria sur 23/03/2019

Affiche de la Semaine de la langue française et de la Francophonie 2019

La Semaine de la Francophonie touche à sa fin. Du 16 au 24 mars, les Francophones du monde entier ont célébré la langue qui les unit et les réunit. Dommage d’ailleurs que cette semaine passe un peu trop inaperçue dans l’Hexagone, peut-être parce que ses habitants sentent moins le besoin de s’associer à cette célébration.

Une fête célébrée sur tous les continents

Peu importe ! De toute façon, ils ne sont que quelques millions au milieu de centaines de millions qui ont la Francophonie dans leur tête et dans leur coeur. Il suffisait de voir les centaines et certainement les milliers de messages sur les réseaux sociaux pour souhaiter une bonne fête et annoncer ou présenter les événements qui sont organisés à l’occasion ça et là, aux quatre coins de la planète. Et pas uniquement dans les pays francophones, mais bien au-delà grâce aux actions d’institutions officielles, françaises bien sûr mais aussi québécoises, suisses, haïtiennes, roumaines, marocaines, etc. qui se sont souvent coordonnées pour mettre en place un programme d’expositions, de spectacles, de concours dans les établissements scolaires. Et puis aussi grâce à toutes les associations de professeurs de français, qui organisent une soirée amicale autour de la langue ou de véritables événements aux dimensions parfois impressionnantes là où ne s’y attendrait pas forcément. N’est-ce pas pas merveilleux ?

Francophonie et pluralité

Et puis la Francophonie, c’est aussi ce plaisir de pouvoir échanger en français avec des personnes venus de pays et d’horizons complètement différents… comme François, un Camourenais, chauffeur de taxi à Washington ou Jean-Marie, un Haïtien installé avec sa famille à Boston et qui travaille dans une cafétéria pas très loin de l’opéra. Ou encore ces professeures de français venues du Congo, du Mali… et qui partagent leur passion pour la langue française dans les Alliances françaises de New York, Saint-Louis ou d’ailleurs aux Etats-Unis. Cette diversité de provenance de ces Francophones reflète bien cette idée que le français permet d’unir les personnes quelle que soit leur origine ou leur statut, et  sans perdre de vue pour autant la pluralité des langues et cultures qu’elles ou ils représentent. C’est de cette pluralité dont nous parlait encore il y a quelques jours Leïla Slimani sur France Culture. La représentante du chef de l’État français pour la Francophonie mettait ainsi en avant l’importance de combiner la promotion du français avec celle des langues présentes sur les territoires francophones. A ce sujet, je me demande parfois si la France est d’ailleurs vraiment prête à faire véritablement cet effort avec ses propres langues car j’ai trop souvent l’impression que l’Etat français est près à défendre le plurilinguisme partout dans le monde… sauf en France – au-delà bien entendu de la simple reconnaissance patrimoniale associée au breton, au corse, au basque… -.

Leila Slimani

Le plurilinguisme et le français… y compris dans la classe de langue

Ce plurilinguisme dont nous parle Slimani, c’est aussi celui que nous retrouvons dans le volume complémentaire du CECR. Un point qui doit nous inciter à la réflexion sur la place des autres langues présentes dans la classe de français. On sent bien qu’encore aujourd’hui, la pluralité linguistique dans l’espace-classe fait grincer les dents de nombreux enseignants ou coordinateurs. Pour beaucoup, ce serait ouvrir la boîte de Pandore, le risque que les apprenants ne fassent plus d’efforts pour ne parler qu’en français en salle de cours. Pourtant, nous devons dépasser cette vision que l’apprentissage d’une langue ne doit passer que par le non-contact avec d’autres, qu’il s’agisse des langues de l’environnement naturel de ces apprenants ou celles qu’ils apprennent. Si nous voulons que le français soit vraiment la langue de demain en Afrique, il faut apprendre à s’ouvrir encore plus aux autres langues du monde. Si nous n’apprenons pas à le faire, le français perdra véritablement « son pouvoir de séduction« , comme ce serait déjà le cas au Sénégal à en croire les propos de l’écrivain sénégalais en wolof, Boubacar Boris Diop, dans un entretien qu’il a donné le numéro 46 de la revue Apela et repris dans Le Monde le 17 mars dernier.

C’est cette diversité qui en fait une langue bien vivante

D’ailleurs, comprendre que la Francophonie, en matière de langue, c’est forcément comprendre la pluralité et la diversité, il suffit de prendre un dictionnaire français et de savourer la créativité de ses locuteurs qui en font véritablement une langue vivante grâce à ces mots qu’ils empruntent aux autres langues du monde et il ne faut pas s’en inquiéter outre-mesure, même si on peut comprendre certaines réactions quand un pseudo-anglais est préféré au français, comme on l’a vu au Salon « Livre Paris » – ancien Salon du Livre – (voir la tribune « Halte au Globish ! » publiée dans Le Monde du 29 janvier dernier. Bien sûr que plusieurs de ces nouveaux mots proviennent de l’anglais mais pas uniquement comme le montre un excellent article de William Audureau, publié le 22 mars dernier dans Le Monde. Intitulé « D’où viennent les nouveaux mots de la langue française« , l’article analyse les nouvelles entrées depuis 2017 des deux principaux dictionnaires que sont le Larousse et le Robert et il en ressort clairement que, même si l’anglais – essentiellement celui de Californie – est à la tête des langues d’emprunt, plusieurs autres langues (japonais, arabe, espagnol, portugais du Brésil, créoles, alsacien…) ou variantes du français (des régions, d’outre-mer et de la Francophonie). Rien d’étonnant, et heureusement… La langue, c’est comme un arc-en-ciel, on l’aime parce qu’elle est polychrome et reflète la pluralité de ses locuteurs. Cette polychromie est nécessaire pour qu’elle ne cesse d’être vivante et actuelle. Elle est nécessaire aussi pour nous éloigner des discours alarmistes et surtout des sombres discours identitaires qui tentent de dresser des murs ou des barrières grillagées entre les personnes parce qu’elles seraient différentes, parce qu’elles auraient un drôle d’accent…

La Francophonie, c’est aussi ça ou peut-être surtout ça, un lieu de rencontre plurilingue contre ces phobies qui veulent de nouveau nous dresser les uns contre les autres.

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Féminisation des noms de métiers : l’Académie française se met à la page, enfin !

Posted by Philippe Liria sur 01/03/2019

« S’agissant des noms de métiers, l’Académie considère que toutes les évolutions visant à faire reconnaître dans la langue la place aujourd’hui reconnue aux femmes dans la société peuvent être envisagées« . Ces quelques mots marquent certainement la fin d’un long combat pour la féminisation des noms de métiers en français, pardon, de France du moins car cela fait belle lurette que nos amis québécois l’ont introduit sans que leur société ne vivent dans l’autoritarisme d’une féminisation abusive, comme le craignaient Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss en 1984 pour la France parce qu’une commission allait « étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d’une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes« . Quel scandale !

La fin d’un combat ?

Espérons-le mais ce qui est certain, c’est que cette fois-ci l’Académie française semble avoir enfin compris qu’elle ne pouvait rester figée dans le passé – et peut-être a-telle compris que le français, ce n’est pas la France – et elle donc adopté dans une séance du 28 février 2019, et à une large majorité (il y a encore des réfractaires puisqu’il n’y a pas eu unanimité), le Rapport sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions. Un rapport qui vise à « étudier quelles évolutions pratiques il serait souhaitable de recommander, mais aussi à quelles difficultés linguistiques la démarche peut se heurter, la commission s’est conformée aux méthodes éprouvées à l’Académie, qui a toujours fondé ses recommandations sur le « bon usage » dont elle est la gardienne, ce qui implique, non pas d’avalisertous les usages, ni de les retarder ou de les devancer, ni de chercher à les imposer, mais de dégager ceux qui attestent une formation correcte et sont durablement établis. » Car pas question de révolution chez les académiciens et académiciennes. Féminisation, oui mais pas n’importe comment pour ne pas « bouleverser le système de la langue » nous dit ce rapport. On donc « légitimement recourir (aux formes féminines) » si elles sont « conformes aux modes ordinaires d’expression et de formation propres au français, dans la mesure où ces règles fondamentales ordonnent et guident toutes ses évolutions. Il n’est pas loisible de s’en affranchir« .

Auteure ou autrice ?

Ce rapport ne se veut pas prescripteur mais il aborde des cas très concrets comme par exemple la féminisation des formes en -eur et en -teur (deux pages leur sont consacrées) dont tout un paragraphe pour savoir comment féminiser « auteur » et d’arriver à la conclusion que « autrice » semble avoir « la faveur d’usage » nous disent les académiciens.

Je disais que ce rapport indique bien qu’il ne s’agit pas de bouleverser la langue. Il n’est surtout pas révolutionnaire mais, à sa manière, il aborde la critique sociale puisqu’il souligne la difficulté à féminiser les noms de métiers au fur à mesure que l’on grimpe l’échelle hiérarchique à partir de l’analyse du féminin de « chef ». Au fait, quel est-il ? (voir ce qui dit le rapport p.11).

L’académie se veut aussi respectueuse de la liberté de choix, rappelant que certaines femmes ne veulent pas voir féminiser à outrance tous les noms de métier, préférant « conserver les appellations masculines pour désigner la profession qu’elles exercent« . Elle ne veut pas forcer non plus la féminisation des fonctions, titres ou grades ou encore dansle domaine de la justice : « aucune contrainte imposée au langage ne suffirait à changer les pratiques sociales : forcer une évolution linguistique ne permet pas d’accélérer une mutation sociale. » Le texte s’intéresse plus particulièrement au mot « ambassadrice » et du débat autour de ses connotations qui font écrire que les « fonctions d’ambassadeur revêtent un caractère d’autorité et de prestige tel que l’usage ne s’oriente pas de façon unanime vers le recours à une forme féminine, qui renvoie à une autre réalité. » (p.16) On remarquera que l’armée, si conservatrice par ailleurs, semble avoir facilement introduit la féminisation des grades.

La France, 40 ans après le Québec

Les plus conservateurs de la langue française en auront justement pris pour leur grade. Plus questions de railler les Québécois, comme l’avait fait l’académicien Maurice Druont en 1997. C’est Bernard Cerquiglini qui nous le rappelait dans son livre Le ministre est enceinte : « libre à nos amies québécoises, qui n’en sont pas à une naïveté près en ce domaine, de vouloir se dire ‘une auteure’, ‘une professeure’ ou ‘une écrivaine’; on ne voit pas que ces vocables aient une grande chance d’acclimatation en France et dans le monde francophone« . Un ouvrage d’ailleurs fort recommandable si la question de la féminisation vous intéresse.

Il était temps de tourner la page, 40 ans après les Québécois et 20 ans après le Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions que le CNRS et l’Institut national de la langue française avait publié sous la direction de Bernard Cerquiglini, encore lui, et qui fait tant pour notre langue et que les professeurs de français connaissent bien grâce à la rubrique qu’il tient dans le Français dans le monde.

Cette décision de l’Académie mettra-t-elle vraiment un terme à ces querelles autour de la langue, comme nous les aimons bien ? Sera-t-elle traiter de félonne ? De s’être livrée aux destructeurs de la langue française ? Recevra-t-elle tous les noms d’oiseaux, masculins et féminins d’ailleurs ? Ou au contraire, sera-t-elle applaudie pour avoir enfin compris que la société évoluait et que la féminisation des noms de métiers et des fonctions n’en est finalement que le reflet au niveau du langage ? On est bien conscient que souvent les réticences ne viennent pas tant des risques de voir la langue se corrompre mais, comme l’écrivait Lionel Jospin en 1999 alors qu’il était premier ministre – on remarquera que  dans l’introduction du Guide d’aide à la féminisation… que « cette affaire (…) concerne la société tout entière. Elle véhicule nombre de résistances, pour une large part idéologiques. » Un sujet qu’aborde Jean-Marie Klinkenberg en s’intéressant au rapport qu’il y a entre langue et des éléments aussi importants que l’identité ou le pouvoir. Il n’hésite d’ailleurs pas à faire le rapport avec l’écriture inclusive et d’autres questions encore : Qu’est-ce que le genre des mots ? Est-il vrai que le masculin est neutre ? Que signifient les résistances à l’innovation langagière ? À le qui appartient la langue ?

Et en classe de français ?

Cette décision de l’Académie est aussi une occasion d’aborder la question avec les étudiants de français dans les classes. Je vous invite à trouver un certain nombre de documents que je mets à disposition ci-dessous parmi tout ce qui est disponible sur internet. C’est évidemment une occasion de réfléchir sur l’évolution de la langue et certainement faire le rapport avec les places des noms féminins dans leur propre langue… mais bien sûr d’aller bien au-delà et aborder les questions autour du rôle des femmes dans la société. Dans des niveaux débutants, des petits questionnaires de type QCM pourraient faire travailler le lexique et l’orthographe en profitant que la question est d’actualité, peu importe si on a déjà traité ce point de langue en classe. C’est un bon moment pour revoir le féminin des noms de métiers.

Et puis aussi une réflexion chez les enseignants, les auteurs et les éditeurs quand ils aborderont le célèbre tableau des féminins des noms de métiers de nos bons manuels de A1 (voilà comment on dit, il y en a qui disent que mais c’est mal dit, ce n’est pas dans le dictionnaire, ce n’est pas joli à entendre…).

 

Pour aller plus loin

La féminisation des noms de métiers et de fonctions http://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/rapport_feminisation_noms_de_metier_et_de_fonction.pdf (texte du rapport approuvé par l’Académie française le 28 février 2019).

Le ministre est enceinte ou la grande querelle de la féminisation des noms, par Bernard Cerquiglini. Ed. Seuil (0ct. 2018)

Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions (1999) http://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Documentation-administrative/Le-guide-d-aide-a-la-feminisation-des-noms-de-metiers-titres-grades-et-fonctions-1999

Extrait de La grande Librairie (25/10/2018) : https://youtu.be/IyMCAOWWO4g

L’Académie française se prononce pour la féminisation des noms de métiers (28/02/2019) : https://www.franceculture.fr/emissions/journal-de-22h/journal-de-22h-du-jeudi-28-fevrier-2019

La féminisation des titres et fonctions dans la Francophonie : De la morphologie à l’idéologie (Language and Culture / Langue et culture Volume 25, numéro 2, 2003), par Elizabeth Dawes

Banque de dépannage linguistique : Questions fréquentes sur la féminisation : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4015

Le Québec, pionnier de la féminisation des noms de métiers (AFP, 28/02/2019) : https://www.tvanouvelles.ca/2019/02/28/le-quebec-pionnier-de-la-feminisation-des-noms-de-metiers

Conférence : De la féminisation des noms de métiers à l’écriture inclusive. Quelle langue pour quelle justice ? par Jean-Marie Klinkenberg le 19 mars 2019 au Palais Provincial Saint-Aubain à Namur

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A Sabadell, le français met les clés sous la porte

Posted by Philippe Liria sur 28/01/2019

Antoni Taule : pati amb llum matinal (Source : https://www.antonitaule.com/series/fragment-thalia/). La série Fragment Thalia a été la première exposition réalisée à la Casa Taulé.

Tout début janvier, alors que les Rois n’étaient pas encore passés, j’ai fait un crochet par Sabadell, profitant de quelques jours de relâche avant de reprendre la route. Accompagné de ma nièce, je me suis dit que j’allais lui montrer l’Alliance française. Un établissement où j’ai travaillé pendant un peu plus de 10 années de ma vie. Ça marque !

Je m’attendais à la trouver fermée mais non, un panneau à l’extérieur indiquait que le bar-restaurant était ouvert. Alors nous sommes entrés, par la porte de derrière, celle qui mène au patio de style moderniste comme l’ensemble du bâtiment, déjà centenaire. C’est dire si la Casa Taulé – c’est le nom de cette belle demeure jadis familiale – en a vu des événements. Le dernier en date, hélas, est plutôt un non-événement ; un fait qu’on aurait aimé ne pas voir inscrit sur l’agenda : la fermeture définitive de l’Alliance française de Sabadell. Ce n’est pas vraiment une surprise et, à vrai dire, je pensais même qu’elle avait déjà mis les clés sous la porte. Elle n’avait déjà pas pu faire la rentrée d’octobre et c’est en effet une Alliance presque fantôme qui nous accueillit. Malgré tout, fidèle au poste, Oriol, le gérant du restaurant était là. Plus pour très longtemps, m’avoua-t-il, dépité pour ne pas dire dégoûté. On sentait bien dans le ton de sa voix, une profonde tristesse et un certain désespoir. Pour Oriol, qui avait été serveur quand l’Alliance venait à peine de s’installer dans les murs de la Casa Taulé, il y a un peu plus de vingt ans, cette fermeture est vécue comme un drame. Plus rien à faire, hélas ! Fini ce brouhaha du midi, avec ces repas de vendredi qui n’en finissaient jamais, ces moments de pause-café avant de monter en cours avec les collègues ou les petits déjeuners du samedi partagés avec les élèves. Finies aussi ces matinées où y lisait des poèmes ou ces soirées de spectacle, souvenir d’une viole, celle de Jordi Savall ou celles de voix féminines merveilleuses qui animaient les nuits estivales de juillet lors du festival Elles… et combien d’autres souvenirs que ce patio gardera à jamais une fois la porte fermée.

En ce petit matin d’hiver, alors que le soleil brille et que la température est agréable, le silence du patio est glaçant. Je colle mon nez contre la porte vitrée qui donne sur les escaliers et la salle d’exposition. Vide bien sûr ! Je me souviens encore de la toute première exposition, celle d’Antoni Taulé, le petit-fils de cette famille d’entrepreneurs textiles de la ville. Peintre installé à Paris, il avait prêté sa collection Fragment Thalia à l’occasion de l’inauguration de l’Alliance française dans ces nouveaux locaux. Un moment qui annonçait de belles années pour ce qui allait devenir bien plus qu’une école de français mais tout un projet culturel qui allait faire de ce lieu une passerelle entre les cultures locales, catalanes ou espagnoles, et celles de la Francophonie à commencer par celles de toutes les rives de la Méditerranée. C’était avant tout le projet de Robert Ferrer i Chaler, fondateur et directeur de l’Alliance, en Robert pour tout le monde, qui comprit très vite, bien plus que nous, l’importance de disposer d’un véritable espace qui regrouperait l’histoire de la ville, le monde des arts et de la culture et bien entendu des langues. Il fallait faire des travaux d’aménagement, et donc trouver des fonds mais Robert y mit toute son énergie pour réunir autour de lui les institutions et les personnes qui allaient l’accompagner dans cet ambitieux projet. La rentrée 95 se fit dans le nouveau bâtiment. Plus question de parler simplement d’une école de français. En s’installant au Sant Joan 35, l’AF avait bel et bien l’intention de s’imposer comme une référence culturelle et éducative de la ville et très vite elle le devint. Tout en devenant aussi une référence pédagogique dans l’enseignement du français bien au-delà de Sabadell. Vide aujourd’hui cette salle d’exposition qui était celle aussi de la plupart des conférences et débats, des présentations de livres, en français, en catalan ou en espagnol.

FAÇANA DE LA CASA TAULÉ, SEU DE L’ALIANÇA / LLUÍS FRANCO

Le nez toujours collé à la vitre de cette porte définitivement fermée, j’essaie d’apercevoir ce qu’il reste de l’accueil ou du bureau de l’administration, ou encore de l’escalier qui mène aux étages et aux salles de classe. Combien de fois on les a montés et descendus, ces escaliers ! J’ai même le souvenir d’un vieux téléviseur dévalant les marches depuis le premier étage… Il m’avait échappé alors que je le changeais de salle à une époque où on baladait appareils TV, magnétoscopes et lecteurs k7-CD sur des chariots. J’en ris encore même si ce jour-là je n’étais pas fier de moi. Ce sont des heures et des heures de préparation de cours, de réunions pédagogiques et de classes que nous avons passées entre ces murs. Des heures à s’interroger sur la meilleure façon de faire, à revoir toutes les progressions et sous la direction de Valérie dont les gueulantes doivent encore hantées les murs de cette Alliance, à didactiser des documents, à en créer tout autant… dans une salle des profs qui n’était jamais assez alimentée à notre goût, même si, des années plus tard, je me rendrais compte que nous étions vraiment des privilégiés. Je me souviens des premiers ordinateurs, de la première connexion à Internet et nos envies d’en profiter pour moderniser encore plus nos cours et en faire profiter nos élèves. J’ai même l’impression d’entendre la voix de Montse chanter Piaf ou les rires des gamins de l’Esplai (sorte de colonie) que Lucile animait chaque été. Cette Alliance a certainement été une des premières à introduire à la fin des années 90 des critères qui annonçaient ceux du CECR car elle avait toujours eu le souci d’avoir une longueur d’avance. Je ne monterai pas à l’étage. Mon nez restera collé contre cette porte vitrée.

Aujourd’hui, l’Alliance ferme cette porte, ferme ses portes. Accablée de dettes, des profs et du personnel administratif abandonnés à leur sort (et avec des mois de salaire impayé) parce que plus personne ne répond… Pas par manque d’élèves pourtant – même s’ils ont fini par se lasser de l’impressionnant turn-over de ces derniers temps -, pas par manque de projets non plus… Mais voilà, il y a, parait-il, un gros trou dans la caisse… Les trous dans les caisses ne se font pas tout seuls… Et en ces temps de vaches maigres, aucune institution d’ici ou de France n’a pu ou voulu sauver cette Alliance historique, née en 1974 de l’envie d’un petit groupe de profs locaux de faire bien plus que des cours de français. Cette page qui se tourne laisse un grand vide, et pas seulement émotionnel. C’est aussi un grand vide pour la présence du français et des cultures francophones dans cette grande et riche région de la banlieue barcelonaise. Quelle tristesse ! Quel dommage ! Et surtout, quel gâchis !


Pour en savoir plus

Un article que l’on retrouve sur l’hémérothèque de La Vanguardia (16 mai 1998): http://hemeroteca.lavanguardia.com/preview/1988/02/04/pagina-5/33835731/pdf.html

 

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L’état de la langue française en 2018 en quelques chiffres

Posted by Philippe Liria sur 28/12/2018

En octobre dernier, s’est tenu le XVIIe sommet de la Francophonie. C’était à Erevan, en Arménie. La déclaration finale est une longue série de points reprenant pour la plupart des lieux-communs de toutes ces déclarations bien intentionnées sur la démocratie ou les droits humains qui n’empêchent en rien hélas les conflits armés ou les regards détournés quand il s’agit d’accueillir des bateaux d’immigrés. Quant aux langues, il faut attendre le 57è point (Chapitre III) pour qu’il en soit question : on fait allusion à la langue française comme « ciment » de l’union des pays membres qui rappellent aussi leur attachement à la diversité linguistique, en dehors du territoire français bien entendu. Parce qu’en France, la diversité linguistique se limite à une reconnaissance patrimoniale et on pousse le cri au ciel quand on veut faire entrer l’arabe, pourtant très certainement deuxième langue – voire première langue – de nombreux Français, sans compter qu’elle est la langue d’importants partenaires économiques internationaux. Hélas, Jean-Michel Blanquer a préféré faire marche arrière. Mais revenons à notre sommet de la Francophonie où il a été finalement peu question de langues (à en croire en tout cas la liste des résolutions). On retiendra, avec un sourire aux lèvres, la proposition arménienne d’organiser un grand concours de la chanson francophone : la Francovision – c’est dans le texte – ! Si celui-ci voit le jour, espérons qu’il saura être pluriel et de qualité et pas la simple copie de cette médiocrité qu’est l’Eurovision. Mais c’est une autre histoire !

Et parmi toutes ces déclarations, toutes pleines de bonnes intentions, aucune portant vraiment sur la situation de l’enseignement-apprentissage de la langue française, à commencer par celle dans les pays qui en sont membres : plusieurs ne réservent au français qu’une faible place dans leur système éducatif (et encore !). Même si l’enseignement-apprentissage du français n’a pas l’air d’intéresser les dirigeants des pays membres de l’OIF, l’Observatoire de la langue française a toutefois trouvé utile de publier une synthèse de l’état de notre langue dans le monde en 2018. C’est un document qui résume des données bien plus complètes qui, elles, feront l’objet d’un rapport dont la publication est prévue en mars prochain. Pour reprendre les termes de ses auteurs, ce document « présente la réalité des usages de la langue française et les chiffres précis sur l’enseignement du français, sa présence dans l’économie, la culture, les médias et l’Internet« . Divisée en 4 parties, cette synthèse en propose donc une plus particulièrement consacrée à l’apprentissage et à l’enseignement du français (partie 2, p.9-16). On y apprend qu’il y a quelques 51 millions d’apprenants FLE mais aussi près de 81 millions qui suivent des cours EN français. Le document souligne d’ailleurs le développement voire l’engouement du bilinguisme comme c’est le cas au Canada – où il manque d’ailleurs des enseignants pour faire face à la demande – ou aux Etats-Unis – où des Etats comme l’Utah mène une véritable politique pour l’ouverture d’écoles bilingues, pas uniquement en français mais où ce dernier occupe une place de plus en plus importante. On constate aussi l’importance relative du réseau Alliance française – Institut français (à peine 2% des apprenants) ou encore des établissements labélisés dans le monde – 209 répartis dans 44 selon les derniers chiffres (cf. site de l’AEFE) – pour enseigner en français (0,5%) même si on sait que le gouvernement français actuel a décidé de miser sur leur développement. Le français connaît globalement une augmentation de +8% depuis le dernier rapport (2014) mais avec une répartition assez inégale selon les territoires : en progrès en Afrique – on a encore vu récemment comment le Ghana cherche à augmenter les compétences en français de ses citoyens (Regardez ces vidéos sur le site de l’ambassade de France dans ce pays anglophone entourés de pays francophones – ou au Moyen-Orient (les chiffres du DELF montrent l’intérêt par exemple des Saoudiens pour la langue française) mais en recul dans les Amériques (même s’il faut saluer les efforts menés pour que le français revienne dans les systèmes éducatifs, comme en Uruguay ou dans certains pays centro-américains) ou stable en Europe (mais tant que des pays comme l’Espagne miseront sur le tout-anglais plutôt que sur la pluralité linguistique européenne, nous n’avancerons pas beaucoup)*. Cette synthèse rappelle aussi les outils existants pour contribuer à l’enseignement et l’apprentissage de la langue ainsi que les organismes qui accompagnent les institutions et les enseignants dans la mise en place de programmes ou de formations initiales ou continues. Elle n’oublie pas de citer aussi les médias (TV5 Monde ou le Français dans le monde) ou encore le réseau associatif qui, fédéré autour de la FIPF, joue un rôle important. Même si personne ne nie aujourd’hui la place du numérique dans l’apprentissage d’une langue (plateformes et applications se multiplient comme des petits pains dans l’univers numérique), on peut toutefois s’étonner que la synthèse – et le rapport ira-t-il dans le même sens ? – ne prenne en compte que ces outils et ne mentionne pas ceux qui sont essentiellement sur papier (manuels, livres d’exercices, lectures faciles) mais continuent, encore aujourd’hui, à être des outils essentiels – souvent incontournables – pour les enseignants et pour les apprenants. Les maisons d’édition, qui sont pourtant des partenaires économiquement bien utiles à l’organisation de nombreux événements autour de la langue française de son apprentissage – n’auraient donc qu’un rôle secondaire ?

Voilà en tout cas quelques chiffres à se mettre sous la dent en attendant le rapport définitif d’ici quelques mois. Et comme nous sommes dans les chiffres, il faut signaler aussi la mise en ligne par la Fondation Alliance française de plusieurs données concernant son réseau et qui permettent de compléter ou préciser certaines informations que nous livre la synthèse de l’OIF sur la situation du français dans le monde. Il s’agit des livrets DATA 2017. Chacun de ces livrets représente une aire géographique avec des renseignements sur les performances des Alliances (nombre d’apprenants, d’heures vendues, de chiffres d’affaires) mais aussi des niveaux du CECR qui y sont enseignés, des certifications qu’on y passe (lesquelles, nombre de candidats…) ou encore la présence sur les réseaux (ont-elles des cours en ligne ? combien de followers sur Facebook ou sur Instagram ?), sans oublier la fonction culturelle du réseau avec le nombre d’événements que les AF proposent. Un document fort intéressant pour mieux connaître l’état des Alliances françaises dans le monde.

 

*Pas question de nier les efforts pour que le français retrouve une place dans le très pluriel système éducatif espagnol et on ne peut qu’applaudir l’ouverture de nouvelles sections bilingues ou l’augmentation exponentielle des candidats au DELF mais la société semble, en général, avoir du mal à percevoir ce réel besoin d’aller vers le plurilinguisme. On assimile encore le savoir une langue étrangère à la connaissance de l’anglais. Un récent article de La Vanguardia sur le bilinguisme (en espagnol) ne faisait d’ailleurs aucune référence au français ou une autre langue et ne s’intéressait qu’au cas de l’anglais, ce qui, à mon sens, reflète bien une certaine vision fermée de l’apprentissage des langues.

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Pas d’économies de bouts de chandelle dans le bilinguisme !

Posted by Philippe Liria sur 11/11/2018

Source : le fil du bilingue

DNL, immersion, enseignement bilingue… Comme j’ai eu l’occasion d’en parler dans les deux derniers articles de ce blog, le sujet de l’enseignement non pas simplement des langues étrangères mais plutôt celui de l’enseignement de matières dans des langues étrangères est en plein essor.

Le fil du bilingue qui, comme son nom l’indique, est le site de référence du CIEP sur ces questions propose sur Sccop.it une très intéressante et très complète revue de presse de tout ce qui se passe dans le monde autour de l’enseignement des langues. Dans ce zoom, on peut voir combien la question du bilinguisme est présente ces dernières semaines aux quatre coins de la planète, avec tous les avantages que cela apporte chez l’enfant bien au-delà de la connaissance d’une ou plusieurs langues étrangères. Et comme j’ai aussi eu l’occasion de le souligner, je trouve peu d’information sur les moyens déployés pour garantir une véritable formation des enseignants, absolument indispensable pour garantir un véritable enseignement bilingue de qualité. Nous ne pouvons accepter que les mathématiques ou l’Histoire soient enseignées dans une autre langue que celles des apprenants si les propres enseignants n’ont pas une parfaite maîtrise de la langue « étrangère » dans laquelle ils enseignent et qu’ils maîtrisent la matière enseignée, une évidence qui ne l’est pas comme il est aisé de le constater lors de la visite de certains établissements ou lors de rencontres sur des salons avec des enseignants en contexte bilingue. On s’aperçoit, hélas, qu’ils sont nombreux à éprouver d’évidentes difficultés à s’exprimer dans la langue dans laquelle ils enseignent.

Il y a quelque chose qui grince dans cette machine qui pourtant apparaît comme merveilleuse sur le papier. La formation pêche alors qu’elle devrait être centrale au risque sinon de mettre la charrue devant les boeufs dans cet ambitieux et merveilleux projet ! Mais pour cela, il faut s’en donner vraiment les moyens. On n’avancera pas dans ce projet en faisant des économies de bouts de chandelle ! Le défi vaut vraiment la peine d’être relevé !

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Bilinguisme, plurilinguisme… Un vaste chantier pour construire l’avenir

Posted by Philippe Liria sur 07/10/2018

De Dakar à Los Angeles, en passant par Buenos Aires, Madrid, New York ou Salt Lake City, le bilinguisme est « à la mode« , comme l’affirme dans une interview sur TV5Monde, Fabrice Jaumont, l’auteur de la Révolution bilingue. Et c’est vrai que depuis quelque temps, on n’entend parler que de ça dans le monde du français. Je l’évoquais déjà dans mon précédent post sur ce blog. Fin septembre, il en a été question lors de l’Univernage de Dakar où Christophe Chaillot de l’Institut français rappelait lors de l’ouverture de cette université régionale les politiques mises en place pour développer le bilinguisme et plus encore le plurilinguisme. Une nécessité dans l’espace africain où se côtoient des dizaines de langues, toutes avec des statuts différents, comme l’évoque le linguiste Louis-Jean Calvet dans le numéro de septembre du Français dans le Monde (nº419).

A l’Assemblée nationale aussi on en parle : le député des Français d’Amérique du Nord, Roland Lescure y a organisé ce 6 octobre le colloque Plurilinguisme, vecteur d’influence, d’attractivité et d’émancipation. Cet événement a permis d’aborder la question autour de deux tables rondes, l’une sur « Le bilinguisme, vecteur d’attractivité et d’émancipation » et l’autre sur comment « Développer l’enseignement français à l’étranger : vecteur d’influence pour la francophonie dans le monde ». Ce dernier thème faisant l’objet d’une commande de rapport de la part du premier ministre Edouard Philippe à la députée Samantha Cazebonne et qu’elle devra remettre en fin d’année.

Ce colloque s’inscrit donc dans la même ligne que la Conférence internationale pour la langue française et le plurilinguisme (Dossier de presse en ligne) qui s’était tenue à Paris l’hiver dernier et qui avait pour but de formuler des propositions innovantes moderniser l’image de la langue française. Il ne s’agit pas seulement de discours mais d’une réalité qui prend forme sur le terrain. On a vu en Espagne comment en quelques années, cet enseignement prend de l’ampleur et on est passé d’une dizaine d’établissements en Andalousie il y a à peine quelques années à environ 300 aujourd’hui, répartis sur l’ensemble du territoire, « ce qui représente près de 30 000 élèves. Les matières peuvent être très variées : de l’histoire-géographie à l’éducation physique en passant par les arts plastiques et les sciences naturelle », nous rappelle le site de l’Institut français d’Espagne. La semaine dernière, c’était un colloque sur l’immersion en français qui se tenait à l’USC et qui, sous la houlette des Services de la Coopération française, représentés par Karl Cogard, le Conseiller de Coopération Educative et Olivier Ngo, l’Attaché de Coopération pour le français (ACPF) sur le sud de la Californie, a réuni une cinquantaine d’enseignants des établissements bilingues de la région. Ces enseignantes (et quelques enseignants) d’établissements étaient venus pour échanger sur leurs pratiques et pour écouter des expériences d’autres Etats. C’était le cas de l’exemple de l’Utah qu’a présenté Anne Lair, la coordinatrice du programme d’immersion en français dans cet Etat de l’Ouest où les écoles bilingues sont de plus en plus nombreuses. Alors qu’il n’y en avait que 10 en 2012, on en dénombre actuellement 30 répartis sur sept districts, ce qui représentait plus de 4500 élèves pendant l’année scolaire 2017-18 (les chiffres de cette rentrée ne sont pas encore disponibles), soit plus qu’en Louisiane. De quoi satisfaire Jean Charconnet, l’ACPF en poste à San Francisco et  qui accompagne ce programme.

Cette volonté de développer l’enseignement bilingue est aussi une affaire canadienne comme nous l’a rapporté Lesley Doell, ancienne présidente de l’ACPI et toujours très active, à l’occasion des SEDIFRALE 2018 en juin dernier à Bogota. Elle y exposait les avantages du programme d’immersion, quelque 50 ans après son lancement. Elle a souligné les bénéfices qu’en dégagent les apprenants dont les résultats sont excellents mais elle a aussi abordé les défis rencontrés, notamment celui de trouver des enseignants bien formés pour garantir la qualité de la mise en oeuvre du programme. Et cette question que soulevait Lesley Doell, elle n’est pas propre au Canada. En effet, cet essor de l’enseignement bilingue, et on ne peut qu’espérer que ça continue, demande bien évidemment la mise en place d’une formation renforcée de ce nouveau profil de professeur que nous décrivait déjà Jean Duverger en 2011 dans un article publié dans le nº349 du Français dans le Monde et que j’invite vivement à (re)lire. Plusieurs formations sont déjà régulièrement proposées mais elles sont insuffisantes. De même, on sait qu’il y a un fort besoin de ressources pour animer les cours et faciliter l’apprentissage.

On le voit bien (et ce ne sont que quelques exemples) le chantier est vaste mais plein d’espoir à la fois pour que le bilinguisme (et pas seulement le français d’ailleurs, comme le fait remarque Fabrice Jaumont) et le plurilinguisme gagnent du terrain dans les établissements scolaires. Cela ne peut être que bon pour que les élèves soient mieux préparés, certes, mais surtout pour qu’ils connaissent mieux l’autre, qu’ils se connaissent mieux pour collaborer dans la construction d’un avenir sans mur.

 

Pour en savoir plus :

Enseignement bilingue – L’enseignement d’une discipline scientifique en section bilingue (référence biblio-/sitographiques proposées en fév. 2011 par Bernadette Plumelle)

Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme, dossier de presse (20 mars 2018) suite à la Conférence internationale pour la langue française et le plurilinguisme https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/une_ambition_pour_la_langue_francaise_et_le_plurilinguisme_cle816221.pdf 

Cliquer pour accéder à dlp_brochure_2017-lr.pdf

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Bilinguisme (et même plurilinguisme) contre ces murs qui se dressent

Posted by Philippe Liria sur 23/09/2018

Table ronde sur l’enseignement bilingue francophone (Universités de Francophonia, Nice juillet 2018)

L’automne vient d’arriver dans l’hémisphère nord. Mais en Europe, c’est une impression d’hiver en avance qui semble s’installer, un hiver aux relents des années 30 qui refont surface depuis le fin-fond des égouts pestiférés de l’Histoire. Celles/ceux qui vivons au quotidien l’Europe dans sa diversité à tout point de vue avons bien du mal à comprendre ce qui se passe en ce moment. Comme si cette mosaïque plurilingue et pluriculturelle était sur le point d’éclater en morceaux alors que nous croyions que plus rien ne pourrait la briser.

Dans ce contexte fort sombre, il est des initiatives qui, à mon avis, ne peuvent que contribuer à renforcer le rêve de construire une véritable Europe citoyenne -il existe encore-. C’est certainement le cas de l’enseignement bilingue. Qui peut douter de la nécessité universelle du bilinguisme dans ce monde global ? Il est bel et bien révolu le temps où le bilingue était perçu comme une personne perfide ou hypocrite – c’est ainsi que le dictionnaire illustré latin-français de Gaffiot parlait du bilinguis -. Dans ce monde qui semble assis sur une poudrière, le bilinguisme, et mieux encore le plurilinguisme sont une nécessité. Voilà certainement comment nous contribuerons à dépasser les préjudices et la méfiance voire le rejet de l’autre.

L’enseignement bilingue, en l’occurrence francophone, recouvre bien entendu plusieurs réalité. Nous ne parlons pas nécessairement de la même chose, pour ne citer que quelques exemples, au Canada, où est question de l’immersion en français ; en Espagne, où il y a presque 300 collèges bilingues dans le secteur public ; ou au Ghana, où le français devient, en ce mois de septembre, langue d’enseignement de certaines matières dès le primaire. Les enjeux d’apprentissage mais aussi politiques ou culturels ont bien évidemment une influence sur la réalité qu’il y a derrière cet enseignement bilingue. Et c’est ce dont il a été d’ailleurs question lors d’une fort intéressante table ronde qui s’est tenue à Nice en cette fin juillet. Proposée par les Universités de Francophonia et animée par Ivan Kabakoff, elle a permis la présentation de la situation canadienne grâce à l’intervention de Marc-Albert Paquette, président de l’ACPI. Nous avons pu voir que le bilinguisme, qui prend le nom de français en immersion, se decline en trois formes : précoce, (à partir des 4/5 ans), moyenne (dès l’âge de 9/10 ans) et tardive (à partir de 12/13 ans). Quant à Fabrice Jaumont, auteur de La révolution bilingue. Le futur de l’éducation s’écrit en deux langues (TBR Books, 2017), il a parlé de la situation aux USA et plus particulièrement à New York. Partant de sa propre expérience dans la création d’une filière bilingue à Brooklyn, il a mis en avant le rôle que jouent les parents dans cette démarche. Ce n’est pas le seul cas de bilinguisme aux Etats-Unis et on peut aussi applaudir l’initiative de l’Utah qui a favorisé l’ouverture de classes bilingues. Cet Etat américain compte aujourd’hui plus de 4500 écoliers et collégiens et 92 professeurs concernés dans plus de 30 écoles. C’est même plus qu’en Louisiane ! me rappelaient encore récemment les responsables des programmes de français en Utah. L’éducation bilingue a même son salon aux Etats-Unis : la Bilingual Fair dont l’édition 2018 se tiendra à New York le 3 novembre et à San Francisco le 17 novembre. L’évènement contera d’ailleurs sur la présence de Fabrice Jaumont qui y présentera son ouvrage.

Plus globalement, l’enseignement bilingue francophone est en pleine croissante dans le monde. Dans une enquête réalisée par le CIEP en 2016, on signalait qu’il y avait environ 1,7 million élèves dans des sections bilingues de plus de 48 pays. Le CIEP anime d’ailleurs un site, Le fil du bilingue, entièrement consacré à la question.

On sait bien sûr que la polémique existe autour de soi-disants risques pour les enfants en situation de bilinguisme. M.-A. Paquette a rappelé à ce sujet que la recherche a montré que les enfants connaissent des taux de réussite au moins similaires voire supérieurs à ceux qui ne suivent pas de cursus bilingue. Un argument de poids pour convaincre les sceptiques ! 

Cet optimisme ne doit pas cacher les obstacles que rencontre l’implantation d’un enseignement bilingue sur le plan des moyens à mettre en oeuvre pour en garantir l’efficacité. Il faut y mettre de l’argent pour que l’offre soit ouverte à toutes et tous (l’enseignement bilingue ne doit pas être la panacée des établissements ayant les moyens ou se trouvant plutôt en zone urbaine), que les professeurs reçoivent la formation adéquate pour être compétents dans l’enseignement des disciplines non linguistiques (DNL) et que l’on puisse investir dans le développement multi-support de ressources pédagogiques qui vont accompagner apprenants et enseignants dans cette tâche.

Alors que le Brexit est sur le point de devenir une réalité et que l’Europe des populismes semblent vouloir faire son retour avec son lot d’intolérance envers l’autre, il est encore plus indispensable de renforcer la formation de citoyens plurilingues dans l’espoir que cela évitera la construction de nouveaux murs, que ce soit au sein de l’UE ou à ses portes.

 

Pour en savoir plus

Universités de Francophonia : https://www.universitesdefrancophonia.com

Le site de Fabrice Jaumont : https://fabricejaumont.net

Le fil du bilingue (le site de référence du CIEP pour cette question) : http://www.lefildubilingue.org

Bilinguisme et enseignement bilingue (CIEP, 2010) : http://www.ciep.fr/sites/default/files/migration/bibliographie/Enseignement_bilingue_0.pdf (un document qui date un peu mais qui fournit d’intéressantes références sur la question)

L’avantage bilingue : http://thebilingualadvantage.com/a-propos/ Site de Jessica Blin, enseignante bilingue, sur le bilinguisme avec notamment des informations sur les établissements bilingues en Australie.

L’enseignement bilingue francophone dans le monde (Institut français, 2016) : http://www.institutfrancais.com/sites/default/files/enquete-enseignement-bilingue-web.pdf

Les collèges bilingues publics espagnols (proposant le français) : http://www.tuscolegiosbilingues.es/colegios/frances/centro-publico/pag1

Résultats des statistiques des évaluations en Catalogne : http://csda.gencat.cat/web/.content/home/consell_superior_d_avalua/pdf_i_altres/static_file/Indicadors-2n-trimestre-2017.pdf

Formation à Accra pour les enseignants des futures écoles publiques bilingues (12/06/18) : http://lefildubilingue.org/formations/formation-à-accra-pour-les-enseignants-des-futures-écoles-publiques-bilingues

Association Canadienne des Professionnels de l’Immersion (ACPI) : www.acpi.ca

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Smartphone à l’index ? La fausse bonne réponse !

Posted by Philippe Liria sur 30/07/2018

©Makc76 | Dreamstime.com

Interdire les smartphones dans les écoles et collèges est-ce vraiment la solution ? En France, la question est tranchée : c’est oui ! Grâce à cette mesure qu’ont votée nos chers législateurs, dès septembre, finie l’utilisation abusive de cet objet de tous les démons : ça ne passera jamais par les têtes des élèves de l’utiliser en cachette, on le sait, et les fraudeurs seront systématiquement attrapés (comme les fumeurs en cachette ou ceux qui se font la belle à l’heure des repas). Finie aussi cette sonnerie intempestive qui dérange le cours – parce que ça sonne encore un smartphone ? Les ados l’utilisent encore pour s’appeler ? Ailleurs, on en fait d’autres usages mais il s’agit certainement de l’exception française (comme ces SMS dont on est si friands en France, semble-t-il). Et puis, fini le cyber-harcèlement ! Alors là, si c’est vrai, si c’est vraiment vrai que cette mesure permettra d’éradiquer ce terrible fléau, eh bien bravo ! Rien que pour ça, je suis près à l’applaudir !

Et pourtant, j’ai mes doutes… Des doutes très sérieux… Certes, on me parle aussi qu’il faut éliminer la fracture sociale que favoriserait la présence des smartphones… C’est ce point qui devrait me faire adhérer car c’est celui qui est vraiment de gauche, paraît-il !! Quand je vois comment le smartphone est la porte d’entrée des savoirs et la porte sur le monde dans des lieux aussi reculés que l’Amazonie où j’etais encore récemment, désolé, mais je ne comprends pas trop l’argument. Et puis, question fracture sociale, pardon mais il y a plus grave que ça, en France. Donc oui, j’ai des doutes… Pourquoi ? Tout d’abord parce que je ne suis absolument pas convaincu que cela empêche réellement l’utilisation des smartphones, surtout pour les usages les plus incontrôlés (les pires, ceux de ces abus qu’on prétend combattre). Alors il paraît que cette loi est celle qui marque notre « entrée dans la révolution numérique du XXIè« … C’est Jean-Michel Blanquer qui le dit. C’est « un progrès pour l’école » twittait-il le 30 juillet. Pour le coup, M. le ministre, je pense que cette mesure est aussi juste que le jour où en France, on a décidé de freiner l’entrée d’internet parce que nous avions le Minitel. Et j’ouvre la parenthèse au cas où… du moins pour mes chers lecteurs qui ne se rappelleraient pas – ne connaîtraient pas – ce merveilleux objet : dans la rubrique des objets oubliés de l’Histoire, cherchez sur votre moteur de recherche préféré ce que fut que le Minitel, qui n’avait d’ailleurs pas échappé, malgré ses mérites, à la création de ses propres pages roses (Lisez ce reportage de 2016 sur le Mintel rose) que les ados que nous étions, cherchions à voir en cachette malgré toutes les interdictions du monde (et les vertus réelles à l’époque de cette invention française) ! Mais pour en revenir à ces propos ministériels, je ne vois pas en quoi c’est numériquement révolutionnaire de mettre à l’index un véritable outil de travail qu’on devrait plutôt apprendre à utiliser intelligemment très tôt, certainement dès le primaire. Je sens que les tenants de l’interdiction même au lycée vont me jeter corps et smartphone dans les flammes de l’enfer numérique, or d’après l’expert canadien Thierry Karsenti,  « Ce serait un magnifique projet d’avoir des écoles où on sensibilise les jeunes dès le primaire aux usages éducatifs des technologies, des cellulaires, des réseaux sociaux avant même qu’ils en possèdent un. » (Déclaration dans Téléphone cellulaire à l’école : ici et ailleurs (23/01/2018, consulté 31/07/2018). Cet expert canadien a d’ailleurs exprimé son scepticisme par rapport la nouvelle loi française qui vient d’être approuvée.

Je le conçois, l’interdiction n’est pas complète mais la loi est d’emblée restrictive. Croit-on vraiment que c’est la meilleure façon d’aborder la question ? Au Canada, que la France ne regarde pas assez pédagogiquement parlant, c’est justement parce qu’on a compris que ça ne sert à rien de mettre la tête sous l’aile qu’on a mis en place de vraies politiques d’intégration de cet outil (et on n’a pas attendu l’université !), même si régulièrement la polémique refait surface (lire Téléphone à l’école : le débat est relancé, 20/01/2018 consulté le 31/07/2018). Dans le domaine des langues, qui est le nôtre, le smartphone  est certainement un merveilleux outil de réception et de production authentiques, de recherches, de mise en contact avec la communauté francophone. Nous avons d’ailleurs vu comment le complément du CECRL a ajouté un volet sur les compétences numériques. N’aurait-ce pas été mieux de mettre en place une vraie mesure associant les outils numériques à la politique de compétence numérique ? Comme compte-t-on rendre les élèves compétents et responsables à la fois si les outils qui véhiculent le numérique sont interdits ? En leur faisant faire sur un cahier des pratiques numériques pour qu’un jour ils sachent les utiliser ? La bonne blague ! J’aurais envie d’en rire si ce n’est que nous risquons de freiner le développement numérique des plus jeunes en leur enlevant (officiellement seulement) des mains et de yeux l’outil qui y contribuerait. Certes, je ne nie pas les difficultés de discipline, les risques d’exposition aux écrans, etc. Je ne défends d’ailleurs pas un usage anarchique du smartphone. Au contraire ! Il faut que celui-ci fasse l’objet d’un véritable apprentissage. Et que cet apprentissage se fasse avec les propres outils des élèves sur le principe du BYOD (Bring Your Own Device) pour qu’ensuite, de façon autonome, ils puissent mieux les utiliser. Attention, je ne suis pas naïf : les écarts ne disparaitraient pas mais pensez-vous vraiment que la loi les fassent disparaître ? Cela peut donner bonne conscience, mais pas plus ! Dans le cas du prof de langue, combien de fois j’entends dans les formations se plaindre du mauvais usage des dictionnaires en ligne. Certes…mais la réponse ne peut pas être : que les élèves utilisent de préférence le dictionnaire papier… Même si c’est encore celle que j’entends régulièrement. Souvent parce que les dictionnaires en ligne sont peu voire pas connus de nombreux enseignants. La vraie réponse, selon moi, consiste bien évidemment en une analyse des dictionnaires en ligne disponibles, en les comparant aussi avec ceux en format papier : les élèves dans une démarche critique (compétence qu’il faut absolument développer et qui contribuera à un meilleur usage du numérique) évalueront et feront leur choix sur cette base.

Bref, en interdisant le smartphone (ou en limitant énormément l’usage), c’est le chemin de la facilité qui a été choisi. Dommage ! On détourne le regard alors que nous devrions investir dans une meilleure formation des enseignants à l’usage – et à la transmission des savoir-faire pour un bon usage – des outils numériques. Cette loi est, je crois, la fausse bonne réponse à une vraie question sur l’acquisition d’une compétence numérique efficace et bien entendu responsable du smartphone. Pour paraphraser le titre d’un récent article de Joel Chevrier, professeur de physique à l’Université de Grenoble, je dirais que nous devrions apprendre à mettre de l’école dans le smartphone, plutôt que de les mettre dos à dos.

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Du foot dans ma classe de FLE

Posted by Philippe Liria sur 30/06/2018

Alors que j’écris ces lignes, les Bleus viennent de se qualifier pour les quarts de finale du Russia 2018. Je sais, le sport et en particulier le foot n’est pas la tasse de thé de nombreux.ses d’entre vous. Pour beaucoup, l’idée de “pouvoir regarder des millionnaires courir après un ballon” n’est pas une question polémique, contrairement à ce qu’on a récemment vu en France à cause d’un commentaire jugé déplacé d’Anne-Sophie Lapix, la présentatrice du JT de 20h, à l’occasion de l’inauguration de la Coupe du Monde 2018 en Russie. « Lamentable » le commentaire de la journaliste française ? Après tout le foot brasse effectivement beaucoup d’argent – de pognon comme dirait Macron – qui ne profite vraiment qu’à une petite minorité, c’est qui faisait écrire à Ignacio Ramonet en 2006 que le foot « constitue une métaphore de la condition humaine. » Qu’il peut être, écrivait toujours l’ancien directeur du Monde diplomatique « peste émotionnelle » ou « passion exultante » car « le football est le sport international numéro un. Mais c’est indiscutablement plus qu’un sport. Sinon il ne susciterait pas un tel ouragan de sentiments contrastés. » Un article que je vous invite à lire ou à relire, et surtout à partager avec vos élèves (à partir d’un niveau B1+/B2).   

Impossible de passer à côté

Pourtant, qu’on soit un fou de foot ou qu’on abhorre ce sport, difficile de passer à côté. Et avouons-le, alors qu’on se demande comment motiver les apprenant.e.s, nous avons ici un sujet qui délie les langues. C’est ce que j’ai d’ailleurs très vite compris quand, tout jeune prof de FLE, on m’a envoyé faire des cours à des cadres d’une grande banque catalane de la banlieue de Barcelone. La seule façon de motiver cette équipe de cadres le lundi matin, c’était bien sûr de parler des matchs de la Liga et plus généralement de l’actualité du foot. Cette motivation n’était pas complètement désintéressée ! En effet, ils voulaient savoir parler foot parce que, venant de Barcelone, le premier sujet de conversation de leurs interlocuteurs français n’était pas l’état de la bourse ou les taux d’intérêt à la hausse ou à la baisse mais bel et bien les résultats du dernier match du Barça ou les mouvements de joueurs au mercato du moment. Moi qui n’étais pas très footeux – même si mon coeur a toujours eu un penchant pour le FC Barcelona – il a bien fallu que je m’y intéresse de plus près de façon à joindre dans mes cours l’utile à l’agréable en glissant du contenu didactique à ces échanges footballistiques. Depuis, j’ai bien compris que le foot est le vrai passeport, la clé d’entrée dans de nombreuses villes ; la meilleure façon de gagner la confiance avec les chauffeurs de taxi ou les serveurs locaux, même si nous supportons des équipes différentes. Le football est une véritable activité brise-glace, dès le niveau A1 ! Et essayez donc en B2 de lancer un débat autour du vidéo-arbitrage (ou VAR si vous voulez ajouter un nouvel acronyme à votre vocabulaire) : vous verrez comme tous les éléments de l’argumentation seront naturellement mobilisés par vos étudiant.e.s ! Cet article de Thibaut Geffrotin dans Le  Point (29/06/2018) pourra même vous servir de déclencheur : Coupe du monde 2018 : arbitrage vidéo, le grand bazar !

Des pieds et de l’esprit

Malgré l’intérêt évident de passer par le foot pour motiver les élèves, il a du mal – encore aujourd’hui – à faire son entrée dans la classe de français. S’agirait-il du reflet finalement d’un rapport complexe que l’esprit cartésien, celui de la raison, semble maintenir avec l’exercice physique ? Comme si les efforts de l’esprit étaient incompatibles avec ceux du corps ! Pour mieux aborder cette question, vous pouvez (ré-)écouter l’entretien du journaliste sportif Bernard Heimermann en 2010 au sujet de Plumes et crampons, un livre co-écrit avec l’écrivain Patrick Delbourg et qui se proposait à la veille de la Coupe du monde d’Afrique du Sud d’analyser les liens entre les écrivains et le football (Un document intéressant pour la classe – niveaux B2/C1 – et qui aidera à faire réfléchir les étudiants sur cette question). On sait combien des écrivains, et pas des moindre étaient de fervents amateurs de foot. Me viennent à l’esprit Camus bien sûr ou le Catalan Vázquez Montalbán… mais ils sont bien plus nombreux comme le rappelle cet article de L’orient littéraire. Au sujet de Camus, qui avait été gardien de but (ou « goal » comme on disait à l’époque), il y a d’ailleurs eu cette superbe initiative de l’Institut français de Madrid qui, à travers l’opération Le football, une école de la vie ! a permis de rapprocher les élèves des écrits du prix Nobel de littérature.  

Du foot dans le FLE

Plus directement en lien avec le FLE, en 2016, à la veille de la Coupe d’Europe, le site FLE Les Zexperts n’avait pas voulu passer à côté de l’événement : il contribuait ainsi à faire une place au foot dans la classe en proposant une fiche pour parler de foot en FLE à partir de niveau A2. Il y a aussi les mémos de Parlons français, c’est facile qui reprend de façon imaginée le lexique du foot. 

J’imagine parfaitement une classe d’ados – et pas que – présentant à l’oral et/ou à l’écrit leurs équipes, les joueurs… Une bonne occasion pour pratiquer différentes notions d’un programme de A1/A2 en les combinant avec un sujet motivant. D’ailleurs c’était la proposition, très intéressante, qui avait été faite en 2010 à l’occasion de la Coupe du Monde en Afrique du Sud : toute une progression à partir du foot ! Oui, je parle foot !, c’est le nom du site – toujours disponible – qu’Amandine Béranger et Jérôme Cosnard avaient alors créé et qui constitue une somme de documents A1 (téléchargeables en word et en PDF), certains à prendre tel quel et d’autres qu’il faut bien sûr mettre à jour ou qui peuvent servir comme point de départ pour créer des activités similaires mises au goût du Mondial de Russie. Toujours autour de ce monde sudafricain, le Français dans le monde de mai-juin 2010 (nº369) avait consacré des pages spéciales au foot. Vous pouvez bien sûr les consulter sur le site de la revue si vous y êtes abonné.e ou retrouver un extrait sur www.issuu.com

Le point du FLE qui a consacré une page de son site au sport propose quelques liens dédiés au football. On peut simplement regretter que cette Russia 2018 n’ait pas été l’occasion d’actualiser un peu les documents pour la classe*. 

Enfin, si vous voulez commenter au fil de la Coupe ce qui s’y passe, vous pouvez vous rendre avec vos étudiants sur les sites des chaînes sportives francophones ou sur ceux de la presse écrit ou radio.

Bref, le foot, on peut aimer ou pas, mais il nous laisse rarement indifférents en raison de ses implications, sportives certes mais aussi sociales, économiques, politiques… On a même vu au Mexique , comme le rapportait récemment Anthony Bellanger dans ses Histoires du monde, que le foot peut entraîner une polémique politico-orthographique en raison des maillots de la sélection nationale : les accents des noms des joueurs avaient disparu parce que les maillots ne provenaient ni plus ni moins que des USA ! Une décision pas vraiment bien accueillie à un moment où ces deux Etats nord-américains ne traversent pas vraiment une lune de miel !  Comme quoi, au cas où certains en doutaient encore, même la langue a sa place dans le foot !

*Ami.e.s lecteur/-trices, n’hésitez pas à me partager vos liens et de m’en signaler si vous avez du matériel sur ce Mondial, je me ferai un plaisir de l’intégrer à cet article.

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De la communication authentique pour les hauts niveaux

Posted by Philippe Liria sur 17/05/2018

(Mise à jour : 28/02/2021)

Faire un récit de voyage, communiquer dans l’espace francophone, faire la critique d’un jeu en réalité virtuelle, publier un manifeste contre la censure, rédiger un compte rendu, ironiser sur un futur déshumanisé ou débattre sur une réforme… Je vais m’arrêter là dans cette énumération mais la liste est encore bien plus longue. Il s’agit en fait d’une simple poignée d’exemples choisis au hasard parmi les quelque 120 situations de communication que nous proposent Romain Racine et Jean-Charles Schenker dans leur toute dernière publication, Communication progressive du français C1 C2. Sorti aux éditions CLE International il y a tout juste deux mois, ce niveau Perfectionnement d’une collection dont la réputation n’est plus à faire, est un petit bijou pour celles et ceux qui sont à la recherche d’un manuel pour leurs cours avancés. C’est un plaisir d’entendre les auteurs parler de cet ouvrage qui permettra aux professeurs et étudiants “de découvrir des thèmes, des styles, des registres et des supports rarement abordés en apprentissage du FLE” grâce à une banque de documents authentiques particulièrement variée qu’ils ont regroupés dans huit grands blocs thématiques : Le tour du monde en français, Mille et une connexions, Les cinq travaux d’Hercule, La scientifique nature de l’homme, Citoyens : un pour tous, tous pour un !, La culture sous toutes ses coutures, Qui m’aime me suive ! Il n’y a qu’un devoir, c’est d’être heureux

A l’intérieur de ces blocs, on appréciera donc la variété des textes, dont 54 accompagnés d’un support audio : on y trouve des articles de presse, des extraits de roman, de pièce de théâtre, des interviews radiophoniques, des discours politiques, des critiques ou encore des sketchs qu’on appréciera d’autant plus que l’humour si difficile à aborder en classe est souvent contourné ailleurs. Ce n’est pas le cas ici où justement les auteurs ont délibérément pris le parti de travailler le style et notamment en cherchant à “sensibiliser l’étudiant à l’humour” (sous toutes ses coutures), un objectif marqué par le CECRL mais, nous le savons, si difficile à intégrer en classe. Un travail sur le style à partir des textes humoristiques, c’est aussi pour nos auteurs l’occasion d’aborder, grâce au débat d’idées, des sujets qui n’échappent pas à la polémique comme un entretien – dont l’audio est dans le CD accompagnant le manuel – avec Philippe Geluck sur les caricatures et la question qui malheureusement a refait surface ces derniers temps : peut-on rire de tout ? Une question étroitement liée à la liberté d’expression, si difficile à gagner et qu’on voit de plus en plus remise en cause là où on la croyait acquise. Les questions sociétales qui ont récemment ébranlé la société française ne manquent pas comme celle du repli identitaire et du communautarisme que critique Elisabeth Badinter dans un entretien à Mediapart ou le superbe discours de Christiane Taubira devant les députés en 2014 pour défendre le texte de loi permettant d’ouvrir le mariage aux couples de même sexe (dans les deux cas, les audio sont disponibles dans le CD). 

Tous ces documents constituent à la fois des modèles et des points de départ pour entrainer les étudiants à ces savoir-faire à l’écrit et à l’oral qu’ils doivent apprendre à maîtriser à ce niveau de langue. Ils sont autant d’outils pour exposer, rendre compte, débattre, argumenter, répliquer, attaquer ou défendre, polémiquer… 

A la fin de chaque bloc est proposé un bilan pour faire le point sur le lexique, la grammaire mais aussi sur les thèmes abordés en les reprenant autour de nouveaux sujets de discussion et tous les deux blocs, une récréation culturelle pour reprendre les spécificités culturelles mais cette fois de façon plus ludique.

Vous l’aurez compris, ce Communication progressive C1 C2 que Romain Racine et Jean-Charles Schenker nous présentent avec un enthousiasme et un humour contagieux est destiné à devenir un incontournable des hauts niveaux, comme on les appelle souvent dans notre jargon. Il s’agit d’un manuel qui peut être tout simplement ce complément qui va aider à compléter un cours ou, mieux encore, en devenir la colonne vertébrale. Celle à partir de laquelle vous allez construire une solide progression pour vos classes de niveaux avancés, pour les préparations au DALF ou à des concours d’entrée de certaines écoles, ou tout simplement pour acquérir une maîtrise langagière et socio-culturelle “proche de celui des natifs” nous rappellent les auteurs. 

Pour en savoir plus :

Article de Khadija Khalifé dans The French Review : https://muse.jhu.edu/article/767111/pdf (octobre 2020)

Communication progressive du français C1 C2 niveau perfectionnement, par R. RACINE et J.-C SCHENKER. Col. Progressive, CLE International. Paris : 2018. 272 pages

Consultez-en un extrait sur : https://issuu.com/marketingcle/docs/extrait_e7549ab154a505

Corrigé de Communication progressive du français C1 C2 niveau perfectionnement, par R. RACINE et J.-C SCHENKER. Col. Progressive, CLE International. Paris : 2018.

Vous pouvez les trouver auprès de votre libraire ou directement sur le site de CLE International : http://www.cle-international.com/adolescents/communication-progressive-du-francais-niveau-perfectionnement-livre-cd-nouveaute-9782090380705.html   

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Au rythme du FOS et du FOU dans le Nord-Est du Brésil

Posted by Philippe Liria sur 22/04/2018

Sorti fin 2017, voici le très intéressant livre Le FOS et le FOU au Nord-Est du Brésil : quel avenir ? ou O FOS e o FOU no Nordeste do Brasil: Quais expectativas? (Ed. UFPE 2017) qui propose un état des lieux de ces deux spécialités du français comme l’écrivent les coordinatrices de l’ouvrage, Joice Armani Galli et Nadège Bouchonneau dans leur préface en portugais. C’est aussi à partir de cet ouvrage l’occasion « d’envisager de nouvelles perspectives dans la mise en place de dispositifs de préparations des étudiants brésiliens aux études supérieurs en français » comme le souligne Jean-Marc Mangiante, dans l’autre préface du livre, celle-ci en français. Car c’est aussi son originalité : ce sont deux livres en un, d’un côté en portugais et de l’autre en français ce qui a permis, au-delà du contenu de mettre en pratique tout un travail de traduction en dialogue avec les auteurs internationaux qui ont collaboré à cet ouvrage, ce qui a permis aussi de mettre en avant la Francophonie dans toue sa dimension.

On pourrait trouver curieux à prime abord de proposer un ouvrage aussi spécifique mais finalement, n’est-il pas justement le reflet de qui est peut-être l’avenir de l’enseignement du français ? Ne faut-il pas s’interroger sur les besoins concrets des apprenants pour leur proposer un enseignement adapté ? C’est pourquoi l’ouvrage réuni en premier lieu sept articles d’auteurs brésiliens, sans oublier pour autant la dimension international et c’est la raison pour laquelle, en plus de Jean-Marc Mangiante, les coordinatrices de l’ouvrage ont invité deux autres auteurs de la Francophonie, l’un de Suisse (Darius Vanhonnaeker,) et l’autre du Maroc (El Mostafa Ftouh, U. Sultan Moulay Slimane).

Le FOS et le Fou au Nord-Est du Brésil… montre la nécessité de poursuivre dans la mise en place de programmes préparant les étudiants à la mobilité internationale car on ne pourrait se contenter de contenus linguistiques pour que « les étudiants s’intègrent à la vie académique du pays d’accueil. C’est la raison pour laquelle, au moment de parler de FOU, on doit suivre les mêmes étapes de construction d’un programme FOS et savoir que, en plus de l’apprentissage de la langue, on doit penser à la méthodologie universitaires des pays francophones, au contexte culturel et à la vie administrative de l’institution étrangère, culturellement différente de la réalité brésilienne« , nous rappelle Katia Ferreira Fraga de l’Université Fédérale du Paraíba dans son article présentant justement la situation d’enseignement du FOS/FOU à l’UFPB. Elle ne manque pas non plus de signaler les difficultés rencontrées pour maintenir l’offre alors que c’est justement en passant par ces spécificités que le français pourrait, selon elle, survivre face à une politique du tout-anglais à tous les niveaux de la scolarité de cet État, comme partout ailleurs au Brésil malheureusement.

Sans perdre de vue le thème central de ce livre, Dario Pagel revient très largement d’ailleurs sur la situation du français au Brésil mais aussi et surtout sur la formation des professeurs de français. Il pointe du doigt les carences actuelles que cause l’absence de vision plurilingue des politiques linguistiques brésiliennes mais aussi, le manque d’engagement de la France pour accompagner plus largement les besoins qu’ont les professeurs et futurs professeurs de se former.

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Dire d’apprendre à apprendre, c’est bien joli mais…

Posted by Philippe Liria sur 30/03/2018

Apprendre à apprendre avec Franck Ramus (EduSpot, mars 2018)

Dire d’apprendre à apprendre, c’est bien joli mais comment ? La question ne date pas d’hier. Depuis quelque temps déjà, nous insistons sur l’importance de rendre l’apprenant autonome et en particulier qu’il devienne autonome dans son apprentissage. Le CECR a certainement contribué à approfondir la réflexion sur cette question. Les outils d’apprentissage, comme les manuels, ont introduit bien souvent des encadrés apportant ainsi des conseils d’apprentissage. Mais abordons-nous véritablement avec les élèves la question de l’apprentissage ? Ne nous arrêtons-nous pas trop souvent à énoncer cette nécessité sans vraiment la développer ? Or, il est important de s’intéresser à comment on apprend ? Quelle méthode ou quelle stratégie mettre en oeuvre pour apprendre ? Il faut que nous sachions montrer aux apprenants comment faire cet effort de récupérer en mémoire ce qu’ils ont lu ou ce qu’ils ont entendu. C’est ce qui leur permettra de s’assurer qu’ils ont appris ou de pouvoir les situer quelque part sur l’échelle de l’apprentissage.

L’autre jour, je suis tombé complètement par hasard sur une conférence de Franck Ramus qui aborde justement la question de l’apprentissage. Prononcée dans le cadre d’Eduspot 2018, elle nous apporte le regard de la recherche sur l’apprentissage aussi bien sur les résultats et sur leurs répercussions dans la façon de vérifier si un élève apprend ou pas et surtout qu’il sache lui-même quelles sont les meilleures façons d’apprendre. Franck Ramus passe en revue dans sa conférence différentes expériences menées pour mieux comprendre comment on apprend. Il apporte des éléments de réponse aux questions sur l’apprentissage et suggère des outils efficaces pour tester les apprenants afin d’avoir un retour d’information sur ce qu’ils ont acquis ou pas encore. On voit d’ailleurs de plus en plus ces outils faire leur entrée en classe comme plickers ou  quizlet par exemple qui permettent d’obtenir de vérifier l’état des connaissance de façon immédiate. Certes, on pourrait reprocher à Franck Ramus de trop insister sur les tests et les QCM (plutôt utilisés en évaluation formative que sommative) après avoir écouté sa conférence ; cependant, nous voyons bien qu’il est nécessaire de trouver un juste milieu entre la place que prend aujourd’hui la pédagogie du projet et donc l’évaluation de ce dernier d’une part et, le besoin de s’assurer que les élèves savent (leurs verbes, leur vocabulaire, les prépositions, etc.).

En connaissant mieux la façon qu’on a d’apprendre, on gagne en autonomie et si on devient plus autonome sur l’acquisition des connaissances, on peut certainement consacrer plus de temps en classe à faire, ce qui l’objectif des tâches ou des projets qui continuent, encore trop souvent – hélas ! – à passer à la trappe.

Des outils pour tester les connaissances

Pour en savoir plus

Apprendre à apprendre, conférence de Franck Ramus (15 mars 2018)

Les diapositives de la conférences

Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école, Daniel T. Willingham, Marie Antilogus

Mets-toi ça dans la tête ! Les stratégies d’apprentissage à la lumière des sciences cognitives, Peter C. Brown, Henry L. Roediger & Mark A. McDaniel

L’ apprentissage visible pour les enseignants, John Hattie

Le blog de Franck Ramus

Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et leurs origines, une intervention filmée de Franck Ramus au collège de France

 

 

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CECR : de nouveaux descripteurs non exempts de polémique

Posted by Philippe Liria sur 11/02/2018

CECR – volume complémentaire

Cela faisait déjà quelques mois que le companion était disponible dans sa version anglaise, voici que la version française l’est enfin depuis ce mois de février grâce au travail de traduction de Gilles Breton et Christine Tagliante. Je me réfère bien entendu au fameux volume complémentaire de notre très cher, parfois trop peut-être au point de le vénérer – ce qui nous fait oublier que ce n’est qu’un outil de plus-, Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer… bref le CECR ou mieux encore, pour les intimes, le Cadre. Publié dans le cadre, accrochez-vous, du Programme des Politiques linguistiques de la Division des Politiques éducatives du Service de l’Education du Conseil de l’Europe (www.coe.int/lang-CECR), ce volume complémentaire de quelque 254 pages nous fournit donc de nouveaux descripteurs, fruits d’un long projet d’actualisation initialisé en 2014 et qui s’est déroulé en différentes étapes dans le souci de « combler les lacunes existant dans les échelles initiales de descripteurs« . C’est ce qui a permis d’élaborer de nouvelles échelles qu’on ne trouvait pas dans la version originale, comme celles sur la médiation, largement présentes dans ce nouveau compagnon de route des professionnels de l’enseignement des langues. D’autres, existantes, ont été revues : ainsi le contrôle phonologique fait-il l’objet d’une nouvelle échelle. On y trouvera également des descripteurs pour les langues des signes ou concernant les jeunes apprenants, ainsi que ceux portant sur l’interaction en ligne, les compétences plurilingues / pluriculturelles ou les réactions à la littérature.  Ce vaste projet, mené par Brian North et Günther Schneider, s’est fait avec la collaboration de nombreuses instituts du monde entier qui ont validé ces nouveaux descripteurs. Ce volume complémentaire est donc le résultat d’un travail de longue haleine qui ne perd pas de vue les objectifs du CECR original que les auteurs de l’avant-propos rappellent : (a) fournir un métalangage pour discuter de la complexité de la compétence langagière, réfléchir, communiquer des décisions sur des objectifs et les résultats d’apprentissage qui soient cohérents et transparents (b) proposer des idées pour l’élaboration de programmes et la formation des enseignants.

Ce rappel n’est pas inutile certainement quand on sait que le CECR est souvent détourné de sa finalité originale pour devenir à son insu un outil de standartisation. Mais attention, ces descripteurs, fraichement publiés en français, ont déjà provoqué des réactions critiques au moment de leur sortie dans leur version originale, en anglais. En octobre dernier, l’Asdifle, par exemple, a co-signé avec d’autres associations de professionnels de la didactiques des langues une tribune dans laquelle ses membres exprimaient leurs réserves sur cette révision du Cadre, la considérant inadéquate « au regard des évolutions de nos sociétés en Europe, de nos terrains, de nos travaux depuis le lancement officiel du CECR en 2000. » Pour les auteurs de cette tribune, et contrairement aux mises en garde pour éviter de tomber dans la standardisation que font les auteurs de ce volume complémentaire, on retrouverait une pérennisation « d’une certaine conception, standardisante et dogmatique, de la didactique des langues (…) ce qui témoigne à la fois d’une cécité certaine, qui conduit à la destruction de toute réflexion dynamique et située, et d’une amnésie coupable vis-à-vis de l’histoire même du CECR et des projets d’une partie des personnes qui ont œuvré à sa réalisation. » Cette tribune est particulièrement sévère sur les nouveaux descripteurs comme ceux de médiation, de plurilinguisme, d’interculturel ; des concepts qui ne sauraient être enfermés « dans des grilles, sauf à vouloir les contrôler en les technicisant pour en assécher toute la diversité et l’hétérogénéité. » Ils ont certainement raison de rappeler que les risques d’une « utilisation coercitive, normative et, in fine, autoritaire, du CECR » est hélas possible dans cette Europe actuelle qui semble parfois plus proche des années 30 du siècle dernier que des idéaux encore bien présents dans l’esprits des auteurs du Cadre original.

Même si la demande des signataires de cette tribune de sursoir la parution de ce volume complémentaire du CECR n’a pas été entendue, il ne faut pas perdre de vue la nécessité d’avoir un regard critique sur cet outil qu’est le Cadre et être vigilants, à tous les niveaux,  des éventuels abus qui pourraient en découler sous l’excuse de la validation de certains niveaux de compétence à partir de descripteurs et d’échelles qui peuvent, pour reprendre les propos de cette tribune, déshumaniser l’appropriation et la transmission des langues et stériliser la réflexion en encourageant des orientations uniformisantes, alors que nous avons justement besoin, dans ce monde pluriel, de mieux prendre en compte la diversité, notamment celle d’apprentissage. Il faut certainement trouver un juste milieu pour profiter au mieux d’un outil qui doit nous faciliter la tâche d’enseignement des langues sans pour autant tomber dans les travers auxquels nous mène toute sacralisation. Or, on le voit bien dans notre quotidien, le Cadre est parfois brandi et cité, souvent faussement d’ailleurs, par des ayatollahs des grilles d’évaluation. Celles-ci sont utiles, et nous ne le nierons pas, mais il faut aussi savoir les interpréter et même en sortir.

A voir :

A lire :

Le CECRL : quelle puissance du modèle ? de Dominique Macaire (juillet 2018)

Le CECRL : quelle puissance du modèle ? Questionnements dans la recherche en didactique des langues-cultures

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Le numérique en classe de FLE ? Oui mais comment ? Trois spécialistes nous aident à y voir plus clair.

Posted by Philippe Liria sur 21/01/2018

Peut-on raisonnablement envisager d’enseigner sans penser à la place du numérique en classe ? Accro ou pas aux écrans, la question mérite d’être posée. On sait que l’invasion des écrans dans le quotidien de nos vies peut être un facteur de distraction. On sait aussi que tout le monde n’a pas la même possibilité de connexion et que le risque de fracture socio-numérique est une réalité qu’on ne peut donc ignorer. Certains pays ont pris des mesures d’ailleurs pour interdire l’usage à l’école de certains appareils comme les smartphones ; d’autres sont sur le point de le faire comme c’est le cas de la France. C’était une des promesses du candidat Macron lors de sa campagne présidentielle. Aujourd’hui au pouvoir, il semble bien décider à la tenir. En France, l’interdiction des téléphones intelligents est pour la prochaine rentrée scolaire, nous annonce-t-on. Personnellement, je ne crois pas que ce soit une bonne idée si nous voulons donner une vraie éducation numérique, indispensable et dès un très jeune âge. Le numérique est omniprésent dans notre environnement et rien ne laisse présager que cette présence diminuera, au contraire. Mieux vaut donc dans ce cas en maîtriser l’usage. Dès lors, n’est-ce pas à l’école d’y contribuer ?

L’omniprésence du numérique nous oblige à nous interroger sur sa place dans l’enseignement/apprentissage des langues

Dans notre milieu, celui du français langue étrangère (FLE), il ne peut en être autrement. Comme partout ailleurs dans la société, nos élèves, jeunes et moins jeunes sont connectés. Y compris, voire peut-être plus qu’ailleurs, dans les pays en voie de développement. Le smartphone, tant décrié en France par exemple, est souvent la seule source d’information pour beaucoup de nos apprenants. C’est souvent leur façon de se connecter avec la langue qu’ils apprennent, ce qui participe évidemment de leur motivation. Ce simple constat nous oblige, du côté enseignant, à connaître les outils numériques qui peuvent être au service de l’apprentissage. Ceux-ci n’ont pas besoin d’être complexe ; au contraire, il peut tout simplement s’agir d’applications utilisées dans la vie de tous les jours mais auxquelles sera donné un usage didactique. C’est en tout cas ce que nous montrent David Cordina, Jérôme Rambert et Marc Oddou dans leur ouvrage Pratiques et projets numériques en classe de FLE qui vient de sortir dans la collection Techniques et pratiques de classe aux éditions CLE International. Tous trois experts en TICE – vous pouvez d’ailleurs les suivres sur leur Twitter ou sur leur blog respectif (voir plus bas) -, ils se sont réunis pour proposer aux enseignants de langues vivantes en général et plus particulièrement de FLE une série de “50 fiches concrètes (…) pour un usage immédiat de l’enseignant dans son contexte professionnel”. Ce livre part d’un constat, indéniable comme je l’écrivais plus haut, c’est que la “place grandissante prise par le numérique dans nos quotidiens aura de plus en plus de conséquences sur nos différents contextes d’enseignement” tout simplement parce qu’ »enseigner une langue au XXIe siècle n’est plus tout à fait la même chose qu’au XXe siècle.” Il ne s’agit pas de voir le numérique comme un ennemi de l’enseignant, voué à disparaître au profit de cette diabolique invention, mais bien de s’interroger sur les nouveaux rapports qui doivent se créer entre les éléments de cette trinité que constituent professeur, élève et numérique avec un centre l’enseignement-apprentissage. Un numérique qui passe de moins en moins par l’ordinateur ; ce qui veut dire aussi qu’en classe, il n’y plus lieu d’associer le numérique avec ces salles informatiques avec ces appareils figés qui, surtout pour le cours de langue, nous renvoient à des temps révolus.

Vers une littératie numérique
Comme le rappellent les auteurs, sans ignorer les différences pouvant exister entre un point et un autre de la planète, le rapport annuel We are socialinsiste bien sur la tendance forte de l’augmentation des personnes connectées à Internet sur les téléphones portables et les réseaux sociaux.” Et pour quoi faire ? “Principalement pour converser avec ses proches”. Un professeur de langue ne peut ignorer cette tendance qui va justement dans le sens de l’un des principaux objectifs de son enseignement. D’où la nécessité d’acquérir (et faire acquérir) une “véritable culture numérique visant à donner à chacun une pratique sûre et critique des technologies de l’information et de la communication” qui va d’ailleurs au-delà du simple usage pour devenir compétent dans la création de contenus. C’est ce qui fait du numérique à la fois le “moyen” et l’ »objectif dans une tâche complexe”, ce qui contribue à lui donner du sens.
Les auteurs montrent comment nous sommes passés de l’observation à l’utilisation de ces outils de communication entre les apprenants d’une même classe. Un constat que je partage avec eux : presque tous les enseignants rencontrés à l’occasion d’ateliers et de journées pédagogiques nous rapportent que leurs élèves ont créé spontanément un groupe sur Facebook ou sur Whatsapp pour échanger sur la classe de français. Et si le professeur intègre le groupe, les échanges se font de plus en plus en français. Inimaginable il y a à peine quelques années !
C’est pour cela d’ailleurs qu’il est préférable que les enseignants aient une place dans cet usage du numérique plutôt que de simplement le constater. Pendant la classe mais aussi, nous rappellent les auteurs, avant et après celle-ci.

Le numérique au service de la didactique

Ce que nous expliquent Cordina, Rambert et Oddou, c’est que cette intégration du numérique qu’ils défendent n’est pas de la simple technophilie mais qu’elle s’appuie sur les possibilités qu’il nous offre à suivre avec plus d’efficacité les principes du constructivisme et du du socio-constructivisme et bien sûr, ceux du connectivisme. Bref, le numérique, loin de provoquer le divorce entre ce qui se faisait avant et ce qui est aujourd’hui préconisé, doit inciter à mettre en place “une démarche qui nécessite d’être conscient des nouvelles possibilités” qu’il offre. Il “devient alors une partie qui transforme le tout”. Il va nous aider à rendre possible cette reformulation de la classe et l’enseignement-apprentissage dont il est tant question. Pour que cela soit vraiment efficace, il faut poser les bases de l’ingénierie numérique pour les langues, c’est que font nos auteurs dans le troisième chapitre de leur ouvrage à partir de quatre questions (pourquoi intégrer le numérique ?, avec quoi ?, comment ? quand ?) auxquelles ils essaient d’apporter des réponses précises en s’appuyant notamment sur le modèle SAMR qui propose “une méthode permettant de mieux saisir comment la technologie peut avoir un impact sur l’enseignement et l’apprentissage”.

Dans un contexte FLE, où un peu partout est préconisée l’approche actionnelle, les auteurs montrent en quoi le numérique va aider à en concrétiser la mise en place ; tout comme il va présenter d’autres avantages contribuant à la motivation des élèves, plus autonomes et ayant un plus grand accès au monde francophone.

50 fiches pratiques pour aider à mieux intégrer le numérique dans la classe de FLE
Après ces quatre chapitres plus théoriques mais absolument indispensables qui constituent la première partie de l’ouvrage, s’ensuivent 35 fiches de “Savoir-faire numériques” pour orienter les enseignants dans l’usage d’outils numériques facilitant la production, l’évaluation et la collaboration ; puis 15 fiches de “Projets numériques pour les apprenants” divisées en quatre catégories : les scénarios d’interactions brèves, les scénarios d’écriture multimédia, les scénarios de géolocalisation et les scénarios d’argumentation. Tous ces scénarios sont essentiellement destinés à favoriser l’interaction et la production écrite sans pour autant négliger les autres compétences.
Finalement, et on l’apprécie, un index reprend l’ensemble des fiches leur catégorie, le savoir-faire numérique qu’elle met en oeuvre et les outils numériques pour y parvenir.
Pratiques et projets numériques en classe de FLE est certainement un ouvrage indispensable pour tous les enseignants de FLE qui ont intégré le numérique dans leur classe et plus encore pour celles et ceux qui se posent des questions, ont envie mais n’osent voire s’y opposent. Avec le numérique, nous sommes bel et bien face à une révolution dans l’enseignement/apprentissage des langues et voici un livre qui nous nous apportent des éléments pour mieux l’affronter et des fiches qui vont nous aider à surtout mieux l’intégrer. Non pas aveuglément parce que c’est la mode, mais intelligemment en en tirant le meilleur profit sans y être soumis pour autant.

Pour en savoir plus :
Cordina, D., Rambert, J., Oddou, M. : Pratiques et projets numériques en classe de FLE, Coll. Techniques et pratiques de classe. CLE International, Paris, 2018. ISBN : 978-2-09-038230-3 Lien vers le site : https://www.cle-international.com/formation/pratiques-et-projets-numeriques-en-classe-de-fle-techniques-et-pratiques-de-classe-livre-9782090382303.html
Toutes les citations de cet article sont tirées de cet ouvrage.

Pour suivre David Cordina :
– sur Twitter : @w2ydavid
– sur son blog : http://davidcordina.net

Pour suivre Jérôme Rambert :
sur Twitter : @JeromeRambert
sur son blog : http://chezjerome.over-blog.com

Pour suivre Marc Oddou :
sur Twitter : @MOddou
sur son blog : http://moddou.com

Rapport sur l’usage du numérique dans le monde : https://wearesocial.com
A propos du SAMR : Le blog de Rubén Puentedura http://hippasus.com/blog/

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De bonnes résolutions pour le français en 2018 ?

Posted by Philippe Liria sur 31/12/2017

Plus que quelques heures avant d’entrer en 2018 (du moins pour celles et ceux qui comme moi sont en Europe en ce moment). Une occasion pour se retourner une dernière fois sur les douze derniers mois qui se sont écoulés. Que reste-t-il de 2017 ? Pas envie de dresser un bilan politique, qui n’est toutefois pas très glorieux. Mais après tout, il est à la hauteur de nos bilans personnels : combien d’heures au club de sport cette année ? combien de temps de plus avons-nous vraiment consacré aux êtres qui nous sont chers ? Bref, les bonnes résolutions personnelles ou les promesses politiques, c’est un peu du pareil au même. Elles durent le temps d’un verre de champagne ou d’une campagne électorale.
Puisque ce blog porte plutôt sur la langue française et son enseignement / apprentissage, que dire de ce que nous a apporté 2017 ? En France, le grand sujet a été certainement le débat autour de l’écriture inclusive. Comme je l’ai écrit en octobre dernier, quitte à déplaire, je ne suis pas vraiment convaincu que ce soit le vrai terrain sur lequel nous devons combattre les inégalités, absolument inconcevables, qui demeurent entre les sexes. Parmi les lecteurs de ce blog, vous avez d’ailleurs plutôt partagé avec moi ce scepticisme (vous êtes 54,85% à être contre ou plutôt contre et 46,15% à y être plutôt favorables ou favorables). S’il y un combat à mener pour une véritable inclusion, c’est sur celui des salaires. Comment peut-il y avoir une différence salariale entre des personnes exerçant une même profession ? En France, l’écart ou plutôt le fossé est de 25% ! Une honte ! C’est aussi un combat contre ce droit de cuissage que s’octroient encore trop d’hommes ! Comme si c’était est une chose normale pour qu’une femme puisse obtenir un poste, un rôle, une ascension quelconque ! Et si 2017 a contribué à libérer la parole aux USA, en Europe et ailleurs dans le monde pour que cessent ces abus, eh bien bravo ! Sans vouloir être pessimiste, on en reparlera en 2018…
Toujours du côté de la langue française, le nouveau président français a lancé une promesse, une de plus – Terminera-t-elle comme nos bonnes résolutions du nouvel an ? -. Vous vous en souvenez ? Celle de faire un dictionnaire de la Francophonie. C’était dans la dernière ligne droite de 2017, lors d’un voyage officiel en Afrique. C’est l’auteure franco-marocaine Leïla Slimani, nommée par Emmanuel Macron comme sa représentante personnelle pour la Francophonie, qui en a la charge. Dans sa lettre de mission, il y a justement cette idée de prendre en compte l’ensemble des variantes de la langue française. Une idée qui a dû faire sauter Jean-Michel Blanquer, le ministre français de l’Education, qui, depuis le haut de l’ignorance sur la réalité de ce que sont les langues (et le français n’est pas une exception, ne lui en déplaise), a twitté en novembre qu’“il n’y a qu’une seule langue française, une seule grammaire, une seule République”.

Leila Slimani, représentante de la Francophonie / AFP PHOTO / POOL / ludovic MARIN


Les variantes du français, un sujet que j’ai évoqué en novembre dernier : celles qu’on trouve en Europe (à commencer par la diversité au sein de cette “seule République” de Blanquer), dans les Caraïbes, en Océanie ou au Canada et bien sûr en Afrique. Sachant que c’est le continent le plus francophone du monde. Il était donc temps qu’on s’en soucie et je crains que ce soit encore compliqué en Hexagone oú on a du mal à concevoir un autre français – il suffit de voir ce qu’en pense le titulaire de l’Education. C’est grave, docteur ! -. Pourtant si les Français retiraient leurs oeillères (les citoyens des autres aires de la Francophonie n’en portent pas ; il est vrai qu’ils sont souvent plurilingues, ce qui en France est encore regardé comme une rareté), ils verraient que la réussite de l’anglais et de l’espagnol à l’échelle planétaire est due justement à la perception complètement différente qu’ont les locuteurs de leur langue. En espagnol, par exemple, personne ne méprise une façon de parler que ce soit en raison d’un lexique ou d’un accent. C’est ce qui en fait sa richesse. Pour le français, il y a encore du chemin à faire. Leïla Slimani a du pain sur la planche et certainement beaucoup de murs à faire tomber pour “déringardiser” la langue française, comme elle dit. Bonne chance, Madame Slimani !
Et comme pour bien préparer l’avenir, il faut connaître son histoire et savoir où on en est, il y a eu cet ouvrage sorti juste au début de l’été : Et le monde parlera français ! Un titre audacieux, qui anticipait presque l’affirmation d’Emmanuel Macron, mais surtout un contenu qui nous éclaire sur l’état de la politique du français dans le monde. Un ouvrage sans complaisance aussi qui fait aussi la lumière sur les zones d’ombre existantes, et elles sont nombreuses. Nous le savons, nous qui parcourons le monde pour promouvoir les ouvrages de nos catalogues bien sûr, mais aussi la langue et son apprentissage : les coupures budgétaires toujours plus grandes dans le Réseau, avec les conséquences que l’on sait sur les conditions de travail, à commencer par celles de ces ambassadeurs du français au quotidien que sont les profs de FLE. Pour celles et ceux qui se lèvent souvent très tôt et se couchent très tard pour aller donner leurs cours de français toujours avec passion alors qu’elles / ils le font pour des clopinettes et des contrats précaires (quand contrat il y a), 2018 apportera-t-il des améliorations ? En tout cas, les SEDIFRALE de juin prochain sont bien décidées à aborder la question pour ce qui concerne l’Amérique latine et les Caraïbes mais qui vaut pour l’ensemble des profs de FLE. Espérons que les conclusions de ce congrès permettront de déboucher non pas sur de simples bonnes résolutions qu’on couche sur un papier qu’on oublie très vite, mais bel et bien sur des améliorations réelles de la condition de prof de FLE. On peut essayer d’y croire en ces moments de voeux pour l’année 2018.

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La pluralité de la langue française contre la glottophobie (encore trop) ambiante !

Posted by Philippe Liria sur 30/11/2017

Le président Emmanuel Macron lors de son discours à l’université de Ouagadougou, 28 novembre 2017. Source: AFP / LUDOVIC MARIN

Il a un drôle d’accent, ce gars-là !” interprétait Pierre Vassiliu dans les années 70. Ah les accents ! Pas ceux qui coiffent nos lettres, non ! Mais ceux qui donnent un ton à nos voix. Ceux-là que certains veulent encore chasser mais qui reviennent au galop dès qu’on se retrouve en contact avec quelqu’un qui a justement le même… Et qu’en est-il de ces accents dans nos classes ? L’autre jour, à l’occasion d’un atelier, une collègue enseignante a insisté sur l’importance que les apprenants apprennent à parler un bon français, “sans accent” disait-elle. Un autre se plaignait de l’influence qu’avait laissé un enseignant sénégalais sur les élèves qu’il avait récupérés : “Ils ne savaient pas prononcer correctement le français !”, se plaignait-il.
Pourtant si nous voulons prendre aux mots le président de la République française qui revendique une langue française qui n’appartient plus à la France, il faudra bien que nous nous ouvrions réellement à la pluralité de notre langue, y compris dans ses prononciations. Je ne fais pas référence seulement aux variétés hexagonales de celle-ci mais bien à cet éventail d’accents, largement déployé de Nord à Sud et d’Est en Ouest de la planète. Le temps est révolu – n’est-ce pas ? – où les accents du sud (de la France) devaient disparaître sous le poids écrasant de cet accent pointu des gens de la télé ou de la politique… à moins bien sûr de présenter la météo ou d’être une grande gueule de l’hémicycle parlementaire. De même, le français d’Haïti ou de Tunisie, celui de Côte d’Ivoire ou du Liban ou encore de Maurice ou de Nouvelle Calédonie ont droit à la même place que l’accent bobo des médias parisiens. Pourquoi le français serait-il différent de l’anglais ou de l’espagnol ? Ces deux langues ne chassent pas les accents, ni dans la vie ni dans les salles de cours… A part peut-être quelques coincés à l’accent pincé des hauts quartiers londoniens ou madrilènes, aucun professeur d’anglais ou d’espagnol ne cherche à faire prononcer les mots ou reproduire les rythmes de la phrase selon un modèle unique qui serait basé sur une soi-disant “bonne langue” par rapport à toutes les variétés de celle-ci. Et heureusement ! Je préfère en effet ne même pas imaginer un professeur argentin d’espagnol essayant de faire parler un castillan de Palencia à son élève apprenant la langue de Borges au coeur de Buenos Aires. Ce serait tout aussi ridicule que de vouloir s’obstiner à faire employer un subjonctif de l’imparfait en français.
Un professeur haïtien de français (qui n’était pas un professeur de français haïtien) que j’ai récemment rencontré a pourtant voulu me convaincre du contraire et il insistait dans son français (celui d’Haïti) qu’il faisait tout pour que ses élèves parlent un français… de France. Est-ce vraiment raisonnable ? En quoi son français serait-il moins légitime que le mien ? Et pourtant… Si on observe la place des autres façons de parler notre langue par rapport à la variante française dominante dans l’enseignement du FLE, force est de constater que nous leur réservons un espace infime. Sans le vouloir certainement, nous – ceux qui parlons ce français de France, plutôt du Nord – posons un regard beaucoup trop condescendant sur ces autres français. L’espace FLE n’en réchappe guère. Nous pratiquons la glottophobie, cette discrimination exercée envers une personne pour sa façon de parler selon la définition que donne le sociolinguiste Philippe Blanchet. Il suffit d’ouvrir la plupart des ouvrages FLE pour se rendre compte que souvent la différence d’accents n’est présente que dans des rubriques presque réservées à cet usage. En général, elle l’est quand nous abordons la Francophonie dans ces fameuses pages civilisationnelles. C’est alors l’occasion d’introduire quelques mots ou expressions typiques de Belgique ou du Canada, de préférence du Québec. Puis nous tournons la page et passons à autre chose. Des exceptions existent en FLE mais elles ne sont que trop rares (je pense à Echo Amérique du Nord par exemple chez CLE International). Il semblerait aussi que pour des épreuves officielles comme celle du DELF, il vaut mieux que les locuteurs choisis dans les documents s’expriment dans un français standard. Ce serait plus facile. Pour qui ? Et ceux qui s’expriment dans un autre français que cette version dite “standard” ? Seconde zone ? A la trappe ? J’ai personnellement dû effacer de mon lexique les “pochons” (sacs plastiques), les “crayons gris” (crayons à papier), les “tantôts” (après-midi) et bien d’autres mots et locutions pour passer inaperçu. Mais il paraît que je ne pouvais pas enseigner un tel lexique à mes étudiants. On sait qu’il y a des discriminations à l’emploi sur certains postes, toujours pour les mêmes raisons. La glottophobie n’est pas qu’une affaire d’accent, elle a des conséquences sociales graves. Regrettable !
Il serait toutefois temps de commencer à changer cette perspective. Peut-il en être autrement ? Il suffit d’observer les chiffres de la Francophonie pour s’apercevoir que ce n’est pas en France qu’on trouve le plus de locuteurs francophones. Le président Macron ne défend-il pas un espace francophone avec l’Afrique à sa tête. Le continent africain est depuis longtemps déjà une priorité pour les responsables du français et il semblerait logique par conséquent que l’enseignement de la langue prenne véritablement en compte cette réalité. Difficile pour les professeurs de FLE venus de France ? C’est vrai. Ils devront / Nous devrons se / nous mettre à connaître d’autres prononciations de la langue, d’autres mots et d’autres expressions. Mais n’est-il pas temps ? Pourquoi un professeur de l’Ontario ou d’Abidjan devrait-il connaître la variante française et pas l’inverse ? L’enseignement du FLE ne pourra ignorer les variantes de la langue car celle-ci, comme l’a déclaré Emmanuel Macron, « (…) a son point d’équilibre quelque part entre Kinshasa et Brazzaville, bien plus qu’entre Paris et Montauban. Cette langue française a dépassé l’Hexagone, elle a parcouru le monde entier et elle est ce qui nous unit. » Mais elle ne doit pas unir dans le mépris de l’autre, de celui qui parle différemment. Une langue est justement vivante parce qu’elle évolue dans le temps – Molière en perdrait sa perruque à nous entendre, tous d’où qu’on vienne – et dans l’espace comme me l’ont fait si bien voir mes amis du Canada, d’Haïti, d’Afrique ou du Liban. Au monde du FLE aussi de savoir faire vivre cette richesse dans son enseignement et ses outils.

Pour en savoir plus sur la glottophobie:
Philippe Blanchet, Discriminations : combattre la glottophobie
Paris, Éd. Textuel, coll. Petite Encyclopédie critique, 2016, 192 pages (lire la fiche de lecture: Question de communication)

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Ecriture inclusive en FLE ? Vous en pensez quoi ?

Posted by Philippe Liria sur 29/10/2017

EXPLIQUEZ-MOI L’ÉCRITURE NON-SEXISTE
Écrit par Aleeshay | Illustré par Luna

« Le masculin l’emporte sur le féminin« , c’est avec cette phrase que nos instits nous faisaient apprendre la règle de l’accord des adjectifs et si le mot « boulangère » existait, ce n’était que pour désigner la femme du boulanger, bien évidemment. Il faut dire que mon école primaire remonte à un temps, pas si lointain mais quand même, où nous n’avions pas encore vraiment abordé la question de la parité de la langue. Une question qui refait surface aujourd’hui avec le débat – parfois très vif – sur l’écriture inclusive. Tout d’abord, de quoi parlons-nous ? On entend par écriture inclusive cette forme d’orthographe qui consiste à placer un point médian au milieu d’un mot : « les apprenant·e·s de français ont été reçu·e·s aux épreuves du DELF« . Du moins c’est le point (littéralement) qui est actuellement au centre de la polémique mais ce sont aussi les formes féminines de certaines professions (une auteure) ou certains titres (la ministre) qui posent maintenant moins de problème même si elles ne sont pas encore complètement acceptées. Que faire de cette forme d’orthographe qui place des points au milieu (des points-milieu) des mots ? Véritable rétablissement de la parité ? Ou « aberration » comme l’entend l’Académie française dans une déclaration officielle du 26 octobre dernier ?
A en croire la vieille institution, il en va de l’avenir de la langue française et de son rapport avec les « générations à venir » qui pourraient ne pas pouvoir « grandir en intimité avec notre patrimoine écrit« . L’Académie envisage un scénario catastrophiste en évoquant le « péril mortel » et l’anéantissement des « promesses de la francophonie » si jamais venait à s’imposer cette nouvelle norme orthographique. J’essaie d’imaginer un instant les apprenants de français en train de passer leur temps à pratiquer cette écriture comme s’il s’agissait d’un exercice tiré de l’unité où l’on parle des adjectifs…
De l’autre côté, on parle plutôt de redonner à la langue française la visibilité à ces féminins disparus et qui ont pourtant bel et bien existé jusqu’au XVIIè siècle. On parlait ainsi de peintresse pour une femme qui peignait mais qui s’en souvient ? Cette forme en -esse n’a rien d’inusuel, au contraire il était courant dans l’ancienne langue. Ecouter à ce sujet une intervention de Bernard Cerquiglini en 2001 dans Tire ta langue et dont le sujet était l’histoire des féminins dans la langue française et qu’a repris France culture à l’occasion de ce débat sur l’écriture inclusive. Un manuel de l’écriture inclusive existe (publié par l’agence Mots-clés) et il est téléchargeable à partir du site qui est justement consacré à cette écriture et qui propose d’agir sur le langage pour que les mentalités changent.
Il semblerait cependant que le débat ne porte pas sur l’ensemble de l’écriture inclusive mais plutôt sur ce point qui se place entre les lettres finales du mot pour y placer le e du féminin. Pour l’académicienne Dominique Bona, cette réforme est un « massacre de la langue française » qui ne va en rien contribuer à la parité homme/femme. Elle pense que cela ne sert qu’à compliquer la langue, à la rendre moins accessible aux étrangers qui apprennent le français.
Avant de se précipiter à prendre position, il me paraît intéressant d’écouter les arguments des uns et des autres. Un sujet qui va au-delà bien entendu de la simple question orthographique et qui se place au niveau de la réflexion sur la place de la femme dans une société où les inégalités homme/femme sont encore importantes même si elles ne sont peut-être plus aussi flagrantes.
Cette question est à mon avis une excellente occasion pour aborder en classe de FLE un sujet de société sous forme de débat ou d’exposé (pourquoi dans une petite capsule vidéo) dans des niveaux avancés. Pour cela, vous pouvez vous aider du dossier de France culture ou du débat Pour ou contre l’écriture inclusive ? sur TV5 Monde. Vous y trouverez aussi les résultats d’un sondage Harris interactive pour Mots-clés où il apparait que 75% des Français sont plutôt pour parmi ceux qui en ont entendu parler (40%).
Personnellement, je ne suis pas convaincu que ce soit un e pris en étau entre deux points qui contribue à rétablir la parité. Mais cela n’engage que moi…

Et vous, vous en pensez quoi ? Vous pouvez répondre à ce petit sondage sur la place de l’écriture inclusive en classe de FLE :

Pour aller plus loin :

Ecriture inclusive et le manuel téléchargeable ici

Déclaration de l’Académie française sur l’ECRITURE dite « INCLUSIVE » (26/10/2017)

Doctrice ou doctoresse ? Histoire de la langue française au féminin (22/01/2017)

Dominique Bona, de l’Académie française : « L’écriture inclusive porte atteinte à la langue elle-même »
(27/10/2017)

Ecriture inclusive : le féminin pour que les femmes cessent d’être invisibles (28/09/2017)

Expliquez-moi l’écriture non-sexiste (05/09/2016)

Pour ou contre l’écriture inclusive ? (17/10/2017)

Une nouvelle façon d’écrire pour en finir avec les inégalités femmes-hommes ? (20/01/2017)

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Etats des lieux et enjeux, un livre sans complaisance sur le français

Posted by Philippe Liria sur 25/09/2017

Matinée de formation FLE au Centre Danielle Mitterrand (Macapa, Brésil)

Derrière moi, Macapa et quelques bons souvenirs de cette ville du milieu du monde sur les rives de l’Amazone. Et des profs de français enthousiastes que j’ai récemment eu l’occasion de rencontrer lors d’une formation que CLE International avait organisé en collaboration avec l’APROFAP Brésil au Centro Estadual de Lingua e Cultura Francesa Danielle Mitterrand. Des professeurs que je salue car leurs conditions de travail ne sont certainement pas des meilleures. Le Danielle Mitterrand comme on connaît à Macapa le bâtiment qu’inaugura la femme de l’ancien président de la République aurait besoin d’une embellie qui certainement contribuerait à motiver les jeunes de cette région amazonienne à étudier le français. Des conditions pas toujours faciles quand il s’agit de prendre une embarcation pour aller de village en village enseigner le français dans l’Etat d’Amapa, frontalier avec la Guyane avec laquelle l’APROFAP est en train mettre en place un projet d’Escola de Fronteira. Ces professeurs, ils représentent justement cette infanterie qui constitue la véritable avant-garde de l’enseignement du français dans le monde, ces « ambassadeurs anonymes et fervents soutiens de la langue française, partout dans le monde » comme l’écrivent dans leur dédicace Roger Pilhion et Marie-Laure Poletti, les auteurs de … Et le monde parlera français (2017), un ouvrage indispensable pour toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à la situation du français dans le monde. Roger Pilhion et Marie-Laure Poletti connaissent bien les réalités des politiques linguistiques du MAE et les actions menées par les différents opérateurs comme le CIEP. Ces fins connaisseurs du « Réseau » comme nous le connaissons dans notre jargon dressent un portrait sans concession de la situation de la langue française. Critiques face à ce qui pourrait paraître un renoncement de la part des autorités françaises, ils revendiquent ouvertement la Francophonie pour redynamiser le dispositif de coopération linguistique et politique qui passe justement par l’aide au développement, en Afrique bien entendu mais aussi ailleurs dans le monde comme c’est le cas au Nord du Brésil par exemple, même si, à mon grand regret, les auteurs semblent avoir délaissé l’Amérique latine (cf. Chapitre 7 consacré aux priorités géographiques).

Présentation du livre par Roger Pilhion (Universités du Monde, Nice 2017)


Il s’agit sans aucun doute de l’ouvrage le plus complet sur le français et la Francophonie de ces dernières années. Divisé en huit chapitres qui abordent, non sans un regard critique, des questions statistiques (Chap. 1), la situation en demi-teinte de l’enseignement du français dans le monde (Chap.2), l’avenir de la langue (Chap.3) et sa promotion (Chap.4) ou encore les atouts de parler français dans la mondialisation (Chap.5). Les auteurs ne sont pas que critiques avec ce qui se fait ou se dit : ils relèvent les bonnes pratiques en matière de promotion du français (Chap. 6) mais sans se mordre la langue pour demander de revoir certaines politiques pour repenser la Francophonie et l’enseignement non seulement du français mais plus généralement des langues étrangères.
A ces chapitres, il faut ajouter plusieurs annexes qui reprennent et décrivent les organismes, les acteurs français ou des autres pays de la Francophonie, les associations… Voici donc un livre qui se veut « un tableau sans complaisance (…) de la situation du français dans le monde (…) » qui « s’accompagne d’une analyse rigoureuse des enjeux que constitue (…) la place du français dans le monde« , écrit Jean-Marie Levitte dans la préface. Roger Pilhion et Marie-Laure Poletti ne s’arrêtent pas là, ils proposent aussi des actions très concrètes et des stratégies pour fuir des menaces de replis et au contraire donner au français et à toutes les langues les espaces d’expression non pas contre l’anglais mais à ses côtés. Et bien entendu, au centre de cette analyse, les professeurs et la formation, deux éléments qui sont les piliers de tous les enjeux dont nous parle ce livre. Alors à quand une vraie (re)valorisation de leur statut ?

Pour en savoir plus :
Amapá e Guiana iniciam processo de implantação de escolas na fronteira (7/12/2016): http://www.seed.ap.gov.br/det2.php?id=11648
Poletti, A.-L. et Pilhion, R. : … et le monde parlera français, 2017 https://etlemondeparlerafrancais.iggybook.com/fr/et-le-monde-parlera-francais/
[Livre] «Et le monde parlera français», plaidoyer décomplexé pour la Francophonie : http://www.rfi.fr/hebdo/20170721-livre-francais-francophonie-pilhion-poletti-anglais-francophone
Dans l’émission La danse des mots du 7/09/2017 : http://www.rfi.fr/emission/20170907-le-monde-parlera-francais-marie-laure-poletti-roger-pilhion

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Le FLE se donne rendez-vous sur les planches

Posted by Philippe Liria sur 01/09/2017

Le rideau tombe. De juillet et d’août il ne reste que les décors de l’animation estivale des stages d’été qui se tiennent un peu partout en France. Les acteurs, profs-stagiaires et profs-formateurs sont repartis. Pour la plupart d’entre eux, c’est la rentrée scolaire avec toutes les « surprises » qu’elle réserve. Mais on est prêts à l’attaquer après le plein d’énergie que nous apporte le repos des vacances mais aussi ces formations données ou suivies ici ou là. L’été est en effet un excellent moment pour se ressourcer. On retrouve de vieilles amitiés et on en tisse de nouvelles. Et c’est certainement l’une des plus belles choses que nous offre ce monde du FLE, cette rencontre avec l’autre, venu(e) des quatre coins du monde pour se former ou partager son expérience de formateur/-trice avec le reste de la planète FLE. Elles et ils arrivent du cercle arctique, de Maurice, de Séoul, de Jordanie ou tout simplement de Pologne ou de Suisse. Peu importe ! Ils ont en commun la volonté de chercher à partager des instants de leur réalité en français, malgré toutes les difficultés que rencontre le prof de FLE dans son quotidien. Mais laissons l’envers du décor pour un autre moment. Je ne veux pas parler de choses qui fâchent aujourd’hui, préférant partager avec mes lecteurs deux projets FLE qui lient l’apprentissage de la langue au plaisir du théâtre. Ancien théâtreux moi-même, convaincu des bienfaits de cet art, comment en pouvait-il être autrement ? Nice, là où se tiennent les Universités du monde qu’organise Francophonia, a donc été le théâtre cet été d’une nouvelle rencontre et de vieilles retrouvailles.

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Jan Nowak et les stagiaires de la semaine 4 (Crédit photo: Lucas Bolea – Universités du Monde)

La nouvelle rencontre arrive de Pologne même si c’est d’abord une Biélorusse qui me l’a si bien présenté, merci Katia Shahoika ! Il s’agit du programme 10 SUR 10 que dirigent Iris Munos et Jan Nowak, fondateurs de Drameducation dont les missions phares de sont la promotion de l’apprentissage de la langue française par le théâtre et du théâtre contemporain francophone en Pologne et plus largement dans le monde. Cette année, Dramaeducation a tourné dans une quinzaine de villes en Europe.

10 SUR 10 ? De quoi s’agit-il ? Je me permets de reprendre la présentation de leur site : « Depuis 3 ans, 10 SUR 10 propose aux amoureux du théâtre contemporain francophone, aux jeunes et professeurs du monde entier de nouvelles et nombreuses pièces de théâtre de qualité. Ecrites chaque année en résidence d’écriture par des auteurs dramatiques francophones reconnus, les pièces 10 SUR 10 sont uniques, originales et actuelles. Elles se distinguent toutes par leur forme et leur originalité: elles sont courtes, rythmées et universelles. 10 SUR 10 est aussi un programme qui aide les professeurs de français dans le monde à réaliser des projets francophones autour du théâtre. Il lie avec cohérence plusieurs actions autour de l’apprentissage du français par le théâtre. Avec la diffusion des pièces dans le monde, des formations de théâtre et de FLE, des festivals, des accompagnements professionnels et personnalisés, vous aurez en main des outils et techniques de qualité d’enseignement-apprentissage du français par le théâtre. 10 SUR 10 – pièces francophones à jouer et à lire promeut à travers son programme les valeurs de la francophonie telles que le respect de la diversité culturelle, l’ouverture au monde et la paix. » Un beau programme qui ne se limite pas à la Pologne, où est né 10 SUR 10, ni même à l’Europe mais prétend atteindre l’ensemble de la planète ! La nouvelle rubrique du Français dans le monde, Étonnants francophones (en partenariat avec Destination Francophonie de TV5Monde) reprend justement dans son numéro 413 (septembre-octobre 2017) le témoignage de Jan Nowak sur cette belle initiative qui combine enseignement et théâtre.

Quant aux vieilles retrouvailles, ce sont celles avec mon ami Adrien Payet qui avait trouvé le temps de passer deux semaines à Nice alors qu’il est en pleine répétition : son école de français, Habla francés, à Ronda (Andalousie) était alors dans les derniers essais avant le levé de rideaux, prévu fin septembre.

Depuis longtemps, Adrien Payet est devenu pour beaucoup d’enseignants une véritable référence de l’art théâtral au service de l’apprentissage du français. Ses conseils et ses fiches pédagogiques que l’on retrouve dans son ouvrage consacré au sujet justement, Activités théâtrales en classe de langues sont toujours très appréciés.

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Photo extraite du spectacle Il était une fois le français (source: https://www.fle-adrienpayet.com/spectacles/)

Ses ateliers d’animation théâtrale font le plein et je connais même des stagiaires qui ne se déplacent que pour participer à l’une de ces classes ! Sa troupe Sur le bout de la langue propose des spectacles multidisciplinaires spécialisés en FLE.

On le sait, le théâtre est une excellente façon de perdre la peur à s’exprimer dans une langue étrangère, quel que soit le niveau et le public. Il permet de développer l’oralité ou le travail du corps pour s’exprimer avec plus d’aisance. Préparer une pièce de théâtre ou même que des extraits en classe de FLE est une bonne façon de favoriser l’interaction et la collaboration des apprenants tout en les incitant à avoir un esprit critique sur les prestations pendant les répétitions… Et tant d’autres choses encore que nous apporte le théâtre en classe. Il peut devenir un véritable projet pour la classe sur un trimestre ou sur toute l’année où toutes les compétences vont pouvoir s’y retrouver. Alors ? Rendez-vous sur les planches ?

(Mis à jour : 06/09/2017)

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Un ouvrage de référence pour le professeur de FLE

Posted by Philippe Liria sur 30/07/2017

Pendant la période estivale, les stages de formation pour professeurs de FLE sont nombreux aux quatre coins de l’Hexagone. A cette occasion, la plupart des organismes proposant ces formules aux enseignants de français venus du monde entier accueillent les éditeurs FLE. Un moment attendu par les enseignants car c’est souvent le moment de l’année pour découvrir les derniers manuels à être sortis mais aussi pour voir les nouveautés en didactique. Cette année, parmi ces nouveautés, on y trouve le Manuel de formation pratique pour le professeur de FLE. Cet ouvrage de Paola Bertocchini et d’Edvige Costanzo vient de sortir dans sa deuxième édition et c’est un petit bijou. Référence pour beaucoup, systématiquement compris dans les bibliographies de masters FLE, ce manuel initialement paru en 2008 a fait peau neuve presque 10 ans après et on ne peut qu’en remercier ses auteures qui ont eu le souci d’intégrer les importants changements qu’a enregistrés la didactique des langues ces dernières années. Des changements dont il faut “rendre compte pour réfléchir aux modifications qu’ils apportent aux pratiques de classe”, écrivent-elles. L’ouvrage introduira ainsi les:

problématiques liées :
– aux nouveaux instruments numériques qui conditionnent de plus en plus le processus
d’enseignement/apprentissage, dont celui des langues ;
– aux nouvelles pratiques de classe qui font la une aujourd’hui en didactique des langues comme la
classe inversée ;
– à la reconsidération de certains domaines de la didactique des langues négligés dans les pratiques
de classe des derniers temps, par exemple la phonétique.

Il ne s’agit pas d’un ouvrage théorique à lire de façon linéaire, mais bien d’un manuel qui invite à la réflexion à partir de documents variés et d’activités que pourront utiliser les enseignants en formation ou les formateurs de formateurs dans leurs cours. On va donc plutôt naviguer de module en module – au nombre de 10 – sans qu’il y ait à suivre une progression quelconque mais plutôt au gré des besoins de chacun, sans avoir peur des va-et-vient entre les modules ou à l’intérieur de ceux-ci. Mais attention ! Suivre son libre cours ne signifie pas aller n’importe où et sans cap mais au contraire en incitant les enseignants à réfléchir sur leurs pratiques ou à s’interroger sur la façon dont ils pourraient introduire telle ou telle démarche en classe voire sa pertinence par rapport à un contexte d’enseignement donné.

Comme le font remarquer à juste titre ses auteures, ce livre n’a pas la prétention d’apporter des recettes toutes faites et moins encore de chercher à soumettre le lecteur à un certain dogme : “l’absolu n’est pas du domaine de la didactique” mais bien de permettre “à chacun, nous dit Jacques Pécheur dans la préface, de répondre dans son enseignement aux défis d’une demande d’apprentissage de plus en plus difficile à appréhender.

A la fin de l’ouvrage, juste avant les corrigés, le lecteur trouvera une riche bliblio-/-sitographie de lectures conseillées ou essentielles qu’apprécieront aussi bien les professeurs dans le cadre de la formation continue que toutes celles et tous ceux qui se lancent dans la belle aventure (eh oui, malgré tout) du FLE.

Pour aller plus loin:
Bertocchini, P. et Constanzo, E : Manuel de formation pratique pour le professeur de FLE. CLE International, Paris 2017 (2è édition)
Préface, introduction, sommaire et module 1 sont feuilletables sur http://issuu.com/marketingcle/docs/manuel_de_formation_pratique_prof_d?e=1396808/51025831

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Un outil pour le sous-titrage

Posted by Philippe Liria sur 22/07/2017

Les capsules vidéos occupent de plus en plus de place dans notre quotidien. Elles sont aussi de plus en plus présentes pour accompagner nos cours et les enrichir. Les sous-titrer (dans la langue de départ ou dans la langue cible) peut aider les apprenants à mieux suivre un tutoriel. On peut aussi envisager le sous-titrage comme une excellente activité pour travailler la réception orale d’un document en demandant à nos apprenants d’en créer les sous-titres. Pour cela, il existe un outil très intéressant que nous présente Fatiha Chahi : il s’agit Amara, un site collaboratif pour sous-titrer les vidéos. Retrouvez-en la présentation complète sur son blog Un, des clics.

QU’EST-CE QUE C’EST ? Amara est un outil collaboratif permettant de sous-titrer des vidéos en ligne. Comment ça marche ?

a través de Amara, sous-titrer des vidéos en ligne — Un, des clics

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La classe inversée en FLE… ça bouge (enfin) !

Posted by Philippe Liria sur 26/06/2017

On aurait dit il n’y a pas encore si longtemps que la classe inversée n’avait pas sa place en FLE. Comme si cette démarche pédagogique était incompatible avec l’apprentissage du français. Pourtant un certain consensus semblait exister autour de la nécessité de revoir l’organisation de la classe de français pour faire plus de place à la pratique réelle et effective de la langue. Après tout, n’est-ce pas l’un des objectifs de l’approche actionnelle ? Ne trouve-t-on pas dans les programmes de plus en plus de référence au CECRL, à l’actionnel et au projet ? Il suffit de faire un tour sur la plupart des sites des centres de langue pour en faire le constat. L’application de ces programmes dans les faits s’avère peut-être moins vraie pour plusieurs raisons : le manque de temps, le fossé entre les (bonnes) intentions pédagogiques de l’institution et les moyens (ridicules) qu’elle donne à ses équipes, la contradiction flagrante entre le projet pédago et les attentes des apprenants, à frustrer plus d’un didacticien du FLE !

Innover en pédagogie implique une prise de risque
Bref, malgré de nombreuses contradictions, que ce soit de la part des institutions, des enseignants ou des apprenants, force est de constater que des changements dans la classe de FLE sont en cours parce qu’apprendre une langue aujourd’hui ne peut plus signifier la même chose qu’il y a à peine quelques années. Et l’apprentissage du français n’en réchappe pas. Nous devons nous tourner vers l’innovation pédagogique, ce qui signifie aussi accepter que celle-ci nous fera emprunter des chemins erronés. Après tout, innover en pédagogie comme dans n’importe quel autre domaine implique aussi une prise de risque. La classe inversée en FLE comprend des risques (certains demandent justement à ce qu’on l’aborde avec prudence), même celui peut-être d’être victime d’un effet de mode alors qu’elle devrait plutôt assurer une continuité dans l’apprentissage entre ce qui se passe en classe et ce qui se passe en dehors, comme le signalait Patrick Rayou lors du CLIC 2016.
Dans le cas du FLE, inverser la classe devrait permettre aussi d’envisager l’apprentissage différemment et en particulier en faisant plus de place à une pratique actionnelle dans le temps et l’espace de la classe. J’ai souvent eu l’occasion d’en parler.

Un intérêt croissant
On peut d’ailleurs constater que cette volonté de changer les pratiques de classe en introduisant cette modalité suscite un vif intérêt des enseignants, friands de formation sur la classe inversée. Les demandes sont croissantes déjà. Personnellement j’anime régulièrement des dizaines de formation sur le sujet en Amérique latine (Mexique, Colombie, Brésil…) et je sais que c’est la même chose pour mes confrères un peu partout aux quatre coin de la planète. Il suffit d’ailleurs de prendre les catalogues des stages d’été pour enseignants pour s’apercevoir qu’on y trouve maintenant des modules sur le sujet (cf. infra).

La classe inversé vue d’Estonie
C’est justement en cherchant ce lien entre la classe inversée et le FLE que je suis (enfin) tombé sur un travail qui fait le lien entre les deux avec des exemples bien pratiques. Il s’agit du mémoire de master d’une étudiante estonienne, Merit Kuldkepp. Elle nous propose d’analyser L’APPLICATION DE LA MÉTHODE DE LA CLASSE INVERSÉE DANS L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE (17/05/2017, disponible et téléchargeable en PDF). Dans ce mémoire présenté en mai dernier au Département des langues romanes du Collège des langues et des cultures étrangères (Université de Tardu, dans le sud du pays), on peut y lire les avantages que présente la classe inversée en cours. Ce mémoire nous en cite quelques-un auxquels je souscris pleinement :
– Personnalisation de l’apprentissage (une certaine façon de pouvoir enfin mettre en place cet apprentissage différencié) ;
– Changement dans les rapports apprenant(s) / Enseignant mais aussi entre apprenants et, j’ajouterais, entre enseignants (ce qui ne serait pas du luxe). Un changement de paradigme qui nous renvoie à ce que nous explique Ken Robinson. Un changement dans les rapports qui rapprochent les différents acteurs de l’enseignement/apprentissage ;
– Usage plus réfléchi des technologies numériques (lutte contre l’illétrisme numérique) ;
– Développement des compétences sociales, en classe et en ligne, qui s’inscrit pleinement dans l’esprit du travail collaboratif.

Certes, tout n’est pas parfait nous dit Merit Kuldkepp et la classe inversée présente aussi ses inconvénients, certains qui rappellent les pièges que j’avais évoqués en mars dernier. Parmi ceux-ci, il y a :
– les devoirs que les apprenants ne font pas : ne pas faire le travail donné hors classe n’est pas un problème récent mais il prend encore plus d’importance dans le cadre de la classe inversée (mais est-ce que cet éternel problème doit empêcher d’essayer de nouvelles pratiques d’apprentissage ?) ;
– une planification peu appropriée aux besoins des apprenants ou des contenus inadéquats. Comme l’écrit Merit Kuldkepp en citant Ash, « il ne sert à rien de remplacer un cours magistral de salle de cours par un cours magistral à visionner à la maison » ;
– la surcharge de travail. Je préciserai que c’est souvent le premier point qui est mis en avant par de nombreux enseignants qui s’intéressent à la classe inversée mais n’osent pas encore faire le pas en avant. Certes au début, il y aura besoin d’y consacrer plus de temps comme pour toute nouvelle pratique mais il faut aussi penser à partager les outils, à mutualiser les activités que chacun crée plutôt que de les garder pour soi ; s’appuyer aussi sur du matériel didactique que peuvent créer les propres apprenants de niveau avancé et qui pourra être mis à la disposition des apprenants de niveaux élémentaires. Les plateformes internes ou Padlet permettent notamment de partager les productions ;
– l’accès et la formation au numérique. Merit Kuldkepp a raison d’en parler parce qu’il y a encore beaucoup d’établissements qui ne permettent pas l’utilisation du numérique, soit pour des questions purement technologiques soit parce que l’établissement en limite l’usage. Un problème qui pourrait créer des inégalités entre les apprenants (cf. un article à ce sujet sur le blog de Christian Puren).

Le travail de Merit Kuldkepp ne s’arrête pas à une reprise des avantages et inconvénients de la classe inversée. Il détaille la démarche pédagogique suivie et la création de la séquence pédagogique avec la fiche qui reprend les aspects techniques, le déroulement et l’analyse des activités. Trois fiches sont proposées. Pour que tout cela soit possible, le mémoire passe aussi en revue plusieurs outils qui ont été testés pour préparer le contenu des cours ou pour vérifier le travail des apprenants hors classe.

La réticence des enseignants à se lancer dans la classe inversée, ce sont souvent leurs craintes par rapport à la réaction des apprenants. Ce mémoire aborde aussi ce point et on peut lire que les étudiants sont globalement satisfaits même s’ils admettent qu’elle demande plus de discipline.

Voilà un mémoire qui au-delà des rappels théoriques sur la classe inversée, témoigne des possibilités de la classe inversée, même à un niveau débutant et même si les apprenants partent d’une langue éloignée. Deux points qui peuvent contribuer à dissiper des doutes sur les possibilités de la mise en place de cette pratique avec des débutants complets ou avec des apprenants qui ne seraient pas de langue romane.
Ce mémoire présente aussi l’intérêt de présenter une bibliographie actualisée comme par exemple le lien vers l’intéressant article de Le Anne Spino et de D. Trego, « Strategies for Flipping Communicative Language Class » dans la revue en ligne CLEAR News 19, p. 1-8 (Printemps 2015, consulté le 18/06/2017) et bien d’autres encore.

Bonne lecture !

Pour en savoir plus :
Retrouver le mémoire sur lequel s’appuie cet article :
L’APPLICATION DE LA MÉTHODE DE LA CLASSE INVERSÉE DANS L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE par Merit Kuldkepp (17/05/2017)

Quelques stages d’été proposant des modules sur la classe inversée :
Université d’été BELC 2017 – CIEP
Module A306 – Inverser la classe FLE avec le numérique par Flora Aubin
Université d’été Séville 2017 – Institut français d’Espagne
Module 1.3 Innover et Motiver : La pédagogie inversée par Marc Oddou
Universités du Monde 2017
Et si nous mettions la classe à l’envers ? par Philippe Liria
La classe inversée, une réorganisation gagnante de l’apprentissage actif ? par Cynthia Eid

A paraitre fin 2017, un ouvrage consacré justement à la classe inversée dans le monde du FLE :
Eid, C., Liria, P., Moddou, M. : La classe inversée, Coll. Techniques et Pratiques de classe. CLE International, Paris 2017.

Quelques outils pour votre classe inversée (d’après les suggestions de Merit Kuldkepp)*
Powtoon
Wizer
Quizlet
Socrative
Mentimeter
LearningApps
Canva

*Il y a bien entendu d’autres outils qui peuvent aider à la création de matériel mais je n’ai voulu reprendre ici que ceux cités dans le mémoire.

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Bogota 2018, vers le renouveau du français

Posted by Philippe Liria sur 20/06/2017

(source : Wikipedia)

Enseignement du français en Amérique Latine : du repli au renouveau”, c’est sous ce titre que Javier Reyes, le président récemment reconduit d’ACOLPROF, a annoncé depuis Cali à l’occasion du congrès de l’association colombienne des professeurs de français le lancement de la XVIIè édition des SEDIFRALE. Si la situation du français du côté de l’Amérique Latine vous intéresse, bloquez d’ores et déjà les dates du grand Rendez-vous (avec un R majuscule) des professionnels de notre langue en 2018. Et pas n’importe où… à Bogota ! Organisées par ACOLPROF et la COPALC sous l’égide de la FIPF, cet événement se tiendra donc dans la capitale colombienne, ce qui n’est pas le fait du hasard mais bien parce que le français jouit en Colombie d’une bonne santé (ou devrais-je dire d’un regain de santé ?). En bon râleur, je devrais aussi ajouter qu’il pourrait aller mieux ! Mais il traverse une situation encourageante dans un panorama régional plutôt désolant où on y respire plus le repli que le renouveau.

Bogota avait été désignée en 2014 lors de la dernière édition des SEDIFRALE, c’était à Heredia au Costa Rica. Maintenant c’est parti pour de bon : le site est officiellement ouvert pour y découvrir le nom de quelques intervenants de prestige (Louis-Jean Calvet, Jean-Marie Klinkenberg…) et avec déjà une partie des informations pratiques pour commencer à envoyer les propositions de communication ou tout simplement à mettre quelques économies de côté pour participer à cette grande rencontre des professeurs de français depuis Rio Bravo jusqu’à Ushuaia et de Recife à Lima. Il serait bien dommage de passer à côté !

Javier Reyes, président d’ACOLPROF lors du congrès de Cali – Juin 2017 (Photo: P. LIRIA)

Accueillie par l’Universidad javeriana (qui vient d’accueillir les Assises du français), cette XIIè édition ne sera pas de tout repos au regard des ambitieux mais nécessaires objectifs qu’elle s’est fixés si on en croit la présentation qui en est faite sur le site officiel : “réunir les principaux acteurs de l’enseignement/apprentissage du français afin de proposer une réflexion sur des sujets concernant l’enseignement de la langue française, de fixer une feuille de route et de continuer à développer des stratégies pour enseigner la langue dans l’avenir.” Il y a du pain sur la planche ! A commencer par la Colombie : parce que même si le français est présent dans les universités (croisons les doigts pour que les réformes ne changent cette tendance), sa présence dans les collèges privés ne tient que de la bonne volonté des directions de ces établissements ; quant à la présence de notre langue dans le public, elle est tellement anecdotique qu’il est plus facile de trouver une aiguille dans une botte de foin qu’un petit Colombien (du public) étudiant le français. A noter cependant les efforts faits (je devrais dire le combat de Marcela Echevarri, la directrice de l’AF de Manizales) du côté de l’Eje cafetero (la région cafetière : Manizales, Pereira, Armenia) pour qu’il en soit autrement. Mais si on regarde ce qui se passe dans les pays voisins, ça ne va guère mieux – et je suis gentil – : en Equateur, on promet une éternelle réintroduction du français dans les programmes mais on a surtout l’impression qu’on tourne en rond au rythme des responsables du ministère de l’Education qui valsent en permanence ; au Pérou, retirez l’Alliance française avec son réseau d’Excellence et c’est le français qui disparaît ! Les amitiés politiques franco-péruviennes si souvent mises en avant dans les e-albums photos institutionnels n’ont pas l’air d’avoir de répercutions face au tout-anglais du système péruvien. Certes, j’exagère un peu quoique… pas tant que ça ! Et puis, il y a des pays comme le Costa Rica (avec la dynamique équipe d’ACOPROF) ou la République dominicaine qui sont là pour rappeler que le français peut avoir sa place dans les programmes scolaires (+ de 1000 enseignants de français dans le pays centroaméricain, ce qui permet aux petits Costariciens des zones les plus reculées d’apprendre notre langue). Bref, pas question de faire la liste ici, laissons les participants dresser l’état des lieux de l’enseignement de notre langue en Amérique latine. C’est bien sûr une affaire de politiques linguistiques où ne manquent pas les conflits d’intérêt.
Un autre point qui sera présent dans ces SEDIFRALE, c’est l’amélioration des processus d’enseignement/apprentissage de la langue. L’amour de la langue ne suffit pas, même s’il est fondamental, pour garantir un apprentissage efficace selon les critères établis par le CECR certes, mais adaptés aux besoins régionaux. Et en prenant compte des réalités diverses. A ce sujet, des ateliers autour de l’enseignement dans les grands groupes seraient certainement les bienvenus. Ou encore les questions de la place du numérique justement dans des pays où il est souvent plus facile de jouer sur un clavier de smartphone que de tourner les pages d’un manuel. L’admirable travail mené depuis les universités colombiennes pour former les futurs enseignants va clairement dans ce sens et peut être un exemple à suivre pour de nombreux pays de la région.
Cette question ne saurait être détachée d’une autre intrinsèquement liée, c’est celle du statut des enseignants et de leurs conditions de travail. Eternel sujet que j’avais eu l’occasion d’aborder il y a déjà plus de 5 ans (cf. article sur le statut du professeur FLE) et qui hélas n’a guère évolué. Il est absolument nécessaire de chercher à donner un vrai statut à des professionnels hyperdiplomés mais trop souvent victimes de contrats précaires et par conséquent payés au lance-pierres. Une situation souvent dénoncée d’ailleurs par ACOLPROF qui ne manque pas de le rappeler aux institutions qui derrière le prestige de leur jolie façade oublient que pour leur bon fonctionnement, elles ont besoin de ces professionnels qu’elles négligent trop souvent.

Faites confiance aux organisateurs, il y a aura forcément de superbes à-côtés faits de spectacles et de fêtes, nécessaires après des journées de travail qui s’annoncent donc chargées et espérons-le, productives.

Le français en Amérique latine peut avoir un bel avenir. Si nous voulons que cette sensation de renouveau qu’on respire en Colombie ne soit pas un épiphénomène – c’est tellement plus facile d’opter pour le repli -, il va falloir travailler avec énergie. Les associations de professeurs ont un rôle à jouer dans ce renouveau sans attendre que la France ne bouge mais par contre, grâce à leurs actions, la forcer à se bouger.

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Le weekend prochain, le FLE se donne RDV à Barcelone

Posted by Philippe Liria sur 21/05/2017

Après les Canaries et l’Andalousie, c’est au tour de la Catalogne de recevoir une Journée CLE Formation (JCF). Coorganisée par l’Association des Professeurs de Français de Catalogne, cette journée proposée par les éditions CLE International et qui se tient à l’Institut français de Barcelone le samedi 27 mai, porte sur les nouveaux défis du français en Catalogne. Un thème qui veut mettre en avant les défis à relever pour le français dans ce coin d’Europe où à peine 6% des élèves apprennent la langue du voisin outre-Pyrénées et premier partenaire économique étranger ! 6% !! Dérisoire !! Et triste reflet d’une politique erratique qui pendant trop longtemps a confondu importance de l’anglais avec un certain mépris du français -une confusion encore bien ancrée dans les esprits, même chez les plus éclairés comme le montre un article de Carles Casajuana dans La Vanguardia du 20 mai dernier). Mais un thème qui n’est pas anodin non plus puisqu’il semblerait en effet que les vents tournent du côté de la Generalitat (Siège du gouvernement autonome catalan) depuis quelques années et que le français retrouve, lentement mais espérons-le sûrement, la place qu’il n’aurait jamais dû perdre en Catalogne. Les autorités françaises et le gouvernement catalan ne sont plus dos à dos et c’est une bonne nouvelle. C’est ce qui a permis en janvier 2014 la signature d’un accord entre l’Institut français et le Departament d’Ensenyament (ministère de l’Education catalan) pour la mise en place du DELF scolaire dont nous parlera Adrien Payet dans son atelier Astuces et stratégies pour préparer les apprenants au DELF. Ce rapprochement permet d’assister aussi un développement du Batxibac. En effet, même si son existence n’est pas nouvelle (accord franco-espagnol de 2008), c’est seulement depuis quelques années qu’il connait un certain essor en Catalogne avec dorénavant 54 établissements qui y préparent (un chiffre fort respectable quand on sait qu’en Espagne il y a en 93 au total selon le site du ministère espagnol), répartis sur l’ensemble du territoire. Certes, trop peu de lycéens encore suivent ce double cursus en Catalogne (750 en 2016, selon l’APFC) mais l’intérêt croissant des établissements laissent présager que les responsables sauront organiser des campagnes pour motiver les jeunes Catalans à s’y inscrire.

(source : http://w3.recursostic.edu.es/bachillerato/bachibac/web/es/ Dernière consultation :21/05/17)

On sait aussi que beaucoup de questions demeurent chez les enseignants et c’est en partie à celles-ci que répondra Guilhem Naro, co-président de l’APFC, lors de la conférence plénière de cette JCF de Barcelone puis dans son atelier qui portera sur la prise de notes, la synthèse et le commentaire de texte.
Qu’il s’agisse du DELF scolaire ou du Batxibac ou tout simplement d’un apprentissage du français dans un cadre plus général comme c’est le cas dans les Ecoles Officielles de Langues, les Centres de langues des universités, des Alliances françaises, de l’Institut français ou des nombreuses autres écoles de langues, il y a le souci de l’aborder depuis une approche actuelle qui respecte les recommandations du CECRL en intégrant notamment la tâche finale ou le projet dans une démarche actionnelle ; ainsi que les outils numériques comme la plateforme d’apprentissage. C’est ce dont il sera question dans l’atelier que j’animerai, toujours dans le cadre de cette JCF.

Et pour celles et ceux qui voudraient prolonger ce samedi FLE ou qui n’auraient pas la possibilité de venir à cette demi-journée de formation, il y a un autre RDV FLE ce week end à Barcelone, c’est l’atelier théâtre que propose Adrien Payet. Un atelier de 2h30 que propose l’auteur des Activités théâtrales en classe de langue (CLE International, ISBN 9782090375695) et dont le programme complet est disponible sur son site ou en lui écrivant.

Le temps d’un weekend, Barcelone prend donc les couleurs du FLE du côté de l’Eixample en espérant que l’avenir confirmera ces impressions de renouveau du français dans la capitale catalane et l’ensemble de la Catalogne. Un renouveau encore trop timide si on considère que moins de 20% de la population (selon étude publiée dans La Vanguardia du 20/04/2015) affirme être capable de parler français. Et encore, au fur et à mesure que passent les années, je doute que ce chiffre soit exact !

Pour en savoir plus
Programme et inscription au JCF de Barcelone du 27 mai 2017
Programme de l’atelier théâtre d’Adrien Payet à Barcelone le 28 mai 2017

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Temps de réflexion : laissons les eaux s’enlacer

Posted by Philippe Liria sur 21/04/2017

Rincón (Mayaguez, Porto Rico), là où les eaux s’enlacent. (Photo: Ph. Liria)

Ma dernière mission m’a mené du côté de Rincón, un superbe coin de l’extrême Ouest de Porto Rico. Les plages y sont merveilleuses et, pas très loin, on y déguste d’excellentes empanadillas aux fruits de mer que je recommande vivement ! Rincón, c’est aussi un merveilleux endroit pour la réflexion, à condition de s’avancer un petit peu sur la corniche, histoire de s’écarter des circuits touristiques. Pourquoi une invitation à la réflexion ? Parce qu’on se retrouve juste à la confluence de l’océan Atlantique et de la mer des Caraïbes. Certains pourraient y voir la limite, le point où commence l’un et s’achève l’autre et ne retenir que l’image de l’océan sauvage et démonté qui essaierait de se frayer un chemin dans cette mer calme, plate, presque trop d’ailleurs… Mais à côté de cette interprétation possible, j’en préfère une autre, celle plutôt qui veut y voir un lieu de rencontres avec ces moments certainement houleux mais où finalement les tourbillons finissent par enlacer les deux eaux au point de ne plus vraiment savoir distinguer le début et la fin de chacune d’elles. Le regard du promeneur, perché sur un rocher de la corniche peut scruter l’horizon à la recherche d’une quelconque ligne de division entre Atlantique et Caraïbes ; mais il a beau chercher, il ne la trouve pas. Certainement parce qu’en fait, elle n’existe que dans l’esprit humain qui veut absolument tout délimiter. La nature dans son expression la plus pure n’a cependant que faire de savoir qui est qui… Les poissons doivent certainement lutter contre quelques courants mais ils finissent bien entendu par passer ; il n’y a que les hommes à vouloir mettre des filets pour empêcher de nager librement d’un côté ou de l’autre.
Quand on appartient à ce monde du FLE, qu’on colporte la langue française dans tous ces états aux quatre coins du monde, on ne peut s’empêcher dans ces moments de pause au milieu de la course folle du quotidien de se dire que ce n’est pas possible qu’en France s’installe un pouvoir excluant aux odeurs fétides de ces égouts qui déversent leurs saletés dans ces eaux cristallines. Si on défend la présence de la langue française dans le monde, c’est justement parce que nous voulons qu’elle permette que, comme ces eaux qui se rencontrent et se confondent à Rincón, les femmes et les hommes puissent dépasser les limites des frontières qui se dressent sur leur route pour voyager, pour partir à la rencontre de l’autre, pour s’aimer, pour rêver à des avenirs meilleurs sans craindre qu’on leur ferme la porte au nez. S’il y en a qui croient que c’est en éliminant Schengen que la France sera plus sure et plus prospère, c’est qu’ils ont une sacrée poutre dans l’œil qui les a rendus aussi borgnes que le père de celle qui prétend aujourd’hui diriger la France. Le pire, c’est qu’une grande partie des propositions de l’extrême-droite française s’est installée dans le discours d’une partie de l’éventail politique français, telle une lame de fond qu’on ne voit pas venir.
Quand on colporte la langue française aux quatre coins du monde, on ne peut rester indifférent à ces sinistres discours de candidats aux sourires plastiques mais inquiétants. Il ne s’agit pas de nier les problèmes, ni de fermer les yeux face à la précarité, d’ailleurs fort présente dans notre milieu et à laquelle aucun ministère n’a vraiment cherché à mettre un terme. Mais je ne peux croire, moi qui suis issu de l’immigration comme une très grande majorité de Français ; qui ai grandi avec Touche pas à mon pote et les combats d’Amnesty international ou pour la démocratie au Chili et tant d’autres combats, je ne peux croire que cette menace de lepénisation des idées dont on nous parlait déjà il y a plus de 20 ans et qui nous faisait innocemment hausser les épaules (trop, naïfs que nous étions) soit devenue aujourd’hui une triste réalité.
Sincèrement je ne sais pas vraiment qui j’ai envie de voir au deuxième tour et encore moins qui à l’Elysée mais je sais qui je ne veux surtout pas y voir. Ce n’est pas une question de vote utile, mais de vote intelligent. Dans ma Bretagne natale, les légendes rapportent qu’il y avait toujours un plat pour l’étranger de passage. J’ai entendu des récits similaires un peu partout où j’ai posé mon sac parce qu’on ne m’a jamais fermé la porte au nez, au contraire ! Je ne veux pas dans mes voyages qu’on me parle à partir de demain d’une France qui fermerait (encore plus) la porte aux autres. Laissons les eaux s’enlacer…

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Un café avec Fatiha….

Posted by Philippe Liria sur 21/04/2017

Depuis quelques mois, Fatiha Chahi propose sur son blog  de partager avec elle un café avec « des acteurs du monde de l’éducation et de la formation, des pédagogues, tous passionnés de leur métier. »  Ce mois-ci, c’est avec Mariame Camara qu’elle a pris son café, une professeure de FLE devenue directrice pédagogique chez Thot, cette école diplômante à destination des réfugiés et demandeurs d’asile. A lire absolument à l’heure où certains veulent dresser des murs pour se dire qu’heureusement,  d’autres comme Mariame se battent dans leur quotidien pour aider à une meilleure intégration et favoriser le « vivre ensemble » dont ont tant besoin les réfugiés et les demandeurs d’asile. Un « vivre ensemble« , ça ferait un beau slogan pour contrer ces vagues enragées  et haineuses aux couleurs bleu marine (et dont les lames de fond ont déteint sur presque tous les autres discours politiques) qui déferlent sur la France avec la prétension de détruire les valeurs sur lesquelles nous nous sommes construits, celles de l’ouverture sur l’autre pour faire un bout de chemin ensemble.  A lire : Un café avec Mariame — Un, des clics

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Plurilinguisme et compétence plurilingue

Posted by Philippe Liria sur 25/07/2020

Webinaire présenté en ligne pour des étudiants et enseignants universitaires du Mozambique le 15 juillet 2020, à l’invitation de l’ambassade de …

Plurilinguisme et compétence plurilingue

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