Le blog de Philippe Liria

Auteur, formateur, consultant et éditeur de français langue étrangère (FLE)

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La classe de FLE dans l’ère covidienne

Posted by Philippe Liria sur 13/12/2020

Annick Hatterer, déléguée pédagogique CLE International en plein webinaire de formation pour les professeurs de français en Roumanie (déc. 2020)

J’ai une collègue hyper démerdentielle (ou devrais-je dire “débrouillantielle” ?) : alors que son ordi allait la planter (victime d’un virus ?) à quelques minutes d’un énième webinaire, elle a réussi à faire un exercice d’équilibriste entre deux postes de travail pour que sa visio se déroule comme si de rien n’était. Heureusement, elle est certainement déjà bien vaccinée contre toutes les mauvaises surprises de ces programmes de conférences en ligne. Il s’agissait ici d’un atelier distanciel (avec un “c” comme dans distanCe). Mais faut-il encore le préciser en cette fin de l’an 1 de l’ère covidienne qui a vu mourir presque toute activité présentielle (avec un “t” contrairement à présenCe) non-essentielle ? L’éducation et la culture en ont fait les frais. Les salles (de classe ou de spectacle) seraient des clusters en puissance, nous dit-on, où il serait impossible de garantir les gestes barrières. Tout se passe donc en ligne, que ce soit synchrone ou asynchrone.

Ce temps où nos regards se croisaient pour de vrai

Il y a encore quelque temps, je n’aurais jamais pu écrire ces lignes mais en ces temps d’état d’urgence planétaire, personne n’aura eu de mal à les comprendre. C’est qu’en neuf mois, notre langage a bien changé ! Eh oui, neuf mois déjà qu’on nous explique que l’enfer, ce sont les autres et qu’il nous faut donc vivre en huis clos, confinés pour le bien de tous. Qui aurait dit qu’un jour on nous recommanderait la distanciation sociale ? Qui aurait pu dire que pour survivre nous devrions avancer masqués ? Neuf mois déjà et nous voici donc en décembre. D’habitude, c’est un mois faste, un mois de retrouvailles et d’embrassades. Il est clair pourtant que cette année restera gravée dans les fastes de ce XXIe siècle comme celle du grand bouleversement, certains diront de la réinvention, des plans B, de la démerde – comme pour ma collègue – ou de la résilience – un autre mot dont on avait parfois du mal à saisir le sens mais que le contexte pandémique nous a permis d’en comprendre toute la dimension. Neuf mois déjà et une envie de tourner la page, un peu comme si nous voulions nous convaincre – très naïvement, soyons honnêtes – qu’avec la nouvelle année, tout serait fini ; que nous pourrions entrer dans ce “nouveau monde” dont on nous parle tant mais qui ne fait guère envie au fur et à mesure qu’on en perçoit les contours. On aurait même plutôt envie de retrouver l’“ancien monde”, imparfait – certes -, mais celui qui point le sera-t-il moins ? Pas question pour autant de tomber dans un passéisme qui ne mène nulle part mais les indices du monde de demain nous font déjà regretter ce temps, si proche et si lointain déjà, où nous étions encore de vrais acteurs sociaux, un temps où communiquer et interagir ne se faisait pas uniquement par écrans interposés, où nous apprenions de l’autre et avec l’autre dans un “faire ensemble” qui passait par le contact (tactile, ô sacrilège des temps nouveaux !), des échanges de vives voix (sans masque) et où les regards se croisaient pour de vrai.   

Le FLE en 2021 : un contexte incertain

Coronavirus 2019-nCoV Concept Illustration. La Terre avec le masque de visage de respirateur et les virus de Corona dans le fond de l’espace.

Rassurez-vous, je ne fais pas une covidéprime. Je ne me laisse pas non plus emporter par la vague complotiste (je ne remets absolument pas en cause l’existence de la COVID-19 ni n’accuse un laboratoire d’être à l’origine du mal – pas plus que je n’accuse le pangolin d’ailleurs) et je ne suis pas non plus tombé dans une certaine collapsologie ambiante – la tentation parfois ne manque pas -. Il faut bien l’admettre, 2020 a quand même des airs de dystopie.

Dans ce contexte global si incertain, et comme je l’écrivais déjà au tout début de la pandémie, notre petit monde du FLE a dû apprendre dès les premiers instants à affronter cette crise en bravant maints obstacles. Il a tout fait pour se réinventer et on a vu comment la transition numérique révolutionnait les pratiques d’enseignement d’un très grand nombre. Il a fallu en effet trouver rapidement des solutions pour garantir la continuité pédagogique lorsque tout à coup l’humanité a baissé le rideau. Plongés dans un confinement brutal, inattendu mais qui ne devait surtout pas durer et dont on disait qu’il nous apporterait des jours meilleurs, apprenants, enseignants, formateurs, fournisseurs de contenu (comme les éditeurs) se sont mobilisés pour que rien ne s’arrête. Ils se sont mobilisés pour que le monde de l’apprentissage des langues (essentiel, non ?) continue à tourner, peut-être plus vraiment rond mais au moins qu’il reste en mouvement (sinon, c’est la chute). La tâche a été ardue, et l’est encore aujourd’hui. Je sais que pour certains, il ne va pas être aisé de renflouer le bateau. Les fermetures administratives ou encore l’interruption de la mobilité à l’échelle mondiale ont eu hélas raison de bien des établissements qui ont dû mettre la clé sous la porte ou d’autres qui essaient de survivre tant bien que mal avec pour horizon l’incertitude qui règne un peu partout sur la planète.

Pour un retour au présentiel

L’euphorie initiale des classes distancielles fait place à la fatigue et l’envie de retrouver du présentiel.

Très rapidement aussi, on a vu des profs de FLE refaire surface. Beaucoup se sont rapidement réinventés à travers les cours en ligne. Les Teams, les Zoom et autres plateformes n’ont plus de secret pour ces enseignants qui ont vu parfois leur activité s’internationaliser avec des apprenants du monde entier qui entraient dans leur salle de cours virtuelle. Il a fallu modifier les pratiques de classe, avoir recours à des ressources différentes, faire preuve d’une grande souplesse horaire au point parfois de faire le grand écart mais, au bout du compte, se retrouver avec un emploi du temps bien rempli. Ce qui n’est pas sans stress mais il a fallu faire du coping pour ne pas sombrer. Malgré tout, que ce soit du côté enseignant ou du côté apprenant, après tous ces mois d’écran, on sent la fatigue et la lassitude.  Il y a bien eu un moment presque d’euphorie. On aurait dit que finalement tout pouvait se faire virtuellement. Le distanciel semblait l’emporter. Peut-être est-ce le cas dans certains secteurs, quoique… mais dans le cas de l’apprentissage-enseignement des langues, et malgré l’incroyable qualité des offres en ligne, on ne peut pas passer que par le numérique. Apprendre une langue passe par le contact, mais pas un contact virtuel. Non ! Un contact réel, sans distanciation (ce qui ne veut pas dire sans précaution). Car apprendre une langue, c’est pouvoir toucher littéralement une culture, la respirer, la savourer, la vivre dans la société dans laquelle elle évolue… C’est comme ça qu’on apprend à vraiment l’aimer. La salle de classe (la vraie) est un de ces premiers espaces de contact puis le voyage et le séjour dans les pays où elle est parlée. 

Espérons que l’ère du tout-écran et des relations uniquement virtuelles prendra fin en 2021. Je ne sais pas si c’est un vaccin qui nous permettra de sortir de nos confinements ou peut-être aussi des politiques plus responsables, qui ne vivent pas seulement au rythme des courbes épidémiologiques ou qui changent d’avis en fonction de la direction des particules aérosoles. Ce qui est certain,  et comme nous sommes en période de voeux, formulons-le, il est essentiel que l’enseignement des langues, et celle du FLE en particulier puisse retrouver toute sa présence, à commencer par celle dans les salles de classe !

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« Nouvelle normalité » éducative dans un monde « d’après » mais sans renoncements

Posted by Philippe Liria sur 30/06/2020

Une école de Taïwan, modèle post-COVID-19 – Image: REUTERS/Ann Wang

Voilà, il paraît que nous commençons à tourner la page de cette période de confinement. Il paraît aussi que plus rien ne sera comme avant dans cette “nouvelle normalité”, annoncée d’ailleurs dès les premiers jours de la crise coronavirale. Il paraît donc que le temps est venu de faire place à l’”école d’après”. Il s’agirait d’une école nouvelle où la normalité prendrait la forme d’un numérique érigé en sauveur face à la menace du vide éducatif dans lequel, en son absence, se précipiterait une grande partie des apprenants.

Un jour, avec du recul, on pourra peut-être se demander pourquoi nous avons été capables d’organiser les supermarchés, souvent restés ouverts, mais n’avons pas, dans l’urgence, su garantir l’éducation en présentiel dans un sens large du terme. Avec toutes les mesures nécessaires, bien sûr ! Et certainement mieux que dans les supermarchés… Les virologues ont certainement une réponse scientifique ; pas forcément partagées par les pédagogues comme le rappelait Jaume Funes, psycholoque spécialiste des adolescents, qui déclarait dans un entretien publié dans La Vanguardia (20/06/2020) que, si on a su « assouplir des mesures par nécessités économiques, on aurait bien pu penser au bien-être des enfants. » Mais au nom de la sécurité sanitaire, les premiers ont été écoutés et les seconds, eh bien, les seconds… Comme si la santé de l’éducation devait être reléguée en deuxième voire troisième plan. Je ne suis pas spécialiste bien entendu mais cela doit-il m’empêcher de m’interroger sur les décisions prises. Ne faut-il dans ces cas-là ne donner la parole qu’aux experts de la santé ? Et les autres ? Mais c’est un autre débat.

Comme dans plusieurs autres secteurs de la société, le numérique – si souvent décrié par les profs – a contribué à assouplir les effets désastreux de la crise sur les apprenants et les enseignants. Certains disent qu’un mythe est tombé. J’ai plutôt l’impression que nous en avons enfin fini avec la diabolisation par défaut du numérique et de tout ce qui tourne autour. Il était temps. Je vous renvoie ici à deux articles que j’avais publiés il y a quelques années sur la question : Haro sur l’innovation pédagogique ! et Smartphone à l’index ? La fausse bonne réponse. Nous avons pu observer en effet que la peur du numérique, parfois même tout simplement de l’outil informatique, a disparu. Ouf ! Vaincre ses peurs ne revient pas à ignorer les dangers que peut présenter le numérique mais le fait même d’y avoir goûté permettra de développer un certain esprit critique. On va ainsi en finir avec la critique gratuite, parfois méchante et partant souvent de préjugés dont il était difficile de se défaire et qui freinaient indéniablement la mise en oeuvre d’une politique pro-active vis-à-vis du numérique. Dommage que l’on ait pas écouté plus attentivement les avertissements lancés par certains comme Emmanuel Davidenkoff qui prédisait en 2014 un tsunami numérique. Davidenkoff s’interrogeait alors sur l’état de la préparation dans lequel allait nous surprendre ce tsunami, lui-même conséquence du séisme sociétal provoqué par le (la?) COVID-19.

Prenons le côté positif de cette situation : elle a permis de prendre conscience de l’importance du numérique dans l’enseignement ; de se rendre compte qu’il présente de nombreux avantages mais qu’il a aussi des limites. Et des besoins : matériels et formatifs.

En tout cas, même si l’analyse à faire est complexe, on ne peut certainement que reconnaître que cela a été mieux avec que sans le numérique. Mais admettons aussi, comme le signale Thierry Karsenti qu’il y a eu “les bons coups et les échecs de l’école à distance”. On a aussi vu que les générations digitales ne sont pas forcément si compétentes numériquement qu’on ne l’aurait pensé ; comme nous avons vu aussi chez les enseignants surgir des talents pédagogiques et créatifs bien au-delà des murs de la classe tout en sachant surmonter des contraintes académico-administratives héritées du « temps d’avant« . Il semblerait que cela s’est plutôt bien passé chez les grands ados et chez les adultes. Apparemment, le résultat est plus mitigé chez les plus jeunes. Un constat que faisait la Conferencia sectorial de Educación début juin en Espagne dans un rapport qui évoquait “la difficulté à développer une activité enseignante non présentielle, spécialement en maternelle et en primaire pour atteindre les objectifs fixés ; ainsi que l’impact produit par la fracture numérique et l’augmentation des inégalités éducatives provoquées par cette situation (…)” 

Actuellement, il est trop tôt pour juger les effets du numérique en classe pendant la crise. D’ailleurs, sommes-nous certains de ce que nous mettons derrière ce concept ? C’est quoi en fait le « numérique” ? Et plus encore, c’est quoi le “numérique” associé au monde de l’éducation ? Le savons-nous vraiment ? A ce sujet, je voulais signaler un article, parmi les nombreux qui ont été écrit sur la question. Il s’agit de celui de Louis Derrac, consultant et formateur, spécialiste dans les domaines de l’éducation et de la culture numérique. Cet article a été publié le 11 juin dernier Quelle place donner au numérique dans “l’école d’après” ? sur son site. Sans être nécessairement d’accord à 100% avec son propos, je crois qu’il permet de rappeler ce que nous sommes plusieurs à dire depuis déjà longtemps : nous ne devons pas plier nos modèles éducatifs à la technologie, ne pas succomber aux charmes d’un numérique à la poudre de perlimpinpin mais savoir en tirer profit ; il faut soumettre l’outil et ses très vastes possibilités aux besoins de l’apprentissage. La situation actuelle nous le montre bien. Ne tombons pas dans le piège de la fascination éblouissante des plateformes et autres outils accompagnant cette nouvelle normalité. Apprenons à faire le tri, une fois encore sans préjugés !  Et surtout apprivoisons ces outils. Faisons en sorte qu’ils s’adaptent à nos besoins – et non l’inverse.

Je vous invite à lire ou relire à ce sujet un article que j’avais publié en 2018 sur la question à l’occasion de la sortie d’un ouvrage collectif proposant des outils numériques pour la classe. Retrouvez aussi cette note de lecture de l’ouvrage Numérique et formation des enseignants de langue

On le voit bien, les questions se bousculent et elles sont légitimes. Et elles ne datent pas d’hier. Elles sont nécessaires pour trouver les meilleures réponses dans cette situation de crise mais répondons-y dans un souci éducatif, pas technologique. Ne revenons pas à ces classes aux tables individuelles où chaque élève apprend dans son coin ce que dicte le maître et où, pis encore, des séparations plastiques ont été parfois installées pour éviter tout contact avec l’autre. Comme on a pu le voir sur certains réseaux diffusant des images d’écoles chinoises. Faisons-le aussi, pour reprendre l’idée de Jaume Funes, sans renoncer aux avancées pédagogiques de ces dernières années qui privilégient le travail collaboratif, la collaboration avec l’autre, l’interaction ; que ce soit virtuellement ou, et surtout en présentiel pour ne pas perdre de vue la fonction sociale de ce lieu extraordinaire qui est la salle de classe, entendu bien sûr, comme un espace non pas cloisonné mais bel et bien ouvert sur le monde. Indispensable en ces temps de replis sur soi-même, de fermeture des frontières et du risque de fermeture d’esprit qui l’accompagne.

Pour aller plus loin :

El ministerio de Educación y Formación profesional y las CCAA acuerdan priorizar las classes presenciales en el curso 2020-2021

Les bons et les échecs de l’école à distance : entrevue avec T. Karsenti (émis le 22 juin 2020)

COVID-19: Countries around the world are reopening their schools. This is what it looks like. (publié sur le site du Forum économique mondial le 2 mai 2020)

Quelle place donner au numérique dans « l’école d’après » ? (publié le 11 juin 2020 sur https://louisderrac.com

L’escola que volen els epidemiòlegs és impossible, entretien avec Jaume Funes (La Vanguardia, 20/06/2020)

Je propose ici une série de liens vers des articles publiés ces dernières années sur mon blog et qui, selon moi, et malgré la date de publication de certains, permettent d’apporter de l’eau au moulin de la réflexion sur la présence du numérique dans la classe.

Le numérique en classe de FLE, oui mais comment ? Trois spécialistes nous aident à y voir plus clair

Quelle intégration du numérique dans la classe de langue ?

Haro sur l’innovation pédagogique !

Le tsunami numérique d’Emmanuel Davidenkoff

Smartphone à l’index : la fausse bonne réponse !

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Continuité n’est pas immobilité pédagogique

Posted by Philippe Liria sur 30/04/2020

En cette période trouble qui bouscule certainement plusieurs de nos certitudes, nous avons vu comment notre petit monde du FLE fait preuve une fois de plus de sa grande capacité de mobilisation malgré les faibles moyens à disposition. C’est en effet extraordinaire de voir comment très vite des webinaires ont été mis en place pour que les apprenants puissent continuer à faire du français et comment les organismes et les différents partenaires des enseignants se sont coupés en quatre pour faciliter l’accès aux ressources, conseiller et former, non sans improvisation parfois. Il n’y avait de toute façon pas le choix. Bien sûr, il y a eu et il y a encore, en raison de l’urgence, des couacs, technologiques et certainement aussi pédagogiques. Vue la manière dans laquelle nous nous sommes retrouvés du jour au lendemain enfermés, confinés à essayer de réinventer la classe, pouvait-il en être autrement ? Combien d’entre nous sont passés en quelques heures d’un dispositif exclusivement en présentiel au cours en ligne, sans même avoir eu le temps de faire une incursion dans l’hybride.

Aller plus loin que la simple transposition

Cette merveilleuse mobilisation ne doit cependant pas nous rendre aveugles. Face à cet engouement presque soudain pour le numérique qu’ont éprouvé beaucoup, il est important de se poser des questions sur le sens-même de l’enseignement/apprentissage dans ce nouveau contexte. Dès les premières heures, les efforts énormes en ingénierie pédagogique qui ont été déployés et qui continuent à l’être ici et là, aux quatre coins de la planète, pour rendre possible les cours en ligne ne doivent pas simplement se baser sur une transposition de ce qui se passait dans la salle de classe vers cet espace virtuel où enseignants et apprenants se donnent maintenant rendez-vous. On l’a bien compris, il s’agit d’aller plus loin. C’est le moment de réinventer la classe et de se réinventer, comme je l’écrivais le mois dernier. Il faut certainement le faire en s’appuyant sur les outils qui sont à la portée de nos apprenants. Je pense par exemple à l’utilisation des smartphones. Souvent décriés et mis à l’index, ces appareils sont pourtant pour beaucoup les seuls moyens d’accéder aux réseaux et donc aux contenus qu’on développe. Or, ceux-ci sont-ils adaptés à l’appareil ? Pas nécessairement mais c’est bien à nous de nous adapter à ces contraintes de la réalité matérielle car celle-ci s’impose tout en garantissant la qualité pédagogique à laquelle chacun a le droit.

Le numérique ne peut pas être non plus la seule réponse

Cette période va nous permettre de mieux comprendre les atouts du numérique et je suis convaincu que même les plus sceptiques auront vu à quel point il nous a aidé à garantir une certaine continuité.  Quant aux plus enthousiastes, ils auront certainement perçu les limites de ce tout-à-distance auquel nous sommes contraints. Ni l’un ni l’autre. On a vu sur les réseaux de merveilleuses vidéos de cours en ligne dans lesquelles on sentait l’enthousiasme des apprenants à pouvoir poursuivre leur apprentissage malgré les circonstances adverses. Mais on a vu aussi que l’apprentissage d’une langue passe aussi par la chaleur du contact humain, par des regards et des sourires que nos écrans n’arrivent pas à transmettre complètement. Nous devrons y réfléchir parce que nos cours en présentiel ne seront plus comme avant mais nous ne devons pas non plus penser qu’il n’y aura que le numérique. Il est trop tôt pour avoir des réponses précises alors que nous sommes encore pleins d’incertitudes mais nous devons profiter de ce moment troublant que vit notre société pour interroger notre pratique d’enseignement et commencer à explorer les nouvelles voies qui s’ouvrent à nous.

Vers de nouvelles pratiques et plus d’autonomie

Depuis des années, nous insistons aussi sur l’importance de l’autonomie d’apprentissage. N’est-ce pas l’occasion de s’y mettre sérieusement ? Ne cherchons pas à prolonger sur internet un modèle dont nous savions pertinemment qu’il s’éloignait de plus en plus des besoins des apprenants. Il nous faut sérieusement interroger nos pratiques et en explorer de nouvelles sans avoir peur d’oser. Il faut aussi que pour cela les évaluations évoluent. Car si elles ne changent pas, les idées les plus novatrices entreront en collision frontale contre la lourdeur des administrations éducatives, qui tel un poids-lourd finiront par écraser l’envie de faire autre chose.

La classe inversée comme nouvel horizon ?  Oui, mais…

On me dit aussi qu’avec ce confinement et la classe en ligne depuis la maison, c’est l’avènement de la classe inversée. Or, contrairement à une idée reçu, et persistante, la classe inversée n’est pas une classe depuis la distance, qui ne se passerait que par écrans d’ordinateur interposés. La classe inversée est avant tout, comme nous le rappelions Marc Oddou, Cynthia Eid et moi-même dans notre ouvrage sur le sujet, une formidable façon de rendre possible les pédagogies actives puisque cette méthodologie, loin de vanter les mérites du numérique, ne cherche qu’à s’appuyer dessus pour renforcer la participation des apprenants en présentiel, donc dans la salle de classe. Ce qui est vrai, c’est que nous devons favoriser dans les moments de connexion avec les apprenants la dynamique que nous voulions justement mettre en oeuvre dans l’espace-classe. Pas question en effet que le moment de connexion soit consacré à des corrections d’exercices ou à une leçon magistrale de grammaire. C’est sur la question de la dynamique de classe que nous pouvons aller puiser des idées dans la démarche proposée pour la mise en oeuvre de la classe inversée et pas du tout sur l’usage du numérique en soi.

Revoir nos paradigmes

Bref, cette situation inattendue doit nous permettre de faire ce pas vers la vraie transition pédago-numérique. Une transition qui doit se faire depuis la réflexion mais aussi avec audace – dépassons nos peurs d’internet -, avec des ratés – pas de succès sans échec -, pour que justement l’apprentissage ne soit plus comme avant.  On l’aurait souhaité autrement ? Il n’en fait aucun doute ! Mais peu importe, et nous l’avons vu, ce n’est pas ce maudit virus qui va empêcher d’apprendre et donc de réfléchir, d’échanger, de débattre… par contre, il nous oblige à revoir nos paradigmes. Le monde de l’enseignement/apprentissage des langues et en particulier celui du français n’en réchappe pas.

 

 

 

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