Le blog de Philippe Liria

Auteur, formateur, consultant et éditeur de français langue étrangère (FLE)

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La classe inversée en FLE… ça bouge (enfin) !

Posted by Philippe Liria sur 26/06/2017

On aurait dit il n’y a pas encore si longtemps que la classe inversée n’avait pas sa place en FLE. Comme si cette démarche pédagogique était incompatible avec l’apprentissage du français. Pourtant un certain consensus semblait exister autour de la nécessité de revoir l’organisation de la classe de français pour faire plus de place à la pratique réelle et effective de la langue. Après tout, n’est-ce pas l’un des objectifs de l’approche actionnelle ? Ne trouve-t-on pas dans les programmes de plus en plus de référence au CECRL, à l’actionnel et au projet ? Il suffit de faire un tour sur la plupart des sites des centres de langue pour en faire le constat. L’application de ces programmes dans les faits s’avère peut-être moins vraie pour plusieurs raisons : le manque de temps, le fossé entre les (bonnes) intentions pédagogiques de l’institution et les moyens (ridicules) qu’elle donne à ses équipes, la contradiction flagrante entre le projet pédago et les attentes des apprenants, à frustrer plus d’un didacticien du FLE !

Innover en pédagogie implique une prise de risque
Bref, malgré de nombreuses contradictions, que ce soit de la part des institutions, des enseignants ou des apprenants, force est de constater que des changements dans la classe de FLE sont en cours parce qu’apprendre une langue aujourd’hui ne peut plus signifier la même chose qu’il y a à peine quelques années. Et l’apprentissage du français n’en réchappe pas. Nous devons nous tourner vers l’innovation pédagogique, ce qui signifie aussi accepter que celle-ci nous fera emprunter des chemins erronés. Après tout, innover en pédagogie comme dans n’importe quel autre domaine implique aussi une prise de risque. La classe inversée en FLE comprend des risques (certains demandent justement à ce qu’on l’aborde avec prudence), même celui peut-être d’être victime d’un effet de mode alors qu’elle devrait plutôt assurer une continuité dans l’apprentissage entre ce qui se passe en classe et ce qui se passe en dehors, comme le signalait Patrick Rayou lors du CLIC 2016.
Dans le cas du FLE, inverser la classe devrait permettre aussi d’envisager l’apprentissage différemment et en particulier en faisant plus de place à une pratique actionnelle dans le temps et l’espace de la classe. J’ai souvent eu l’occasion d’en parler.

Un intérêt croissant
On peut d’ailleurs constater que cette volonté de changer les pratiques de classe en introduisant cette modalité suscite un vif intérêt des enseignants, friands de formation sur la classe inversée. Les demandes sont croissantes déjà. Personnellement j’anime régulièrement des dizaines de formation sur le sujet en Amérique latine (Mexique, Colombie, Brésil…) et je sais que c’est la même chose pour mes confrères un peu partout aux quatre coin de la planète. Il suffit d’ailleurs de prendre les catalogues des stages d’été pour enseignants pour s’apercevoir qu’on y trouve maintenant des modules sur le sujet (cf. infra).

La classe inversé vue d’Estonie
C’est justement en cherchant ce lien entre la classe inversée et le FLE que je suis (enfin) tombé sur un travail qui fait le lien entre les deux avec des exemples bien pratiques. Il s’agit du mémoire de master d’une étudiante estonienne, Merit Kuldkepp. Elle nous propose d’analyser L’APPLICATION DE LA MÉTHODE DE LA CLASSE INVERSÉE DANS L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE (17/05/2017, disponible et téléchargeable en PDF). Dans ce mémoire présenté en mai dernier au Département des langues romanes du Collège des langues et des cultures étrangères (Université de Tardu, dans le sud du pays), on peut y lire les avantages que présente la classe inversée en cours. Ce mémoire nous en cite quelques-un auxquels je souscris pleinement :
– Personnalisation de l’apprentissage (une certaine façon de pouvoir enfin mettre en place cet apprentissage différencié) ;
– Changement dans les rapports apprenant(s) / Enseignant mais aussi entre apprenants et, j’ajouterais, entre enseignants (ce qui ne serait pas du luxe). Un changement de paradigme qui nous renvoie à ce que nous explique Ken Robinson. Un changement dans les rapports qui rapprochent les différents acteurs de l’enseignement/apprentissage ;
– Usage plus réfléchi des technologies numériques (lutte contre l’illétrisme numérique) ;
– Développement des compétences sociales, en classe et en ligne, qui s’inscrit pleinement dans l’esprit du travail collaboratif.

Certes, tout n’est pas parfait nous dit Merit Kuldkepp et la classe inversée présente aussi ses inconvénients, certains qui rappellent les pièges que j’avais évoqués en mars dernier. Parmi ceux-ci, il y a :
– les devoirs que les apprenants ne font pas : ne pas faire le travail donné hors classe n’est pas un problème récent mais il prend encore plus d’importance dans le cadre de la classe inversée (mais est-ce que cet éternel problème doit empêcher d’essayer de nouvelles pratiques d’apprentissage ?) ;
– une planification peu appropriée aux besoins des apprenants ou des contenus inadéquats. Comme l’écrit Merit Kuldkepp en citant Ash, « il ne sert à rien de remplacer un cours magistral de salle de cours par un cours magistral à visionner à la maison » ;
– la surcharge de travail. Je préciserai que c’est souvent le premier point qui est mis en avant par de nombreux enseignants qui s’intéressent à la classe inversée mais n’osent pas encore faire le pas en avant. Certes au début, il y aura besoin d’y consacrer plus de temps comme pour toute nouvelle pratique mais il faut aussi penser à partager les outils, à mutualiser les activités que chacun crée plutôt que de les garder pour soi ; s’appuyer aussi sur du matériel didactique que peuvent créer les propres apprenants de niveau avancé et qui pourra être mis à la disposition des apprenants de niveaux élémentaires. Les plateformes internes ou Padlet permettent notamment de partager les productions ;
– l’accès et la formation au numérique. Merit Kuldkepp a raison d’en parler parce qu’il y a encore beaucoup d’établissements qui ne permettent pas l’utilisation du numérique, soit pour des questions purement technologiques soit parce que l’établissement en limite l’usage. Un problème qui pourrait créer des inégalités entre les apprenants (cf. un article à ce sujet sur le blog de Christian Puren).

Le travail de Merit Kuldkepp ne s’arrête pas à une reprise des avantages et inconvénients de la classe inversée. Il détaille la démarche pédagogique suivie et la création de la séquence pédagogique avec la fiche qui reprend les aspects techniques, le déroulement et l’analyse des activités. Trois fiches sont proposées. Pour que tout cela soit possible, le mémoire passe aussi en revue plusieurs outils qui ont été testés pour préparer le contenu des cours ou pour vérifier le travail des apprenants hors classe.

La réticence des enseignants à se lancer dans la classe inversée, ce sont souvent leurs craintes par rapport à la réaction des apprenants. Ce mémoire aborde aussi ce point et on peut lire que les étudiants sont globalement satisfaits même s’ils admettent qu’elle demande plus de discipline.

Voilà un mémoire qui au-delà des rappels théoriques sur la classe inversée, témoigne des possibilités de la classe inversée, même à un niveau débutant et même si les apprenants partent d’une langue éloignée. Deux points qui peuvent contribuer à dissiper des doutes sur les possibilités de la mise en place de cette pratique avec des débutants complets ou avec des apprenants qui ne seraient pas de langue romane.
Ce mémoire présente aussi l’intérêt de présenter une bibliographie actualisée comme par exemple le lien vers l’intéressant article de Le Anne Spino et de D. Trego, « Strategies for Flipping Communicative Language Class » dans la revue en ligne CLEAR News 19, p. 1-8 (Printemps 2015, consulté le 18/06/2017) et bien d’autres encore.

Bonne lecture !

Pour en savoir plus :
Retrouver le mémoire sur lequel s’appuie cet article :
L’APPLICATION DE LA MÉTHODE DE LA CLASSE INVERSÉE DANS L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE par Merit Kuldkepp (17/05/2017)

Quelques stages d’été proposant des modules sur la classe inversée :
Université d’été BELC 2017 – CIEP
Module A306 – Inverser la classe FLE avec le numérique par Flora Aubin
Université d’été Séville 2017 – Institut français d’Espagne
Module 1.3 Innover et Motiver : La pédagogie inversée par Marc Oddou
Universités du Monde 2017
Et si nous mettions la classe à l’envers ? par Philippe Liria
La classe inversée, une réorganisation gagnante de l’apprentissage actif ? par Cynthia Eid

A paraitre fin 2017, un ouvrage consacré justement à la classe inversée dans le monde du FLE :
Eid, C., Liria, P., Moddou, M. : La classe inversée, Coll. Techniques et Pratiques de classe. CLE International, Paris 2017.

Quelques outils pour votre classe inversée (d’après les suggestions de Merit Kuldkepp)*
Powtoon
Wizer
Quizlet
Socrative
Mentimeter
LearningApps
Canva

*Il y a bien entendu d’autres outils qui peuvent aider à la création de matériel mais je n’ai voulu reprendre ici que ceux cités dans le mémoire.

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Où en est le français dans le monde ?

Posted by Philippe Liria sur 29/08/2016

En été, le prof de FLE se forme
L’été touche à sa fin. Les « grandes vacances » aussi, du moins pour la plupart des profs de l’hémisphère nord mais, on le sait, le professeur de FLE est un être bizarre : il passe une très grande partie de l’année à faire bien plus que les trois huit pour joindre les deux bouts. Comment ? En donnant des cours FOS à sept heures du matin, des cours pour enfants ou ados en journée et des cours adultes en soirée… Et de plus en plus, entre cours et cours, que fait-il ? Outre préparer comme il peut le cours suivant et corriger les copies du précédent, il fait de l’hybride depuis son smartphone puis il enchaîne à pas d’heure depuis son PC portable avec un cours en ligne pour un étudiant à l’autre bout de la planète ! Jackpot penseront certains ? Eh bien, non ! Tout ça, pour des clopinettes !!! Et si certains lecteurs croient que j’exagère et que toute ressemblance avec la réalité ne serait que purement fortuite, qu’ils s’inquiètent : ils ont peut-être perdu contact avec la réalité ! Le FLE fait certes rêver. Je le sais: combien d’étudiants en parlent en imaginant leurs futures missions en terres lointaines et exotiques ?! Mais, quand on connaît la réalité du terrain, on sait ô combien le quotidien est très dur. Malgré cette vie de fous qui ne laisse guère de temps pour faire des folies – mais heureusement est pleine de petits plaisirs-, que fait le prof de FLE pendant ses vacances ? Je vous le donne en mille : il se forme ! Et l’été européen est souvent le moment choisi pour suivre l’une des nombreuses formations proposées ici et là.

Conférence Jacques Pécheur sur les scénarios actionnels- Liège 2016 (Photo: P. Liria)

Conférence Jacques Pécheur sur les scénarios actionnels- Liège 2016 (Photo: P. Liria)

Stages d’été, congrès… du FLE pour tous les goûts
Cette année n’a pas dérogé à la règle, et malgré le climat ambiant pas vraiment à la fête : les profs se sont donné rendez-vous à Nantes, Nice, Besançon ou ailleurs pour suivre l’une de ces nombreuses formations estivales avant de rentrer dans leur pays de provenance. A leur retour, ils pourront mettre en oeuvre et relayer ce qu’ils ont pu y apprendre. Cet été, en plus de ces stages, comme tous les quatre ans, les professeurs de FLE se sont retrouvés en juillet pour le grand messe qu’est le Congrès mondial des professeurs de français. Et pour cette quatorzième édition qui s’est tenue à Liège du 14 au 21 juillet, les quelque 1500 professionnels présents se sont demandés justement où en est le français. Venus de 104 pays, ils ont assisté et souvent proposé des conférences, des communications ou encore animé des présentations ou des ateliers pour mettre à jour et partager leurs connaissances, échanger sur leur pratique mais aussi sur la situation de l’enseignement du français dans leur pays. Du moins quand on leur a permis de traverser les barrages administratifs que dresse l’Europe d’aujourd’hui. Pas facile de demander de défendre les valeurs contenues, paraît-il, dans notre langue si l’on ferme la porte au nez de ceux qui justement la prennent pour étendard de leur liberté ! C’est sans doute cette triste réalité qui se rappelle à nous, même lors d’un congrès dont l’objet principal est l’enseignement. Mais il est clair qu’apprendre le français dans les deux sens du verbe n’est pas ni ne peut être un acte innocent, comme l’a réaffirmé le président du Comité organisateur, l’académicien Jean-Marie Klinkenberg dans son discours de clôture.

Conférence de clôture de J.-M. Klinkenberg - Liège 2016 (photo : P. Liria)

Conférence de clôture de J.-M. Klinkenberg – Liège 2016 (photo : P. Liria)

C’est aussi le ton de l’appel que lancent les professeurs de français dans le document final de résolutions en revendiquant clairement leur rôle dans cette lutte pour « un monde plus juste, mis à l’abri de la barbarie, respectueux des identités et des diversités« . Parce que, nous le savons tous, « la langue est un objet politique » qui véhicule des idées profondément attachées au développement et à l’émancipation des citoyens contre tout type d’oppression sociale, culturelle ou politique. Mais le prof de français, ambassadeur de ces précieuses idées, n’est souvent qu’un simple soldat de plomb, d’une armée certes nombreuse mais aux effectifs qui ne cessent de baisser comme nous l’a rappelé aussi ce congrès, et qui souvent se demande ce que font les décideurs pour éviter la fermeture des cours de français ou la précarisation permanente de la profession. Situation ardente, pour reprendre l’adjectif qui définissait le congrès, et à laquelle devra faire face la nouvelle équipe de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF) avec à sa tête Jean-Marc Defays qui prend donc le relais de Jean-Pierre Cuq après deux mandats. Ce spécialiste du FLE qui nous vient de l’Université de Liège sera entouré, entre autres, d’une Canadienne, Cynthia EID et d’une Roumaine, Doina SPITA pour relever les nombreux défis de la Fédération (manque d’enseignants, absence de politiques en faveur du français, nouveaux besoins des associations…) et qu’on peut retrouver, du moins en partie, dans le Livre blanc présenté lors du congrès de Liège et qui prétend dresser, comme il l’annonce, « un panorama unique de l’enseignement de la langue française dans le monde« .

Des programmes pour repenser le FLE
On l’a vu aussi, le programme bien chargé du congrès – peut-être un peu trop – ou encore ceux des stages d’été sont révélateurs de ce renouvellement nécessaire. Ce qui rend encore plus indispensable la formation initiale mais surtout continue des professionnels du FLE. C’est d’ailleurs le premier point mis en avant dans les résolutions du Congrès. Si la langue française est, et prétend rester, ardente, donc bel et bien vivante, il faut qu’elle s’adapte aux réalités du monde d’aujourd’hui et puisse être fin prête à celles de demain. Aucune nostalgie donc, mais au contraire, un regard pointé vers l’avenir avec des solutions séduisantes pour une langue qui hélas n’a plus vraiment l’air de séduire. Vous ne pouvez pas vous imaginer combien sont celles et ceux qui me demandent, au Pérou, en Colombien, au Chili, etc. à quoi ça peut bien servir d’apprendre le français. Ils/Elles n’en perçoivent pas ou pas vraiment l’utilité et ont même souvent l’impression d’une langue éloignée et difficile (bienvenue l’intercompréhension qui a l’air de gagner du terrain dans les cours, mais pas assez malheureusement). Tout le monde se souvient de cette campagne qui présentait les 10 bonnes raisons d’apprendre le français mais pas sûr que ce soit la meilleure manière de convaincre les sceptiques. Il ne fait aucun doute que l’enseignement du français a besoin d’un grand Entrümpelung au cours duquel on se débarrasserait des vieilles croyances sur comment on doit enseigner et surtout comment nos élèves apprennent. C’est pour cela que la formation est importante et qu’il est grand temps de mettre fin à la dégradation de la situation des professeurs de français. On le voit bien, ces formations proposent des programmes riches et novateurs qui ne peuvent que contribuer à ce renouveau de la classe de français. On y parle bien sûr de ce tsunami numérique mais il ne faudrait pas réduire l’innovation pédagogique nécessaire à la technologie, au web 2.0 ou aux plateformes qui ne cessent de se développer que ce soit depuis les institutions ou depuis le monde éditorial FLE*. Une évolution qui nous oblige à repenser l’ensemble des professions de notre secteur.

Module sur la classe inversée aux Universités du Monde (Nice, juillet 2016 - Photo: P. Liria)

Module sur la classe inversée aux Universités du Monde (Nice, juillet 2016 – Photo: P. Liria)

L’innovation pédagogique passe aussi, et surtout je dirais, par savoir changer nos dynamiques de classe et s’approprier des nouveaux outils, bien sûr, ou se réapproprier d’éléments trop souvent tenus à l’écart comme le rappelle Ken Robinson dans L’élément que je vous invite à lire si ce n’est déjà fait. Il est grand temps par exemple que le jeu (sérieux ou tout simplement de société) ou l’art y tiennent un plus grand rôle : petit clin d’oeil au passage à Ghislaine Bellocq qui ménage si bien art et FLE ou à Adrien Payet qui lie si bien apprentissage du français et théâtre. Bref, que la créativité des apprenants dans un sens large du terme soit vraiment au centre de la classe ; qu’on sache (qu’on ose) revoir les programmes de façon à ce que la mise en place du projet soit une réalité (il ne suffit pas de se remplir la bouche d’actionnel ou de le coucher sur les brochures ou le site qui décrivent la pédagogie prônée par telle ou telle institution). Cela demande de changer nos habitudes de classe, de réfléchir à de nouvelles pratiques. Ce n’est pas en vain que la classe inversée, qui semblait ne pas avoir sa place en FLE, comme je l’ai souvent regretté dans ce blog, commence enfin à être prise en compte pour accompagner ce changement. C’est en tout cas ce qu’on a pu constater dans les propositions de modules de plusieurs stages d’été ; reste qu’il faudra maintenant que l’enthousiasme des stagiaires ne retombent pas face au mur de leurs institutions. Parce que changer la classe n’est pas ni peut être le fait d’un prof mais bien le résultat d’un travail d’une équipe (le collaboratif commence dans la salle des profs) soutenue et accompagnée par sa direction.

Une nécessité de changement pour redonner envie d’apprendre
Introduire une nouvelle façon d’aborder l’enseignement est donc bien une nécessité parce que les étudiants d’aujourd’hui ont de nouvelles attentes (savoir échanger lors d’une visioconférence, répondre à des messages personnels mais aussi professionnels sur Whatsapp, mener des projets avec des partenaires à des milliers de kilomètres…) et de nouvelles façons d’apprendre (la technologie ne doit pas remplacer l’humain mais on ne peut non plus ignorer l’existence des supports tels que la tablette ou le smartphone ou des nouvelles manières d’interagir grâce notamment aux réseaux)*. C’est aussi ce qui contribuera à redonner envie d’apprendre notre langue. Les profs sont géniaux mais ne sont pas des Houdins : ce n’est pas d’un coup de baguette magique que ce changement se produira, n’en déplaise à certains. Par conséquent, la formation n’est pas un luxe. Elle est indispensable pour accompagner le discours ambiant qui réclame à cors et à cris qu’il faut se renouveler et innover pour motiver l’apprentissage de notre langue. Et même si l’été en France est une belle occasion pour joindre l’utile à l’agréable, je suis certain qu’ils/elles sont nombreux/-ses à souhaiter avoir accès pendant l’année scolaire à de vrais plans de formation.

* Voir le numéro 406 (juillet-août 2016) du Français dans le monde qui consacre un dossier aux « Cours en ligne, pratiques d’enseignants, parcours d’apprenants »
**A ce sujet, écoutez Mon enseignant va-t-il devenir un écran ? en podcast sur France Inter (27/08/2016)

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Haro sur l’innovation pédagogique !

Posted by Philippe Liria sur 02/03/2016

(mise à jour : 06/03/2016)

Un courant inquisitorial serait-il en train de vouloir mettre à l’index l’innovation numérique ? Ce ne sont plus les ténèbres de l’Enfer à la veille de l’an mil qui font peur mais la galaxie d’Internet et ce monde digitalisé. Dans le domaine pédagogique, certains invoquent la tradition d’enseignement, tels des prédicateurs médiévaux, pour mettre en garde contre ces chevaliers de l’Apocalypse, du moins celle de l’éducation si nous nous laissons envoûter par le Mal qu’incarnerait le numérique à l’école. Certes, les questions sont nombreuses et nous ne devons pas suivre aveuglément les nouveaux courants didactiques. Nous ne pouvons ignorer les risques voire les menaces. Devons-vous cependant, saisis par la peur face à l’inconnu, nous replier et refuser un enseignement/apprentissage prenant justement en compte les nouvelles possibilités que nous propose cette société connectée ?

Une remise en cause de l’innovation pédagogique
Début février, j’ai retweeté un article de Michel Guillou qui s’interrogeait sur l’intérêt réel de la classe inversée. Il y critiquait une sorte d’engouement aveugle pour cette démarche pédagogique qui, selon lui, ne serait ni novatrice ni si efficace contrairement à ce que certains prétendent. En partageant l’article en question, je ne prétendais pas donner raison à son auteur mais plutôt contribuer à une réflexion sur ce que doit et ne doit pas être la classe, et pas seulement si nous l’inversons. A lire Michel Guillou, on pourrait croire que rien n’est à faire en classe car tout s’y fait déjà. Comme si la pédagogie différenciée, par exemple, était pratique courante ou les pédagogies actives une habitude quotidienne de la classe. Je ne peux pas donner mon avis sur l’ensemble des pratiques de classe, mais ce que je connais de la classe de langue, en particulier dans le domaine du FLE, me permet d’affirmer que malheureusement nous en sommes bien loin. Cette remise en cause de l’innovation pédagogique est aussi au centre d’un ouvrage dont s’est récemment fait écho le quotidien catalan La Vanguardia (28/02/16), Contra la nueva educación d’Alberto Royo (Ed. Plataforma, 2016). Son auteur, répondant aux questions du journaliste dans une interview de ce même journal, critique « les pratiques novatrices actuelles » qui, selon lui, mépriseraient « la tradition rien que parce qu’elle n’implique pas la modernité, ce qui altère les objectifs naturels de l’instruction publique et du professeur« . Toujours d’après ce professeur de collège et lycée, les émotions, l’apprentissage des langues ou la technologie « ne doivent pas faire partie des objectifs de la classe (…)« . Même si cette réflexion est faite depuis la situation du contexte espagnol, son approche interroge les initiatives menées pour que l’apprentissage sorte de son carcan. Vous comprendrez bien que je suis choqué de lire ici ou là que tout existerait déjà en matière d’enseignement/apprentissage. Cela ne veut pas dire que tout ce qui est nouveau est forcément bon. Il est aussi bon d’écouter ces « grognons« , comme les désigne Michel Serres, pour justement ne pas tomber dans le dogme, ce qui serait forcément négatif. Les écouter, c’est une façon de ne pas accepter tout et n’importe quoi au nom de la modernité didactique.
C’est par exemple, ne pas applaudir bêtement des initiatives politiques en faveur du bi- ou tri-linguisme dans les collèges ou lycées si les moyens (formation des enseignants, infrastructures, supports) ne sont pas mis afin de garantir la transmission de la matière. Qu’un collégien reçoive un cours de SVT en anglais ou en français dans une langue approximative parce qu’elle n’est pas vraiment maîtrisée par l’enseignant, c’est tout simplement un leurre pour ne pas parler de charlatanisme éducatif ! Nous n’avons pas le droit de le permettre. Ce n’est pas pour autant que l’enseignement d’une matière dans une langue étrangère soit mauvais. Le problème n’est évidemment pas là, et c’est là l’erreur d’interprétation de ces grognons.

Non au bricolage !
De même, quand Michel Guillou critique la classe inversée et en particulier le manque de qualité d’une grande partie des capsules vidéos dont on parle tant actuellement, je suis d’accord avec lui. Mais pointons le vrai problème. Que préconise-t-on au sujet de la classe inversée ? Marcel Lebrun, l’un des meilleurs spécialistes de la question en Europe, dit bien qu’il faut élaborer des capsules vidéos ayant fait l’objet d’une scénarisation (je vous conseille d’ailleurs de visionner <a href="http:// » target= »_blank »>la causerie entre Christophe Batier et Marcel Lebrun du 17/02/16). Or, il suffit de faire un tour sur Internet pour se rendre que ces capsules sont souvent d’une qualité qui laisse à désirer. Bref, alors qu’elles devraient être l’un des outils de base de cette inversion de la classe, elles pourraient être la cause de son échec. Les changements viendront de la base mais il est important que les acteurs éducatifs s’impliquent de façon à fournir des contenus de qualité en adéquation avec les nouveaux besoins. De même, il faut donner aux enseignants les moyens de se former pour qu’ils puissent sinon créer au moins pouvoir adapter du matériel à la réalité de leurs classes. Cette absence de formation, c’est souvent elle qui est à l’origine du manque d’utilisation ou de l’infra-utilisation de nouveaux outils de la classe, comme je le soulignais déjà dans un article de ce blog il y a tout juste deux ans et qu’aujourd’hui un très intéressant rapport de Thierry Karsenti (Le tableau blanc interactif (TBI) : usages, avantages et défis) vient confirmer. J’en conseille très vivement la lecture : loin de condamner l’usage de cet outil, l’auteur du rapport souligne les contradictions de son utilisation en classe, souvent comme simple projecteur et très rarement interactif, dans le sens où les élèves n’y ont presque jamais accès. A la fin (p.33), Karsenti donne quelques recommandations pour un meilleur usage de cet outil. Son étude porte sur le cas canadien mais je pense qu’il est représentatif de ce qui passe habituellement dans de nombreux coins de la planète.

Pour en revenir à nos capsules, que des enseignants en fassent, souvent en dehors de leur emploi du temps, c’est bien. On ne va pas reprocher la prise d’initiative ! Mais l’innovation pédagogique ne doit pas être sujette à la simple initiative d’un enseignant ; et qui plus est, l’accès à cette innovation ne doit pas frustrer d’excellents enseignants parce qu’ils ne seraient pas nécessairement techniciens. Une évidence et pourtant… A ce sujet, je signale un webinaire qu’organise Jürgen Wagner le 21 avril prochain sur la création de capsules vidéos. Il y sera question des différents type de vidéos et de leur intérêt pédagogique. On verra qu’il n’est pas nécessaire d’être hyper-équipé et qu’un simple smartphone nous permet déjà de réaliser des capsules à condition de suivre certaines règles. De même qu’on pourra voir qu’il faut aussi en suivre pour qu’elles soient attractives, un élément important si nous voulons motiver les apprenants.

Cessons de crier haro sur l’innovation pédagogique !
Ne confondons pas les choses. Cessons de crier haro sur l’innovation pédagogique sous prétexte qu’elle nous rendrait plus bête, comme l’affirment certains ! Non, tout n’est pas fait ! Et si le monde change, pourquoi la classe ne changerait-elle pas ? Si l’accès à l’information change, pourquoi l’enseignement/apprentissage devrait-il rester figé dans des pratiques du XIX ? Pour ceux qui en douteraient, retrouvez la célèbre animation de Ken Robinson sur Youtube (vous la connaissez certainement mais au cas où, <a href="http:// » target= »_blank »>la voici). Elle illustre parfaitement la situation dans laquelle nous sommes et vers où nous devrions aller. Mais ne perdons pas non plus notre sens critique face aux nouvelles propositions issues en partie de l’évolution même de la société. Mettons fin à cette espèce de croisade contre l’innovation pédagogique que certains semblent vouloir lancer depuis le fond de la caverne éducative ! Ce n’est pas en interdisant les smartphones – par exemple – en classe (comme on le fait encore trop souvent) que nous allons améliorer l’enseignement/apprentissage mais plutôt en réfléchissant en quoi ces nouveaux outils peuvent être à son service. Plutôt que de mettre au ban l’innovation pédagogique, posons les bonnes questions comme le suggèrent William D. Eggers et Paul Macmillan dans leur livre The Solution Revolution (Harvard Business Review Press, 1973 -non traduit en français, à ma connaissance) qui se demandent comment améliorer l’école et qui affirment que pour trouver la réponse, il faut que nous nous interrogions sur son objectif réel (mieux éduquer et mieux préparer les jeunes à l’avenir)*. Bref, ce n’est pas en faisant ce que nous avons toujours fait que nous trouverons des réponses aux questions pédagogiques d’aujourd’hui mais au contraire en essayant ce qui n’existe peut-être pas encore, en allant au-delà des solutions existantes. Nous nous tromperons peut-être mais sbagliando s’impara. N’ayons pas peur de l’échec ! Pour avancer, il faut sortir de sa grotte…

*Je reprends ici l’idée qu’expose le célèbre journaliste et analyste argentin Andrés Oppenheimer dans son ouvrage Crear o Morir, la esperanza de Latinoamérica y las cinco claves de la innovación (Ed. Vintage Español, 2014 – non traduit en français) sur la nécessité, entre autres, de changer le prisme dès l’enfance (p.295-296)

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Vous avez dit « création » ?

Posted by Philippe Liria sur 26/09/2015

Voilà déjà quelque temps que je suis L’espace à Zecool, un blog animé par Jacques Cool, un « technopédagogue par choix » comme il se définit lui-même. Il mène une veille permanente (et passionnée) sur tout ce qui se passe autour de la pédagogie et du numérique (suivez-le sur Twitter : @zecool).
Pris par la rentrée, je n’avais pas encore eu le temps de lire ses derniers articles et je voulais surtout vous en recommander un qu’il a consacré à la nécessité d’associer la création et l’innovation à l’apprentissage (Rentrée scolaire 2015 : Perspectives nouvelles, anciennes, entremêlées…). Une réflexion indispensable (je vous renvoie à cet article sur L’élément de Ken Robinson) en cette période de bonnes intentions pour une partie d’entre nous qui reprenons le chemin de l’école pour que cette année soit différente et que nous ne tombions pas dans la routine ou dans cette « mécanique » dont nous parle Jacques Cool. Mais faire changer les choses n’est pas simple, on le sait ! Il suffit de voir la bousculade qu’il décrit dans un magasin de fournitures scolaires pour comprendre que les outils des élèves ressemblent plus à ceux que nos parents nous achetaient quand nous allions à l’école qu’à ceux qui les aideraient à mieux préparer l’avenir. Cela ne veut pas dire qu’il faille se laisser engloutir par le « tout-technologique » ou le « tout-numérique » mais nous n’avons pas le droit non plus de l’ignorer. L’école, dans un sens large qui englobe tous les lieux d’apprentissage, doit savoir s’adapter à l’environnement et ne peut détourner le regard face au changement de ce monde. Le smartphone n’est pas un gadget et la tablette n’est pas un caprice ! Rendons-les plus accessibles mais n’en limitons pas l’usage sous prétexte que tout le monde n’en a pas. Au contraire d’ailleurs, ces outils peuvent contribuer (et doivent le faire) à une meilleure diffusion des connaissances et par voie de conséquence à plus d’égalité, à condition d’apprendre à en gérer les contenus – d’où la nécessité aussi d’avoir des enseignants compétents pour en enseigner les virtues et les défauts.
Cela implique que nous ne fassions plus les choses comme avant, que nous ne reprenions pas les cours de l’année dernière qui ressemblaient comme deux gouttes à ceux de la précédente et que nous sachions donc intégrer non seulement des outils « nouveaux » (tablettes, smartphones) mais aussi et surtout des pédagogies nouvelles. Et Jacques Cool de citer une excellente illustration de Sylvia Duckworth qui synthétise à merveille quelques idées simples et novatrices à la fois pour que la classe soit différente. Il s’agit de 15 choses qu’un professeur devrait essayer dans sa classe (créer un site Internet, créer un portfolio numérique, créer un compte Twitter et permettre des connections internationales, utilser Google forms, etc.). Rien ne garantit que ça marche mais il faut essayer. Et si ça prend, cela peut vraiment créer une nouvelle dynamique de classe. L’autre jour par exemple, lors d’une formation que j’animais dans une université d’Aguascalientes (Mexique), de jeunes enseignantes de FLE ont décrit comment elles avaient introduit dans leurs cours le principe de la classe inversée. Un vrai succès d’après ce qu’elles en disaient qui leur permet de consacrer plus de temps à la réalisation de projets en classe. Or, l’organisation de projets – qui sont pourtant le juste reflet de la réalité (coopération/collaboration avec l’autre, prise d’initiative, créativité/originalité, etc.) – passe souvent à la trappe par manque de temps car il faut préparer les famauses évaluations. Comme si le succès dans la réalisation d’un projet n’était pas en soi la meilleure évaluation ! Mais c’est un autre débat…

Origen: Rentrée scolaire 2015 : Perspectives nouvelles, anciennes, entremêlées…

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Le numérique au service de l’innovation pédagogique

Posted by Philippe Liria sur 15/07/2015

IMG_0151« L’élève doit être au centre de l’apprentissage ! » C’est une phrase que tout le monde a entendue mais qu’en est-il réellement ? Une fois dans la classe, la pression des programmes, des institutions, le manque de temps ou de formation font que trop souvent encore la classe est organisée non pas en fonction de l’élève et de sa façon d’apprendre mais plutôt en fonction de ces impératifs. Pourtant, nous devrions tous nous interroger sur notre manière d’apprendre, sur celle de nos étudiants et donc sur ce que nous faisons pour faciliter cet apprentissage. « Tout enseignement efficace doit commencer par la prise en compte de la façon qu’ont les étudiants à apprendre » nous rappelaient les auteurs de How learning works (Jossey-Bass, USA 2010), un excellent livre que je recommande vivement si vous vous intéressez aux processus d’apprentissage. Une inquiétude qui doit bien entendu être présente dans nos cours de français. Quelle place faisons-nous à la créativité ? Quelle rôle peuvent jouer les langues plus ou moins proches pour accompagner l’apprentissage ? Ou que faire de ces technologies qui entrent dans nos classes ? Qu’est-ce qui forcément change dans nos pratiques ou dans la dynamique du cours si le monde change autour de nous ? Ces questions, ce sont celles auxquelles essaient de répondre les spécialistes invités à participer au dossier du 400è numéro (bon anniversaire !) du Français dans le monde. couvn400 Dix pages, c’est encore trop peu pour traiter un sujet aussi vaste mais c’est déjà ça pour lancer la réflexion (ou l’approfondir) dans les salles de profs ou dans les réunions pédagogiques. Une réflexion par exemple sur la nécessité de repenser la classe de sorte que soient mis en avant les talents et les centres d’intérêt car « il s’agit de créer les conditions qui permettent (…) d’apprendre et de s’épanouir, sur le plan collectif et individuel » nous rappelle Ken Robinson (FDLM, pp.50-51), l’auteur de L’élément que j’avais eu l’occasion de présenter dans ce blog il y a quelque temps déjà. Et pour atteindre ces objectifs, il nous faut disposer de plus de temps pendant le moment de la classe. Oui, mais comment ? En réorganisant la distribution des contenus et du temps. La classe ou pédagogie inversée (la flipped classroom en anglais) peut être une solution à cette nécessité de repenser la classe. Marcel Lebrun, professeur à l’Université de Louvain (Belgique), nous parle de ce changement de paradigme et résume les trois niveaux de cette démarche pédagogique qui « repositionnent les espaces-temps traditionnels de l’enseigner-apprendre » (pp.52-53). IMG_0154L’idée de la pédagogie inversée commence à faire son entrée dans la classe de FLE, comme me le rapportait une jeune enseignante venezuelienne lors du BELC Régional de Bogota. Elle n’hésite pas à expérimenter ce concept pour donner une nouvelle dynamique à son cours et donc motiver différemment ses élèves. Je constate aussi que dans plus en plus de formations, on nous demande d’en parler dans l’optique de la mettre en place, même si ce n’est que ponctuellement. Et si ces classes peuvent « prendre », c’est aussi parce que les technologies numériques sont arrivées au bon moment, à condition de savoir en user sans en abuser ! Or, cela a été trop souvent le cas à cause d’une certaine précipitation (un « tsunami numérique », pour reprendre le titre du livre d’Emmanuel Davidenkoff, qu’on ne peut ignorer) malgré les appels à la vigilance d’experts tels que Thierry Karsenti (lire aussi cet article). Il faut donc non pas les imposer mais bien savoir les intégrer dans l’apprentissage. C’est dans cette intégration que réside l’innovation pédagogique. Il faut donc que le professeur apprenne à maîtriser ces outils technologiques de plus en plus performants ; qu’il devienne un « enseignant multidimensionnel » nous dit Marc Oddou, bien connu des profs de FLE notamment grâce à son site. La tablette est un bon exemple d’outil qui peut favoriser cette « créativité pédagogique » des apprenants que revendique Ken Robinson, à condition de gérer l’espace-temps différemment, souligne Laurent Carlier (inovateach.com).lcarlier Et pour y parvenir, il faut changer la dynamique de classe et renforcer la place de l’authentique dans la classe. Le web 2.0 doit y contribuer. C’est l’avis de Christian Ollivierr&a_juillet2013, spécialiste de l’introduction de ces nouvelles pratiques en lien avec les mutations technologiques auxquelles nous assistons et surtout participons (cf. Recherches et applications, juillet 2013). Pourquoi le web 2.0 ? Parce qu’il contribue à l’authenticité des échanges en laissant les apprenants réaliser des « tâches ancrées dans la vie réelle » qui débouchent sur un « produit(…) fortement socialisé« . Mais le ‘comment-j’apprends’ ne passe pas que par la technopédagogie. C’est aussi la capacité à mobiliser des stratégies qui vont contribuer à mieux s’approprier d’une langue. Par exemple, en se basant sur les différents degrés de parenté entre la langue cible et celle de départ. Selon la distance de ces langues, les compétences à mobiliser seront différentes, comme nous le décrit Jean-Michel Robert dans un article sur l’intercompréhension, dont on ne parle pas assez en classe de langue comme je le signalais dans ce blog le mois dernier et qui pourtant contribue vraiment à l’apprentissage des langues et à la mobilisation de stratégies pour mieux y arriver.
Voilà donc un superbe numéro du Français dans le monde, une belle réussite avec un riche contenu pédagogique au-delà de ce dossier. A lire absolument, sur papier ou, puisque nous parlons numérique, sur l’application qui accueille la version numérisée de la célèbre revue.

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Changer nos pratiques d’enseignement car l’apprentissage change

Posted by Philippe Liria sur 29/03/2015

Alors que l’on a l’air de peiner à vraiment mettre en place une pédagogie du projet dans la classe de FLE, les expériences dans le domaine scolaire semblent vouloir donner raison à celles et ceux qui y croient. Je pense à cet article publié dans The Independent sur les réformes de l’école en Finlande ou à cet autre article lu dans El País et qui rapporte l’expérience que mène un collège jésuite en Catalogne.
En Finlande, on parle de reléguer les matières du moins en tant que tel – elles ne disparaissent pas vraiment comme le précise le site finnois Theconversation mais seront intégrées dans des thématiques plus globales. Les matières seront mises au service de projets interdisciplinaires, ce qui permettra ainsi de les contextualiser donc de leur donner plus de sens.
En Catalogne, c’est le collège Claver Raimat (Lleida) qui a lancé l’expérience d’une école différente dont l’apprentissage n’est plus basé sur des matières mais sur la transversalité des connaissances et des savoir-faire. Limitée à certaines classes, l’initiative, fruit d’une réflexion entre experts, enseignants, parents et bien entendu les élèves, devrait s’étendre petit à petit aux autres niveaux. L’école devient un lieu où les élèves ne répondent plus aux questions du professeur qui vérifierait s’ils ont bien appris leur leçon mais au contraire, ils cherchent à répondre à des questions qui n’ont pas encore de réponse ce qui est une véritable motivation à mobiliser ensemble (travail collaboratif) des compétences dans le but de faire car « c’est en faisant qu’on apprend ». L’élève n’est pas simplement un apprenant, il participe activement au processus créatif du projet et donc de ses propres connaissances. Comme on le fait remarquer dans l’article d’El País, il n’est pas anodin de retenir que ce changement de paradigme se produit dans un collège jésuite, l’ordre qui d’une certaine façon imposa le modèle éducatif « traditionnel » et qui pour le moment domine encore le monde éducatif mais dont les jours sont peut-être comptés.
Et c’est dans ce contexte de changement que je reviens à la classe de langue, en particulier celle de français. Voilà plus de 10 ans maintenant que nous parlons d’être plus actif en classe. La perspective actionnelle est dans la bouche de tous les experts et dans les recommandations de toutes les institutions du Réseau. Bref, parler de tâche finale ou de projet, de travail collaboratif… ce n’est absolument pas nouveau. Et pourtant, il suffit de visiter la plupart des établissements dudit Réseau pour constater que la réalité est souvent à des années-lumière des recommandations. Les outils facilitateurs ont certes fait leur entrée dans la classe depuis le manuel « actionnel » (tous les sont plus ou moins depuis 2004) jusqu’au numérique (du simple vidéoprojecteur aux tablettes et à l’accès à Internet) ; les coordinateurs ont aussi remanié les programmes et les progressions car il faut que les niveaux du CECRL soient visibles – en oubliant peut-être qu’il ne suffit pas d’indiquer ces niveaux pour que les contenus soient reflétés dans la classe ; les professeurs sont sensibilisés à la question, moins les élèves… C’est d’ailleurs un des points qu’il faudrait peut-être revoir : on ne peut prétendre changer la façon d’enseigner sans impliquer directement l’ensemble des acteurs ; or, les élèves qui proviennent souvent d’autres habitudes d’apprentissage se retrouvent tout à coup plongés dans une classe de français qui ne répond pas à l’idée qu’ils se font de la classe. Si ce changement n’est pas accompagné, il risque de provoquer le rejet avec pour conséquence une chute des effectifs que la direction de l’établissement va vouloir freiner en… revenant à de vieilles pratiques parce que « c’est ce qu’attendent nos élèves« . Curieuse façon de trouver des solutions au problème posé. Et puis, changer nos pratiques de classe, cela demande du temps, de l’implication. Difficilement compatible avec des emplois du temps qui ne prennent pas en compte la réalité de la classe : on ne peut prétendre à un enseignement de qualité, basé sur des paramètres modernes et novateurs si les enseignants doivent courir entre trois et quatre établissements, travailler avec trois ou quatre manuels différents sur trois ou quatre niveaux différents avec un total d’heures d’enseignement plus près des 40 heures que des 20 heures (celles-ci sont pour les très priviligiés, mais il n’y en a pas beaucoup dans la profession !). Alors la pédagogie du projet, si belle sur le papier, si bien mise en avant dans les manuels ces dernières années, eh bien cette pédagogie, elle passe à la trappe ! Tant pis pour le projet, on le fera… peut-être, si on a le temps. Et on revient à des outils de travail qui vont nous simplifier la vie, le manuel qu’on n’aura qu’à suivre sans se poser de question et la bonne vieille leçon de grammaire accompagnée de ses bons vieux exercices qui nous font croire que les élèves seront compétents parce qu’ils ont compris et qui font croire aux élèves qu’ils le seront parce qu’ils ont bien fait les exercices. Quel leurre !
Pouvons-nous continuer à vivre dans cette contradiction ? La classe de français, et a fortiori celle qu’on propose dans les établissements du Réseau ne peut ignorer que nous sommes au XXIè siècle et que la pédagogie à mettre en place doit être en phase avec les besoins de la société d’aujourd’hui. Pour y arriver, il faut s’en donner les moyens. Il ne faut pas renoncer aux budgets de formation. C’est bien d’avoir donné des enveloppes pour acheter des dizaines et des dizaines de TNI (qui après avoir passé un temps dans des cartons car personne n’avait pensé qu’il fallait les installer) mais il fallait aussi accompagner cette initiative fort louable d’un plan de formation pédagogique (peu en ont vraiment bénéficié) pour ne pas être utilisés comme de vulgaires tableaux blancs voire noirs). Et maintenant, c’est au tour des tablettes mais ne commettons pas les mêmes erreurs : formons les profs à une utilisation pédagogique en classe ! Il faut trouver aussi une solution pour que les enseignants de ce Réseau puissent vraiment préparer des cours « actionnels » (donc avoir du temps pour mettre en pratique ce qu’on leur explique dans les stages ou les mastères FLE). C’est aussi ce qui fait la qualité et le prestige de ces établissements, y renoncer revient à remettre en cause la raison d’être de ce Réseau. Ce serait bien dommage et je n’ose imaginer que ce serait la secrète idée qui courrait du côté de certains ministères. Alors, pour y arriver, il ne faut pas que ces changements de paradigme d’enseignement soit perçus comme une imposition venue de l’extérieur mais comme une réflexion à mener dans chaque établissement sur la façon de les introduire. Tous doivent y être impliqués, y compris les élèves. Pure utopie ? Non, condition sine qua non pour qu’on puisse véritablement changer la classe en adaptant les recommandations générales à la réalité locale, mais sans y renoncer. Cette adaptation, c’est aussi la clé du succès de l’enseignement en Finlande ou de ce collège de Lleida.

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Comment éduquer au XXIe siècle ?

Posted by Philippe Liria sur 19/09/2014

Si vous ne l’avez pas encore eu entre les mains, je vous recommande le dernier numéro de Sciences humaines qui consacre un dossier sur l’éducation du XXIe siècle : Éduquer au 21eme siècle. Et pour compléter votre lecture, toujours sur le même sujet, lisez aussi la chronique Meirieu de Philippe Meirieu dans Le café pédagogique qui commente les innovations suggérées par Sylvain Marcelli dans son article « Huit idées pour réinventer l’école ». Philippe Meirieu propose notamment une réflexion sur la pédagogie inversée.

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