Le blog de Philippe Liria

Auteur, formateur, consultant et éditeur de français langue étrangère (FLE)

Posts Tagged ‘Thierry Karsenti’

« Nouvelle normalité » éducative dans un monde « d’après » mais sans renoncements

Posted by Philippe Liria sur 30/06/2020

Une école de Taïwan, modèle post-COVID-19 – Image: REUTERS/Ann Wang

Voilà, il paraît que nous commençons à tourner la page de cette période de confinement. Il paraît aussi que plus rien ne sera comme avant dans cette “nouvelle normalité”, annoncée d’ailleurs dès les premiers jours de la crise coronavirale. Il paraît donc que le temps est venu de faire place à l’”école d’après”. Il s’agirait d’une école nouvelle où la normalité prendrait la forme d’un numérique érigé en sauveur face à la menace du vide éducatif dans lequel, en son absence, se précipiterait une grande partie des apprenants.

Un jour, avec du recul, on pourra peut-être se demander pourquoi nous avons été capables d’organiser les supermarchés, souvent restés ouverts, mais n’avons pas, dans l’urgence, su garantir l’éducation en présentiel dans un sens large du terme. Avec toutes les mesures nécessaires, bien sûr ! Et certainement mieux que dans les supermarchés… Les virologues ont certainement une réponse scientifique ; pas forcément partagées par les pédagogues comme le rappelait Jaume Funes, psycholoque spécialiste des adolescents, qui déclarait dans un entretien publié dans La Vanguardia (20/06/2020) que, si on a su « assouplir des mesures par nécessités économiques, on aurait bien pu penser au bien-être des enfants. » Mais au nom de la sécurité sanitaire, les premiers ont été écoutés et les seconds, eh bien, les seconds… Comme si la santé de l’éducation devait être reléguée en deuxième voire troisième plan. Je ne suis pas spécialiste bien entendu mais cela doit-il m’empêcher de m’interroger sur les décisions prises. Ne faut-il dans ces cas-là ne donner la parole qu’aux experts de la santé ? Et les autres ? Mais c’est un autre débat.

Comme dans plusieurs autres secteurs de la société, le numérique – si souvent décrié par les profs – a contribué à assouplir les effets désastreux de la crise sur les apprenants et les enseignants. Certains disent qu’un mythe est tombé. J’ai plutôt l’impression que nous en avons enfin fini avec la diabolisation par défaut du numérique et de tout ce qui tourne autour. Il était temps. Je vous renvoie ici à deux articles que j’avais publiés il y a quelques années sur la question : Haro sur l’innovation pédagogique ! et Smartphone à l’index ? La fausse bonne réponse. Nous avons pu observer en effet que la peur du numérique, parfois même tout simplement de l’outil informatique, a disparu. Ouf ! Vaincre ses peurs ne revient pas à ignorer les dangers que peut présenter le numérique mais le fait même d’y avoir goûté permettra de développer un certain esprit critique. On va ainsi en finir avec la critique gratuite, parfois méchante et partant souvent de préjugés dont il était difficile de se défaire et qui freinaient indéniablement la mise en oeuvre d’une politique pro-active vis-à-vis du numérique. Dommage que l’on ait pas écouté plus attentivement les avertissements lancés par certains comme Emmanuel Davidenkoff qui prédisait en 2014 un tsunami numérique. Davidenkoff s’interrogeait alors sur l’état de la préparation dans lequel allait nous surprendre ce tsunami, lui-même conséquence du séisme sociétal provoqué par le (la?) COVID-19.

Prenons le côté positif de cette situation : elle a permis de prendre conscience de l’importance du numérique dans l’enseignement ; de se rendre compte qu’il présente de nombreux avantages mais qu’il a aussi des limites. Et des besoins : matériels et formatifs.

En tout cas, même si l’analyse à faire est complexe, on ne peut certainement que reconnaître que cela a été mieux avec que sans le numérique. Mais admettons aussi, comme le signale Thierry Karsenti qu’il y a eu “les bons coups et les échecs de l’école à distance”. On a aussi vu que les générations digitales ne sont pas forcément si compétentes numériquement qu’on ne l’aurait pensé ; comme nous avons vu aussi chez les enseignants surgir des talents pédagogiques et créatifs bien au-delà des murs de la classe tout en sachant surmonter des contraintes académico-administratives héritées du « temps d’avant« . Il semblerait que cela s’est plutôt bien passé chez les grands ados et chez les adultes. Apparemment, le résultat est plus mitigé chez les plus jeunes. Un constat que faisait la Conferencia sectorial de Educación début juin en Espagne dans un rapport qui évoquait “la difficulté à développer une activité enseignante non présentielle, spécialement en maternelle et en primaire pour atteindre les objectifs fixés ; ainsi que l’impact produit par la fracture numérique et l’augmentation des inégalités éducatives provoquées par cette situation (…)” 

Actuellement, il est trop tôt pour juger les effets du numérique en classe pendant la crise. D’ailleurs, sommes-nous certains de ce que nous mettons derrière ce concept ? C’est quoi en fait le « numérique” ? Et plus encore, c’est quoi le “numérique” associé au monde de l’éducation ? Le savons-nous vraiment ? A ce sujet, je voulais signaler un article, parmi les nombreux qui ont été écrit sur la question. Il s’agit de celui de Louis Derrac, consultant et formateur, spécialiste dans les domaines de l’éducation et de la culture numérique. Cet article a été publié le 11 juin dernier Quelle place donner au numérique dans “l’école d’après” ? sur son site. Sans être nécessairement d’accord à 100% avec son propos, je crois qu’il permet de rappeler ce que nous sommes plusieurs à dire depuis déjà longtemps : nous ne devons pas plier nos modèles éducatifs à la technologie, ne pas succomber aux charmes d’un numérique à la poudre de perlimpinpin mais savoir en tirer profit ; il faut soumettre l’outil et ses très vastes possibilités aux besoins de l’apprentissage. La situation actuelle nous le montre bien. Ne tombons pas dans le piège de la fascination éblouissante des plateformes et autres outils accompagnant cette nouvelle normalité. Apprenons à faire le tri, une fois encore sans préjugés !  Et surtout apprivoisons ces outils. Faisons en sorte qu’ils s’adaptent à nos besoins – et non l’inverse.

Je vous invite à lire ou relire à ce sujet un article que j’avais publié en 2018 sur la question à l’occasion de la sortie d’un ouvrage collectif proposant des outils numériques pour la classe. Retrouvez aussi cette note de lecture de l’ouvrage Numérique et formation des enseignants de langue

On le voit bien, les questions se bousculent et elles sont légitimes. Et elles ne datent pas d’hier. Elles sont nécessaires pour trouver les meilleures réponses dans cette situation de crise mais répondons-y dans un souci éducatif, pas technologique. Ne revenons pas à ces classes aux tables individuelles où chaque élève apprend dans son coin ce que dicte le maître et où, pis encore, des séparations plastiques ont été parfois installées pour éviter tout contact avec l’autre. Comme on a pu le voir sur certains réseaux diffusant des images d’écoles chinoises. Faisons-le aussi, pour reprendre l’idée de Jaume Funes, sans renoncer aux avancées pédagogiques de ces dernières années qui privilégient le travail collaboratif, la collaboration avec l’autre, l’interaction ; que ce soit virtuellement ou, et surtout en présentiel pour ne pas perdre de vue la fonction sociale de ce lieu extraordinaire qui est la salle de classe, entendu bien sûr, comme un espace non pas cloisonné mais bel et bien ouvert sur le monde. Indispensable en ces temps de replis sur soi-même, de fermeture des frontières et du risque de fermeture d’esprit qui l’accompagne.

Pour aller plus loin :

El ministerio de Educación y Formación profesional y las CCAA acuerdan priorizar las classes presenciales en el curso 2020-2021

Les bons et les échecs de l’école à distance : entrevue avec T. Karsenti (émis le 22 juin 2020)

COVID-19: Countries around the world are reopening their schools. This is what it looks like. (publié sur le site du Forum économique mondial le 2 mai 2020)

Quelle place donner au numérique dans « l’école d’après » ? (publié le 11 juin 2020 sur https://louisderrac.com

L’escola que volen els epidemiòlegs és impossible, entretien avec Jaume Funes (La Vanguardia, 20/06/2020)

Je propose ici une série de liens vers des articles publiés ces dernières années sur mon blog et qui, selon moi, et malgré la date de publication de certains, permettent d’apporter de l’eau au moulin de la réflexion sur la présence du numérique dans la classe.

Le numérique en classe de FLE, oui mais comment ? Trois spécialistes nous aident à y voir plus clair

Quelle intégration du numérique dans la classe de langue ?

Haro sur l’innovation pédagogique !

Le tsunami numérique d’Emmanuel Davidenkoff

Smartphone à l’index : la fausse bonne réponse !

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Smartphone à l’index ? La fausse bonne réponse !

Posted by Philippe Liria sur 30/07/2018

©Makc76 | Dreamstime.com

Interdire les smartphones dans les écoles et collèges est-ce vraiment la solution ? En France, la question est tranchée : c’est oui ! Grâce à cette mesure qu’ont votée nos chers législateurs, dès septembre, finie l’utilisation abusive de cet objet de tous les démons : ça ne passera jamais par les têtes des élèves de l’utiliser en cachette, on le sait, et les fraudeurs seront systématiquement attrapés (comme les fumeurs en cachette ou ceux qui se font la belle à l’heure des repas). Finie aussi cette sonnerie intempestive qui dérange le cours – parce que ça sonne encore un smartphone ? Les ados l’utilisent encore pour s’appeler ? Ailleurs, on en fait d’autres usages mais il s’agit certainement de l’exception française (comme ces SMS dont on est si friands en France, semble-t-il). Et puis, fini le cyber-harcèlement ! Alors là, si c’est vrai, si c’est vraiment vrai que cette mesure permettra d’éradiquer ce terrible fléau, eh bien bravo ! Rien que pour ça, je suis près à l’applaudir !

Et pourtant, j’ai mes doutes… Des doutes très sérieux… Certes, on me parle aussi qu’il faut éliminer la fracture sociale que favoriserait la présence des smartphones… C’est ce point qui devrait me faire adhérer car c’est celui qui est vraiment de gauche, paraît-il !! Quand je vois comment le smartphone est la porte d’entrée des savoirs et la porte sur le monde dans des lieux aussi reculés que l’Amazonie où j’etais encore récemment, désolé, mais je ne comprends pas trop l’argument. Et puis, question fracture sociale, pardon mais il y a plus grave que ça, en France. Donc oui, j’ai des doutes… Pourquoi ? Tout d’abord parce que je ne suis absolument pas convaincu que cela empêche réellement l’utilisation des smartphones, surtout pour les usages les plus incontrôlés (les pires, ceux de ces abus qu’on prétend combattre). Alors il paraît que cette loi est celle qui marque notre « entrée dans la révolution numérique du XXIè« … C’est Jean-Michel Blanquer qui le dit. C’est « un progrès pour l’école » twittait-il le 30 juillet. Pour le coup, M. le ministre, je pense que cette mesure est aussi juste que le jour où en France, on a décidé de freiner l’entrée d’internet parce que nous avions le Minitel. Et j’ouvre la parenthèse au cas où… du moins pour mes chers lecteurs qui ne se rappelleraient pas – ne connaîtraient pas – ce merveilleux objet : dans la rubrique des objets oubliés de l’Histoire, cherchez sur votre moteur de recherche préféré ce que fut que le Minitel, qui n’avait d’ailleurs pas échappé, malgré ses mérites, à la création de ses propres pages roses (Lisez ce reportage de 2016 sur le Mintel rose) que les ados que nous étions, cherchions à voir en cachette malgré toutes les interdictions du monde (et les vertus réelles à l’époque de cette invention française) ! Mais pour en revenir à ces propos ministériels, je ne vois pas en quoi c’est numériquement révolutionnaire de mettre à l’index un véritable outil de travail qu’on devrait plutôt apprendre à utiliser intelligemment très tôt, certainement dès le primaire. Je sens que les tenants de l’interdiction même au lycée vont me jeter corps et smartphone dans les flammes de l’enfer numérique, or d’après l’expert canadien Thierry Karsenti,  « Ce serait un magnifique projet d’avoir des écoles où on sensibilise les jeunes dès le primaire aux usages éducatifs des technologies, des cellulaires, des réseaux sociaux avant même qu’ils en possèdent un. » (Déclaration dans Téléphone cellulaire à l’école : ici et ailleurs (23/01/2018, consulté 31/07/2018). Cet expert canadien a d’ailleurs exprimé son scepticisme par rapport la nouvelle loi française qui vient d’être approuvée.

Je le conçois, l’interdiction n’est pas complète mais la loi est d’emblée restrictive. Croit-on vraiment que c’est la meilleure façon d’aborder la question ? Au Canada, que la France ne regarde pas assez pédagogiquement parlant, c’est justement parce qu’on a compris que ça ne sert à rien de mettre la tête sous l’aile qu’on a mis en place de vraies politiques d’intégration de cet outil (et on n’a pas attendu l’université !), même si régulièrement la polémique refait surface (lire Téléphone à l’école : le débat est relancé, 20/01/2018 consulté le 31/07/2018). Dans le domaine des langues, qui est le nôtre, le smartphone  est certainement un merveilleux outil de réception et de production authentiques, de recherches, de mise en contact avec la communauté francophone. Nous avons d’ailleurs vu comment le complément du CECRL a ajouté un volet sur les compétences numériques. N’aurait-ce pas été mieux de mettre en place une vraie mesure associant les outils numériques à la politique de compétence numérique ? Comme compte-t-on rendre les élèves compétents et responsables à la fois si les outils qui véhiculent le numérique sont interdits ? En leur faisant faire sur un cahier des pratiques numériques pour qu’un jour ils sachent les utiliser ? La bonne blague ! J’aurais envie d’en rire si ce n’est que nous risquons de freiner le développement numérique des plus jeunes en leur enlevant (officiellement seulement) des mains et de yeux l’outil qui y contribuerait. Certes, je ne nie pas les difficultés de discipline, les risques d’exposition aux écrans, etc. Je ne défends d’ailleurs pas un usage anarchique du smartphone. Au contraire ! Il faut que celui-ci fasse l’objet d’un véritable apprentissage. Et que cet apprentissage se fasse avec les propres outils des élèves sur le principe du BYOD (Bring Your Own Device) pour qu’ensuite, de façon autonome, ils puissent mieux les utiliser. Attention, je ne suis pas naïf : les écarts ne disparaitraient pas mais pensez-vous vraiment que la loi les fassent disparaître ? Cela peut donner bonne conscience, mais pas plus ! Dans le cas du prof de langue, combien de fois j’entends dans les formations se plaindre du mauvais usage des dictionnaires en ligne. Certes…mais la réponse ne peut pas être : que les élèves utilisent de préférence le dictionnaire papier… Même si c’est encore celle que j’entends régulièrement. Souvent parce que les dictionnaires en ligne sont peu voire pas connus de nombreux enseignants. La vraie réponse, selon moi, consiste bien évidemment en une analyse des dictionnaires en ligne disponibles, en les comparant aussi avec ceux en format papier : les élèves dans une démarche critique (compétence qu’il faut absolument développer et qui contribuera à un meilleur usage du numérique) évalueront et feront leur choix sur cette base.

Bref, en interdisant le smartphone (ou en limitant énormément l’usage), c’est le chemin de la facilité qui a été choisi. Dommage ! On détourne le regard alors que nous devrions investir dans une meilleure formation des enseignants à l’usage – et à la transmission des savoir-faire pour un bon usage – des outils numériques. Cette loi est, je crois, la fausse bonne réponse à une vraie question sur l’acquisition d’une compétence numérique efficace et bien entendu responsable du smartphone. Pour paraphraser le titre d’un récent article de Joel Chevrier, professeur de physique à l’Université de Grenoble, je dirais que nous devrions apprendre à mettre de l’école dans le smartphone, plutôt que de les mettre dos à dos.

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Les outils numériques rendent-ils plus difficile l’apprentissage ?

Posted by Philippe Liria sur 22/10/2016

Les outils numériques rendent-ils plus difficile l’apprentissage ? Pour savoir d’où vient cette question, lisez La Contra de La Vanguardia du 22/10/2016 (disponible en espagnol ou en catalan sur le site du journal catalan). Suggérer la lecture d’une interview de Manfred Spitzer (lien en allemand vers sa biographie sur Wikipédia) dans ce blog pourra certainement en surprendre plus d’un. Habitué à y trouver des articles et des liens qui sont plutôt favorables à l’intégration du numérique dans l’éducation, on peut s’étonner que je contribue à diffuser le message de ce neurologue allemand qui préconise ni plus ni moins que de retirer les smartphones et les tablettes de la classe car ces outils, qu’il perçoit plus comme des gadgets, « rendent difficiles l’apprentissage ». J’ai toutefois décidé de le faire parce que je crois que nous ne devons pas non plus nous laisser emporter par le « tsunami numérique » sans réfléchir sur les avantages et les inconvénients. Souvenez d’ailleurs du rapport de Thierry Karsenti il y a deux ans environ et dont je m’étais fait l’écho dans ce blog. L’expert canadien s’interrogeait sur les bienfaits de la tablette en classe. Spitzer va plus loin et prétend éliminer des classes tous ces appareils qui empêcheraient les élèves de se concentrer dans leur apprentissage. Il n’est pas technophobe mais pense que, comme une voiture dont on ne laisse pas le volant entre les mains d’un enfant, il faudrait interdire ces outils mais aussi Internet aux moins de 18 ans. Hérésie ! Comment ose-t-on affirmer de telles choses à l’ère du numérique qu’est la nôtre ? Un peu comme ceux qui critiquent l’innovation pédagogique et préfèrent la bonne vieille classe, telle qu’on la toujours faite (cf. Haro sur l’innovation pédagogique – Mars 2016). Inutile de préciser que je ne partage pas les suggestions de Spitzer (et des voix bien plus qualifiées que la mienne aussi remettent en cause ses analyses), mais nous ne pouvons pas nier non plus que cette révolution technologique provoque de véritables changements sociétaux et qu’il est fondamental de s’interroger sur ceux qu’ils nous apportent. Des sonnettes d’alarme comme celle que tire ce chercheur allemand doivent nous obliger à bien réfléchir à l’usage que nous faisons de la technologie numérique. Pas question de tomber dans cette « démence numérique » dont nous parle Spitzer (pour reprendre le titre d’un de ses ouvrages, Digital Demenz, 2012) mais analysons clairement ce qu’apporte tel ou tel outil numérique dans l’apprentissage. A ce propos, je vous conseille de regarder ce petit reportage diffusé sur Arte en 2015 :

Alors ne nous laissons pas entraîner par les dogmes ni d’un côté ni de l’autre. C’est ce qui fait l’intérêt de cette interview même si elle choque certaines convictions qu’on peut avoir sur le numérique. Je rejoins sur ce point Marcel Lebrun qui, dans un article publié en 2015 sur revue-projet.com, a bien raison de nous rappeler que ce n’est pas parce qu’il y a révolution technologique que nous allons vivre une révolution pédagogique. Les miracles n’existent pas ! Ce rappel, il le fait dans le cadre d’un débat sur le numérique à l’école où différents spécialistes interviennent pour essayer d’apporter des éléments de réflexion sur la question. nous devons tous avoir une réflexion globale sur la signification que doit avoir l’irruption du numérique dans l’enseignement/apprentissage, et notamment celui des langues étrangères, dont le FLE bien entendu.

Pour en savoir plus :
Interview de Manfred Spitzer (en français, 01/11/2013)

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Haro sur l’innovation pédagogique !

Posted by Philippe Liria sur 02/03/2016

(mise à jour : 06/03/2016)

Un courant inquisitorial serait-il en train de vouloir mettre à l’index l’innovation numérique ? Ce ne sont plus les ténèbres de l’Enfer à la veille de l’an mil qui font peur mais la galaxie d’Internet et ce monde digitalisé. Dans le domaine pédagogique, certains invoquent la tradition d’enseignement, tels des prédicateurs médiévaux, pour mettre en garde contre ces chevaliers de l’Apocalypse, du moins celle de l’éducation si nous nous laissons envoûter par le Mal qu’incarnerait le numérique à l’école. Certes, les questions sont nombreuses et nous ne devons pas suivre aveuglément les nouveaux courants didactiques. Nous ne pouvons ignorer les risques voire les menaces. Devons-vous cependant, saisis par la peur face à l’inconnu, nous replier et refuser un enseignement/apprentissage prenant justement en compte les nouvelles possibilités que nous propose cette société connectée ?

Une remise en cause de l’innovation pédagogique
Début février, j’ai retweeté un article de Michel Guillou qui s’interrogeait sur l’intérêt réel de la classe inversée. Il y critiquait une sorte d’engouement aveugle pour cette démarche pédagogique qui, selon lui, ne serait ni novatrice ni si efficace contrairement à ce que certains prétendent. En partageant l’article en question, je ne prétendais pas donner raison à son auteur mais plutôt contribuer à une réflexion sur ce que doit et ne doit pas être la classe, et pas seulement si nous l’inversons. A lire Michel Guillou, on pourrait croire que rien n’est à faire en classe car tout s’y fait déjà. Comme si la pédagogie différenciée, par exemple, était pratique courante ou les pédagogies actives une habitude quotidienne de la classe. Je ne peux pas donner mon avis sur l’ensemble des pratiques de classe, mais ce que je connais de la classe de langue, en particulier dans le domaine du FLE, me permet d’affirmer que malheureusement nous en sommes bien loin. Cette remise en cause de l’innovation pédagogique est aussi au centre d’un ouvrage dont s’est récemment fait écho le quotidien catalan La Vanguardia (28/02/16), Contra la nueva educación d’Alberto Royo (Ed. Plataforma, 2016). Son auteur, répondant aux questions du journaliste dans une interview de ce même journal, critique « les pratiques novatrices actuelles » qui, selon lui, mépriseraient « la tradition rien que parce qu’elle n’implique pas la modernité, ce qui altère les objectifs naturels de l’instruction publique et du professeur« . Toujours d’après ce professeur de collège et lycée, les émotions, l’apprentissage des langues ou la technologie « ne doivent pas faire partie des objectifs de la classe (…)« . Même si cette réflexion est faite depuis la situation du contexte espagnol, son approche interroge les initiatives menées pour que l’apprentissage sorte de son carcan. Vous comprendrez bien que je suis choqué de lire ici ou là que tout existerait déjà en matière d’enseignement/apprentissage. Cela ne veut pas dire que tout ce qui est nouveau est forcément bon. Il est aussi bon d’écouter ces « grognons« , comme les désigne Michel Serres, pour justement ne pas tomber dans le dogme, ce qui serait forcément négatif. Les écouter, c’est une façon de ne pas accepter tout et n’importe quoi au nom de la modernité didactique.
C’est par exemple, ne pas applaudir bêtement des initiatives politiques en faveur du bi- ou tri-linguisme dans les collèges ou lycées si les moyens (formation des enseignants, infrastructures, supports) ne sont pas mis afin de garantir la transmission de la matière. Qu’un collégien reçoive un cours de SVT en anglais ou en français dans une langue approximative parce qu’elle n’est pas vraiment maîtrisée par l’enseignant, c’est tout simplement un leurre pour ne pas parler de charlatanisme éducatif ! Nous n’avons pas le droit de le permettre. Ce n’est pas pour autant que l’enseignement d’une matière dans une langue étrangère soit mauvais. Le problème n’est évidemment pas là, et c’est là l’erreur d’interprétation de ces grognons.

Non au bricolage !
De même, quand Michel Guillou critique la classe inversée et en particulier le manque de qualité d’une grande partie des capsules vidéos dont on parle tant actuellement, je suis d’accord avec lui. Mais pointons le vrai problème. Que préconise-t-on au sujet de la classe inversée ? Marcel Lebrun, l’un des meilleurs spécialistes de la question en Europe, dit bien qu’il faut élaborer des capsules vidéos ayant fait l’objet d’une scénarisation (je vous conseille d’ailleurs de visionner <a href="http:// » target= »_blank »>la causerie entre Christophe Batier et Marcel Lebrun du 17/02/16). Or, il suffit de faire un tour sur Internet pour se rendre que ces capsules sont souvent d’une qualité qui laisse à désirer. Bref, alors qu’elles devraient être l’un des outils de base de cette inversion de la classe, elles pourraient être la cause de son échec. Les changements viendront de la base mais il est important que les acteurs éducatifs s’impliquent de façon à fournir des contenus de qualité en adéquation avec les nouveaux besoins. De même, il faut donner aux enseignants les moyens de se former pour qu’ils puissent sinon créer au moins pouvoir adapter du matériel à la réalité de leurs classes. Cette absence de formation, c’est souvent elle qui est à l’origine du manque d’utilisation ou de l’infra-utilisation de nouveaux outils de la classe, comme je le soulignais déjà dans un article de ce blog il y a tout juste deux ans et qu’aujourd’hui un très intéressant rapport de Thierry Karsenti (Le tableau blanc interactif (TBI) : usages, avantages et défis) vient confirmer. J’en conseille très vivement la lecture : loin de condamner l’usage de cet outil, l’auteur du rapport souligne les contradictions de son utilisation en classe, souvent comme simple projecteur et très rarement interactif, dans le sens où les élèves n’y ont presque jamais accès. A la fin (p.33), Karsenti donne quelques recommandations pour un meilleur usage de cet outil. Son étude porte sur le cas canadien mais je pense qu’il est représentatif de ce qui passe habituellement dans de nombreux coins de la planète.

Pour en revenir à nos capsules, que des enseignants en fassent, souvent en dehors de leur emploi du temps, c’est bien. On ne va pas reprocher la prise d’initiative ! Mais l’innovation pédagogique ne doit pas être sujette à la simple initiative d’un enseignant ; et qui plus est, l’accès à cette innovation ne doit pas frustrer d’excellents enseignants parce qu’ils ne seraient pas nécessairement techniciens. Une évidence et pourtant… A ce sujet, je signale un webinaire qu’organise Jürgen Wagner le 21 avril prochain sur la création de capsules vidéos. Il y sera question des différents type de vidéos et de leur intérêt pédagogique. On verra qu’il n’est pas nécessaire d’être hyper-équipé et qu’un simple smartphone nous permet déjà de réaliser des capsules à condition de suivre certaines règles. De même qu’on pourra voir qu’il faut aussi en suivre pour qu’elles soient attractives, un élément important si nous voulons motiver les apprenants.

Cessons de crier haro sur l’innovation pédagogique !
Ne confondons pas les choses. Cessons de crier haro sur l’innovation pédagogique sous prétexte qu’elle nous rendrait plus bête, comme l’affirment certains ! Non, tout n’est pas fait ! Et si le monde change, pourquoi la classe ne changerait-elle pas ? Si l’accès à l’information change, pourquoi l’enseignement/apprentissage devrait-il rester figé dans des pratiques du XIX ? Pour ceux qui en douteraient, retrouvez la célèbre animation de Ken Robinson sur Youtube (vous la connaissez certainement mais au cas où, <a href="http:// » target= »_blank »>la voici). Elle illustre parfaitement la situation dans laquelle nous sommes et vers où nous devrions aller. Mais ne perdons pas non plus notre sens critique face aux nouvelles propositions issues en partie de l’évolution même de la société. Mettons fin à cette espèce de croisade contre l’innovation pédagogique que certains semblent vouloir lancer depuis le fond de la caverne éducative ! Ce n’est pas en interdisant les smartphones – par exemple – en classe (comme on le fait encore trop souvent) que nous allons améliorer l’enseignement/apprentissage mais plutôt en réfléchissant en quoi ces nouveaux outils peuvent être à son service. Plutôt que de mettre au ban l’innovation pédagogique, posons les bonnes questions comme le suggèrent William D. Eggers et Paul Macmillan dans leur livre The Solution Revolution (Harvard Business Review Press, 1973 -non traduit en français, à ma connaissance) qui se demandent comment améliorer l’école et qui affirment que pour trouver la réponse, il faut que nous nous interrogions sur son objectif réel (mieux éduquer et mieux préparer les jeunes à l’avenir)*. Bref, ce n’est pas en faisant ce que nous avons toujours fait que nous trouverons des réponses aux questions pédagogiques d’aujourd’hui mais au contraire en essayant ce qui n’existe peut-être pas encore, en allant au-delà des solutions existantes. Nous nous tromperons peut-être mais sbagliando s’impara. N’ayons pas peur de l’échec ! Pour avancer, il faut sortir de sa grotte…

*Je reprends ici l’idée qu’expose le célèbre journaliste et analyste argentin Andrés Oppenheimer dans son ouvrage Crear o Morir, la esperanza de Latinoamérica y las cinco claves de la innovación (Ed. Vintage Español, 2014 – non traduit en français) sur la nécessité, entre autres, de changer le prisme dès l’enfance (p.295-296)

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Des tablettes pour la classe ?

Posted by Philippe Liria sur 28/09/2015

0_fritic_rapport_photo1pageAujourd’hui, un certain concensus existe en matière de pédagogie qui admet que nous ne pouvons continuer à concevoir l’enseignement-apprentissage comme avant l’arrivée du numérique. Mais on admet aussi, à juste titre, qu’il ne suffit pas d’installer des outils numériques pour que les choses changent ! Pour qu’ait lieu ce véritable changement, les habitudes d’enseignement doivent évoluer – et comme celles d’apprentissage des élèves. La mise en place d’une technopédagogie s’avère indispensable. Reste à savoir comment et avec quels outils numériques. Un rapport suisse dont s’est fait le relais Netpublic sur son site le 24 septembre dernier analyse la question.

Migrer vers les tablettes
Parmi ces outils, figurent à une place privilégiée les tablettes. Celles-ci peuvent et doivent contribuer à déplacer le curseur du paradigme pédagogique à condition bien sûr que la configuration de la classe change comme le signalaient le rapport L’iPad à l’école : usages, avantages et défis (2013) et que reprend un autre rapport, Migrer des ordinateurs aux tablettes, publié en mai 2015 et qui « fait un rapide état des lieux du marchés des tablettes et de l’édition numérique, avec un accent particulier sur le contexte « éducation »« . 0_fritic_rapport_photo2page

Ce rapport du Centre Fri-tic de l’Etat de Fribourg (Suisse) analyse :
– les différents scénarios possibles de migration vers les tablettes ;
– les types de produits existant sur le marché et leurs contenus numériques ;
– les avantages et inconvénients de cette migration ;
– la stratégie de développement dont la formation des enseignants

et emet des recommandations à la fois sur le choix des outils, le déploiement de cette migrationet et les stratégies pour la mise en oeuvre dans la classe.

Ce rapport contribue à la réflexion qui doit accompagner l’introduction du numérique en classe et éviter de reproduir les erreurs commises lors de l’arrivée des ordinateurs, enfermés dans des salles où ils ont vite pris la poussière. Nous devons associer cette nouvelle technologie à un renouveau pédagogique et par conséquent permettre que les outils, sans doute les tablettes plus encore que les TNI, ne soient pas à leur tour enfermées dans des casiers mais bien à la disposition des enseignants et des apprenants. Cependant, cette mise à disposition ne doit pas se faire n’importe comment. Pas question de passer au tout-numérique sans une expérimentation suivie qui permettrait de « documenter les usages et les apprentissages spécifiques des élèves, observer la motivation, identifier les plus-values pour pouvoir éventuellement, à moyen terme, généraliser ces pratiques« . (p.3-4)

Le rapport émet aussi des réserves sur les apps spécifiques pour l’enseignement et l’apprentissage en raison d’une valeur éducative limitée, du trop peu d’apps éducatives dans d’autres langues qui ne soit pas l’anglais ou encore le manque de « contenus pointus » même s’il souligne l’importance des apps qui facilitent la productivité et la créativité (p.8).

Tablettes et ebooks
Un point qui m’a particulièrement intéressé pour des raisons évidentes, c’est celui des ebooks. Le rapport y consacre cinq pages (p.10-15) et commence par une description des trois types d’ebooks qu’il identifie et que je reprends ici car une certaine confusion existe encore sur ce point si on en croit les nombreux professeurs que je rencontre lors des journées de formation ou sur les congrès.
Quels sont ces trois types d’ebooks ? Il y a…
– le simple livre numérisé ou scanné ;
– le livre homothétique qui est une version numérique d’un texte papier sans contenus complémentaires mais avec des plus-values (indexations, possibilité de place des signets, modifier ou aggrandir les polices) ;
– un livre enrichi qui est celui que les maisons d’édition FLE proposent pour les manuels actuellement et qui consistent à un plus en sons, vidéos, animations… et que le rapport considère comme étant le type de livre numérique où « se situe le plus grand potentiel pour l’éducation »
0_fritic_rapport_photo3pageLe rapport signale aussi l’apparition de plateforme de publication d’ebooks qui pourrait bousculer la donne entre édition et maison d’édition. Une évolution à suivre certainement et qui pourrait rappeler ce qui s’est passé dans le monde la musique il y a quelques années. Rappelons-nous qui étaient les géants de la musique il y a à peine quinze ans et qui domine l’industrie musicale aujourd’hui. Allons-nous vers un scénario identique dans l’édition scolaire et para-scolaire ? La question mérite d’être soulevée et on aurait tort de détourner le regard en pensant que ces scenarios-catastrophe ne sont que pure fiction !

Ce qui est clair, c’est que si la migration vers les tablettes s’accélèrent, il faut que les maisons d’édition développent des apps de leurs manuels et que celles-ci proposent un véritable développement enrichi. L’édition FLE ne peut rester à l’écart de cette nouvelle réalité, en Europe mais aussi, et peut-être plus encore, dans le reste du monde, notamment dans des zones où le public est entré très vite dans l’ère numérique (parfois en étant à peine passé par celle du papier). Cela implique aussi d’envisager non seulement un changement dans les manuels ou plutôt de leurs contenus mais aussi dans la façon de les diffuser et de les distribuer.

Former pour faire évoluer les pratiques de classe
Le rapport consacre un volet à la stratégie de déploiement et notamment au niveau des enseignants car on ne peut envisager cette migration vers les tablettes sans faire évoluer les pratiques de classe qui doivent accompagner la mise en oeuvre d’une plus grande autonomie des apprenants (et on sait qu’il y a des zones du monde où nous sommes encore très loin d’y parvenir), d’un apprentissage différencié et, on en parle beaucoup, de la créativité. Pour y arriver, il faudra avoir recours à la formation mais aussi faciliter l’accès des enseignants aux tablettes. Il faudrait certainement que l’institution pense dans un premier temps à en remettre à leur équipe pédagogique pour qu’elle se familiarise avec l’outil mais sans négliger l’indispensable formation à leur utilisation pédagogique. Et le rapport de signaler que cela prendra du temps tout en faisant une recommandation : privilégier une approche par scénario sur le modèle du European Schoolnet (p.21-23) qui propose justement sur son site des usages pour l’intégration de la tablette en classe.

Impliquer l’ensemble des acteurs de cette innovation
Le rapport aborde ensuite les coûts (dont ceux du matériel d’enseignement, p.29) et les conditions techniques pour que cette intégration connaisse le succès. Et ces points ne sont pas à négliger non plus si on veut éviter la frustration des apprenants bien sûr mais aussi celle des enseignants. On parle beaucoup de la motivation des élèves mais le prof aussi doit être motivé. Et les changements, on le sait, ne peuvent pas simplement dépendre de la volonté de directives pédagogiques. Ils ne seront possibles que si les propres enseignants se sentent impliqués ; qu’ils soient acteurs de cette innovation technopédagagogique.

Bref, il s’agit d’un rapport qui, bien que conçu dans un cadre cantonal, fournit des éléments de réflexion concrets pour la mise en place de « bonnes pratiques (dans l’usage des tablettes)dans tous les domaines d’enseignement » au-delà des Alpes. Il comprend aussi de nombreuses sources de références que ce soit sur le marché du numérique ou les évaluations des expérimentations menées avec des tablettes en classe.

Alors des tablettes pour la classe ? Oui, nous dit ce rapport mais pas n’importe comment. C’est que nous dit ce document qui confirme et complète les différents rapports sur le sujet. Sans précipitation, mais sans plus tarder non plus ! Tous les acteurs du monde éducatif doivent faire en sorte que le numérique, qu’il passe par la tablette (mais aussi le smartphone ou le TNI), entre dans la classe mais pas pour reproduire des pratiques connues mais bien pour en changer. C’est-à-dire que ces innovations pédagogiques doivent mettre un terme à une certaine routine de la classe. Le chemin est certainement long et jalonné de difficultés mais c’est aussi le défi de l’enseignement-apprentissage que d’y arriver !

Pour en savoir plus :
Migrer des ordinateurs aux tablettes, rapport du Centre fri-tic (mai 2015)
Site du Centre fri-Tic
Site de Netpublic

Depuis ce site…
Accédez au rapport de Thierry Karsenti sur les tablettes.
Le tsunami numérique d’Emmanuel Davidenkoff
Tablette numérique à l’école : un rapport québécois à ne pas manquer
Un dossier sur la place de la tablette dans l’apprentissage

Côté formation « tablette » :
Inovateach, le site Laurent Carlier.

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Le numérique au service de l’innovation pédagogique

Posted by Philippe Liria sur 15/07/2015

IMG_0151« L’élève doit être au centre de l’apprentissage ! » C’est une phrase que tout le monde a entendue mais qu’en est-il réellement ? Une fois dans la classe, la pression des programmes, des institutions, le manque de temps ou de formation font que trop souvent encore la classe est organisée non pas en fonction de l’élève et de sa façon d’apprendre mais plutôt en fonction de ces impératifs. Pourtant, nous devrions tous nous interroger sur notre manière d’apprendre, sur celle de nos étudiants et donc sur ce que nous faisons pour faciliter cet apprentissage. « Tout enseignement efficace doit commencer par la prise en compte de la façon qu’ont les étudiants à apprendre » nous rappelaient les auteurs de How learning works (Jossey-Bass, USA 2010), un excellent livre que je recommande vivement si vous vous intéressez aux processus d’apprentissage. Une inquiétude qui doit bien entendu être présente dans nos cours de français. Quelle place faisons-nous à la créativité ? Quelle rôle peuvent jouer les langues plus ou moins proches pour accompagner l’apprentissage ? Ou que faire de ces technologies qui entrent dans nos classes ? Qu’est-ce qui forcément change dans nos pratiques ou dans la dynamique du cours si le monde change autour de nous ? Ces questions, ce sont celles auxquelles essaient de répondre les spécialistes invités à participer au dossier du 400è numéro (bon anniversaire !) du Français dans le monde. couvn400 Dix pages, c’est encore trop peu pour traiter un sujet aussi vaste mais c’est déjà ça pour lancer la réflexion (ou l’approfondir) dans les salles de profs ou dans les réunions pédagogiques. Une réflexion par exemple sur la nécessité de repenser la classe de sorte que soient mis en avant les talents et les centres d’intérêt car « il s’agit de créer les conditions qui permettent (…) d’apprendre et de s’épanouir, sur le plan collectif et individuel » nous rappelle Ken Robinson (FDLM, pp.50-51), l’auteur de L’élément que j’avais eu l’occasion de présenter dans ce blog il y a quelque temps déjà. Et pour atteindre ces objectifs, il nous faut disposer de plus de temps pendant le moment de la classe. Oui, mais comment ? En réorganisant la distribution des contenus et du temps. La classe ou pédagogie inversée (la flipped classroom en anglais) peut être une solution à cette nécessité de repenser la classe. Marcel Lebrun, professeur à l’Université de Louvain (Belgique), nous parle de ce changement de paradigme et résume les trois niveaux de cette démarche pédagogique qui « repositionnent les espaces-temps traditionnels de l’enseigner-apprendre » (pp.52-53). IMG_0154L’idée de la pédagogie inversée commence à faire son entrée dans la classe de FLE, comme me le rapportait une jeune enseignante venezuelienne lors du BELC Régional de Bogota. Elle n’hésite pas à expérimenter ce concept pour donner une nouvelle dynamique à son cours et donc motiver différemment ses élèves. Je constate aussi que dans plus en plus de formations, on nous demande d’en parler dans l’optique de la mettre en place, même si ce n’est que ponctuellement. Et si ces classes peuvent « prendre », c’est aussi parce que les technologies numériques sont arrivées au bon moment, à condition de savoir en user sans en abuser ! Or, cela a été trop souvent le cas à cause d’une certaine précipitation (un « tsunami numérique », pour reprendre le titre du livre d’Emmanuel Davidenkoff, qu’on ne peut ignorer) malgré les appels à la vigilance d’experts tels que Thierry Karsenti (lire aussi cet article). Il faut donc non pas les imposer mais bien savoir les intégrer dans l’apprentissage. C’est dans cette intégration que réside l’innovation pédagogique. Il faut donc que le professeur apprenne à maîtriser ces outils technologiques de plus en plus performants ; qu’il devienne un « enseignant multidimensionnel » nous dit Marc Oddou, bien connu des profs de FLE notamment grâce à son site. La tablette est un bon exemple d’outil qui peut favoriser cette « créativité pédagogique » des apprenants que revendique Ken Robinson, à condition de gérer l’espace-temps différemment, souligne Laurent Carlier (inovateach.com).lcarlier Et pour y parvenir, il faut changer la dynamique de classe et renforcer la place de l’authentique dans la classe. Le web 2.0 doit y contribuer. C’est l’avis de Christian Ollivierr&a_juillet2013, spécialiste de l’introduction de ces nouvelles pratiques en lien avec les mutations technologiques auxquelles nous assistons et surtout participons (cf. Recherches et applications, juillet 2013). Pourquoi le web 2.0 ? Parce qu’il contribue à l’authenticité des échanges en laissant les apprenants réaliser des « tâches ancrées dans la vie réelle » qui débouchent sur un « produit(…) fortement socialisé« . Mais le ‘comment-j’apprends’ ne passe pas que par la technopédagogie. C’est aussi la capacité à mobiliser des stratégies qui vont contribuer à mieux s’approprier d’une langue. Par exemple, en se basant sur les différents degrés de parenté entre la langue cible et celle de départ. Selon la distance de ces langues, les compétences à mobiliser seront différentes, comme nous le décrit Jean-Michel Robert dans un article sur l’intercompréhension, dont on ne parle pas assez en classe de langue comme je le signalais dans ce blog le mois dernier et qui pourtant contribue vraiment à l’apprentissage des langues et à la mobilisation de stratégies pour mieux y arriver.
Voilà donc un superbe numéro du Français dans le monde, une belle réussite avec un riche contenu pédagogique au-delà de ce dossier. A lire absolument, sur papier ou, puisque nous parlons numérique, sur l’application qui accueille la version numérisée de la célèbre revue.

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À lire, un dossier sur la place de la tablette dans l’apprentissage

Posted by Philippe Liria sur 03/05/2014

Dossier tabletteDébut décembre 2013, on informait sur ce blog d’un rapport qui avait été publié sur la place de la tablette numérique à l’école. Co-signé par Thierry Karsenti, l’un des spécialistes de la question, le rapport ne manquait pas de souligner à partir des analyses menées par ses auteurs que l’outil, même s’il présentait d’indéniables avantages, avait aussi des inconvénients en particulier par rapport à la nécessité d’en améliorer l’utilisation ou de former les enseignants.
Maintenant, c’est au tour de la revue Infobourg, spécialisée dans les tendances et ressources numériques éducatives, et Carrefour éducation de présenter un dossier très complet signé Julie Beaupré : 10 conditions pour réussir l’intégration des tablettes en classe : un (grand!) pas vers le changement de pratique.
La conseillère pédagogique TIC qu’est Julie Beaupré y analyse l’intégration d’un outil qui bien que très récent s’impose avec un grand engouement dans les établissements scolaires, quel qu’en soit le niveau. Mais que faut-il pour que l’intégration de cet outil contribue à la réussite ? Comment accompagner les enseignants dans l’appropriation de la tablette ?
Le dossier comprend 3 grandes parties que vous pouvez lire en ligne :

La gestion de classe
1. Avoir le courage de changer sa gestion de classe
2. Travailler par ateliers
3. Faire autrement

Le projet pédagogique
4. S’approprier la tablette… avant le début du projet pédagogique
5. Cibler ses intentions pédagogiques
6. Opter pour des applications de création
7. Simplifier les projets pédagogiques… et se concentrer sur le contenu

Le développement de compétences chez les élèves
8. Planifier les actions des élèves
9. Responsabiliser les élèves
10. Développer des compétences… qui leur seront utiles toute leur vie

En conclusion de ce dossier, l’auteure rappelle l’importance de sensibiliser les enseignants aux aspects pédagogiques de la tablette bien plus qu’aux aspects techniques. Les apprenants apprécieront de travailler avec des outils attrayants mais il faut surtout que les projets soient signifiants et créatifs, qu’ils permettent l’ouverture sur le monde et favorisent l’innovation.
Mais l’utilisation pédagogique efficace passe aussi par la formation des enseignants. Julie Beaupré nous renvoie à deux modèles québécois qui permettent justement aux enseignants de se situer (modèle de Raby et matrice TIM) et que vous découvrir dans cet autre billet proposé par Audrey Miller.

Finalement, à la fin du dossier, Julie Beaupré propose une intéressante sitographie sur la question.

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Apprentissage et numérique… Quels rapports entretenir ?

Posted by Philippe Liria sur 21/12/2013

classe_numerique« Les nouvelles formes d’apprentissage ne sont (…) pas à chercher dans les technologies, mais dans les transformations du système pédagogique qu’elles rendent possibles. » Cette citation ne m’appartient pas, je l’ai tout simplement copiée d’un article de Dominique Cardon. Apprendre/désapprendre. Sur la ligne de crête des apprentissages numériques est un article qui sans aucun doute contribue à la réflexion que nous devons mener sur le rapport, notre rapport, entre technologie et apprentissage. Il s’agit déjà de remettre les choses à leur place, un peu comme le préconise aussi Karsenti. Et Cardon de nous rappeler que la véritable avancée vient de notre meilleure connaissance du cerveau, notamment sur ce qui se passe dans nos têtes quand nous apprenons. Mais ce n’est pas tout, il faut aussi s’interroger sur la façon de gérer les savoirs sans se perdre dans le labyrinthe technologique. Libérer les savoirs plus rudimentaires de la place qu’ils occupent dans nos esprits, c’est bien et ça nous permet de les occuper à des tâches cognitives supérieures.
Dans l’enseignement, cela doit entraîner des changements dans le rôle même qui est le nôtre : nous devons cesser d’être les « maître » pour devenir les « guide ». Cardon nous parle d’une « pédagogie de la guidance », qui va contribuer à ce que les élèves développent des compétences pour ‘apprendre à apprendre’. Mission complexe qui passe nécessairement par la formation des professionnels de l’enseignement afin qu’ils puissent intégrer les trois axes sur lesquels repose cette pédagogie :
– l’individualisation et la personnalisation des apprentissages ;
– la coopération et l’interaction ;
– la motivation.

Mais y parvenons-nous ? Savons-nous changer nos pratiques d’enseignement pour les adapter aux nouveaux schémas d’apprentissage ? Les institutions qui nous encadrent en sont-elles elles-mêmes conscientes ? Savent-elles elles aussi intégrer ces paramètres ? Et puis, il y a les apprenants qui participent eux-mêmes de leur éducation. Accéder à toutes ces technologies ne les rend pas forcément plus libres ni plus critiques ; or, ce devrait être le véritable objectif de cette « société de la connaissance » favorisée par les technologies du numérique. Surtout si le système ne les aide pas à mieux maitriser l’outil dans le sens de savoir fabriquer du numérique car, conclut Cardon, « apprendre à entrer dans la fabrique du numérique, se glisser derrière les interfaces lisses et l’expérience utilisateur contrôlé, constitue une indispensable compétence pour former des citoyens à la fois critiques et créatifs. »

Le billet de Dominique Cardon introduit le forum sur les Nouvelles formes d’apprentissage, proposé par Digital Society Forum et il est complété par trois hyperliens d’intérêt (dont je reprends le chapeau) :

Comment notre cerveau se débrouille-t-il avec les TICE ?, par David Julien Rahmil
Apprendre une information via le web, est-ce la même chose que de l’apprendre dans un livre ou de la bouche d’une personne ? Pas vraiment, si on en croit les différentes études menées sur les processus d’apprentissage et les nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement.

Les TICE, qu’est-ce que ça change ?, par Julia Gualtieri
L’éducation 2.0 ou le rêve d’un nouvel humanisme ! Pendant longtemps, la modernisation numérique de l’enseignement supérieur s’est réduite à multiplier les vagues d’équipement en outils informatiques. Constatant aujourd’hui que ces outils n’influencent ni les pratiques ni les résultats, il semble désormais évident que c’est à une refondation de la pédagogie que l’éducation doit se confronter.
Ce billet renvoie vers d’autres articles sur le rôle de l’enseignant et de l’apprenant, l’évaluation, la pédagogie inversée…

Qu’est-ce qu’apprendre avec le numérique ?, par David Julien Rahmil
Si les ordinateurs ont enfin pénétré dans les salles de classe, la révolution numérique commence à peine à toucher l’enseignement.

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Tablette numérique à l’école : un rapport québécois à ne pas manquer.

Posted by Philippe Liria sur 11/12/2013

rapport_iPad_Karsenti-Fievez_FR_coverUn rapport très intéressant nous arrive du Québec : il s’agit des résultats et de l’analyse sur l’usage de l’iPad dans les écoles québécoises*. Thierry Karsenti et Aurélien Fievez nous livrent dans leur rapport une étude particulièrement complète de la présence des tablettes tactiles en classe. Ils ont enquêté auprès de 6057 élèves et plus de 300 enseignants pour savoir ce qu’ils font de cet outil technologique qui en quelques années semble être devenu incontournable dans l’enseignement/apprentissage.
Les auteurs analysent les nombreux avantages supposés mais aussi bien réels de l’outil sans manquer aussi de mettre le doigt sur les inconvénients, ou plutôt les défis comme ils disent, qu’il présente notamment dans l’amélioration des usages ou des supports en permettant un meilleur usage – ex. : les manuels numériques fortement utilisés mais sans doute peu adaptés – ou dans la nécessité de renforcer la formation des enseignants.
Publié le 9 décembre, vous pouvez le télécharger ici:
en français : rapport_iPad_Karsenti-Fievez_FR ou en anglais : iPad_report_Karsenti-Fievez_EN, ou le retrouver en ligne.

*Karsenti, T. et Fievez, A. (2013). L’iPad à l’école: usages, avantages et dé défis : résultats d’une enquête auprès de 6057 élèves et 302 enseignants du Québec (Canada). Montréal, QC : CRIFPE.

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Le numérique à l’école, selon Thierry Karsenti

Posted by Philippe Liria sur 08/10/2013

Ce billet que je « reblogue » contient les 20 recommandations de Thierry Karsenti sur le virage que devrait prendre l’école pour véritablement entrer dans l’ère numérique.

Thierry Karsenti, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies en éducation et directeur du CRIFPE (Université de Montréal), s’interroge sur l’effet mode des MOOC. Une vision fort intéressante et à ne pas négliger à un moment où beaucoup, et j’en fait partie, défendons avec enthousiasme la techno-pédagogie. Pour en savoir plus, je vous propose de lire son article (mooc_revolution_mode) sur la question MOOC Révolution ou effet de mode ? dans lequel il présente d’abord l’historique des MOOC/CLOM (l’acronyme de nos amis québécois) et les principaux acteurs universitaires impliqués. Il s’interroge ensuite sur la gratuité réelle des MOOC et sur leurs composantes, sur la capacité d’enseigner à des dizaines de millies d’étudiants ou sur l’évaluation (méthodes et techniques). Son article est enrichi d’une bibliographie très complète sur la question.
Même si son article pose des questions sur l’université québécoise et sa capacité et intérêt à développer ce nouvel enseignement, qu’il ne rejette absolument pas, c’est certainement une réflexion qui arrive à point nommé alors qu’en France, l’enseignement supérieur vient de lancer le FUN.

Pour enrichir cette réflexion sur l’accès aux connaissances, je vous propose aussi d’écouter une chronique très intéressante sur Radio Canada toujours à ce sujet (Chronique de Janic Tremblay du 25/09/13) et qui contient notamment une opinion critique (marketing ? rentabilité ? recrutement ?…) de Thierry Karsenti.
Et pour voir la conférence de Thierry Karsenti à ce sujet, cliquez ici.

Pour en savoir plus sur Thierry Karsenti : http://www.thierrykarsenti.ca/

L'espace à zecool

Voici les 20 recommandations de Thierry Karsenti pour le numérique à l’école…

Je reste CONVAINCU que cette vision de l’école, qui est encore perçue par certains comme de l’extra, du nice to have, devient incontournable pour l’école d’aujourd’hui…

Un lien ÉVIDENT à mes yeux avec le profil de sortie, les compétences à développer, le rayonnement, la conscience et l’éthique, la mobilisation communautaire, l’esprit d’entreprendre, l’école inclusive, le développement vie-carrière, la littératie et la numératie, la citoyenneté, l’équité d’accès, et j’en passe…

Du leadership et du courage…!

 

Voir l’article original

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