Le blog de Philippe Liria

Auteur, formateur, consultant et éditeur de français langue étrangère (FLE)

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« Nouvelle normalité » éducative dans un monde « d’après » mais sans renoncements

Posted by Philippe Liria sur 30/06/2020

Une école de Taïwan, modèle post-COVID-19 – Image: REUTERS/Ann Wang

Voilà, il paraît que nous commençons à tourner la page de cette période de confinement. Il paraît aussi que plus rien ne sera comme avant dans cette “nouvelle normalité”, annoncée d’ailleurs dès les premiers jours de la crise coronavirale. Il paraît donc que le temps est venu de faire place à l’”école d’après”. Il s’agirait d’une école nouvelle où la normalité prendrait la forme d’un numérique érigé en sauveur face à la menace du vide éducatif dans lequel, en son absence, se précipiterait une grande partie des apprenants.

Un jour, avec du recul, on pourra peut-être se demander pourquoi nous avons été capables d’organiser les supermarchés, souvent restés ouverts, mais n’avons pas, dans l’urgence, su garantir l’éducation en présentiel dans un sens large du terme. Avec toutes les mesures nécessaires, bien sûr ! Et certainement mieux que dans les supermarchés… Les virologues ont certainement une réponse scientifique ; pas forcément partagées par les pédagogues comme le rappelait Jaume Funes, psycholoque spécialiste des adolescents, qui déclarait dans un entretien publié dans La Vanguardia (20/06/2020) que, si on a su « assouplir des mesures par nécessités économiques, on aurait bien pu penser au bien-être des enfants. » Mais au nom de la sécurité sanitaire, les premiers ont été écoutés et les seconds, eh bien, les seconds… Comme si la santé de l’éducation devait être reléguée en deuxième voire troisième plan. Je ne suis pas spécialiste bien entendu mais cela doit-il m’empêcher de m’interroger sur les décisions prises. Ne faut-il dans ces cas-là ne donner la parole qu’aux experts de la santé ? Et les autres ? Mais c’est un autre débat.

Comme dans plusieurs autres secteurs de la société, le numérique – si souvent décrié par les profs – a contribué à assouplir les effets désastreux de la crise sur les apprenants et les enseignants. Certains disent qu’un mythe est tombé. J’ai plutôt l’impression que nous en avons enfin fini avec la diabolisation par défaut du numérique et de tout ce qui tourne autour. Il était temps. Je vous renvoie ici à deux articles que j’avais publiés il y a quelques années sur la question : Haro sur l’innovation pédagogique ! et Smartphone à l’index ? La fausse bonne réponse. Nous avons pu observer en effet que la peur du numérique, parfois même tout simplement de l’outil informatique, a disparu. Ouf ! Vaincre ses peurs ne revient pas à ignorer les dangers que peut présenter le numérique mais le fait même d’y avoir goûté permettra de développer un certain esprit critique. On va ainsi en finir avec la critique gratuite, parfois méchante et partant souvent de préjugés dont il était difficile de se défaire et qui freinaient indéniablement la mise en oeuvre d’une politique pro-active vis-à-vis du numérique. Dommage que l’on ait pas écouté plus attentivement les avertissements lancés par certains comme Emmanuel Davidenkoff qui prédisait en 2014 un tsunami numérique. Davidenkoff s’interrogeait alors sur l’état de la préparation dans lequel allait nous surprendre ce tsunami, lui-même conséquence du séisme sociétal provoqué par le (la?) COVID-19.

Prenons le côté positif de cette situation : elle a permis de prendre conscience de l’importance du numérique dans l’enseignement ; de se rendre compte qu’il présente de nombreux avantages mais qu’il a aussi des limites. Et des besoins : matériels et formatifs.

En tout cas, même si l’analyse à faire est complexe, on ne peut certainement que reconnaître que cela a été mieux avec que sans le numérique. Mais admettons aussi, comme le signale Thierry Karsenti qu’il y a eu “les bons coups et les échecs de l’école à distance”. On a aussi vu que les générations digitales ne sont pas forcément si compétentes numériquement qu’on ne l’aurait pensé ; comme nous avons vu aussi chez les enseignants surgir des talents pédagogiques et créatifs bien au-delà des murs de la classe tout en sachant surmonter des contraintes académico-administratives héritées du « temps d’avant« . Il semblerait que cela s’est plutôt bien passé chez les grands ados et chez les adultes. Apparemment, le résultat est plus mitigé chez les plus jeunes. Un constat que faisait la Conferencia sectorial de Educación début juin en Espagne dans un rapport qui évoquait “la difficulté à développer une activité enseignante non présentielle, spécialement en maternelle et en primaire pour atteindre les objectifs fixés ; ainsi que l’impact produit par la fracture numérique et l’augmentation des inégalités éducatives provoquées par cette situation (…)” 

Actuellement, il est trop tôt pour juger les effets du numérique en classe pendant la crise. D’ailleurs, sommes-nous certains de ce que nous mettons derrière ce concept ? C’est quoi en fait le « numérique” ? Et plus encore, c’est quoi le “numérique” associé au monde de l’éducation ? Le savons-nous vraiment ? A ce sujet, je voulais signaler un article, parmi les nombreux qui ont été écrit sur la question. Il s’agit de celui de Louis Derrac, consultant et formateur, spécialiste dans les domaines de l’éducation et de la culture numérique. Cet article a été publié le 11 juin dernier Quelle place donner au numérique dans “l’école d’après” ? sur son site. Sans être nécessairement d’accord à 100% avec son propos, je crois qu’il permet de rappeler ce que nous sommes plusieurs à dire depuis déjà longtemps : nous ne devons pas plier nos modèles éducatifs à la technologie, ne pas succomber aux charmes d’un numérique à la poudre de perlimpinpin mais savoir en tirer profit ; il faut soumettre l’outil et ses très vastes possibilités aux besoins de l’apprentissage. La situation actuelle nous le montre bien. Ne tombons pas dans le piège de la fascination éblouissante des plateformes et autres outils accompagnant cette nouvelle normalité. Apprenons à faire le tri, une fois encore sans préjugés !  Et surtout apprivoisons ces outils. Faisons en sorte qu’ils s’adaptent à nos besoins – et non l’inverse.

Je vous invite à lire ou relire à ce sujet un article que j’avais publié en 2018 sur la question à l’occasion de la sortie d’un ouvrage collectif proposant des outils numériques pour la classe. Retrouvez aussi cette note de lecture de l’ouvrage Numérique et formation des enseignants de langue

On le voit bien, les questions se bousculent et elles sont légitimes. Et elles ne datent pas d’hier. Elles sont nécessaires pour trouver les meilleures réponses dans cette situation de crise mais répondons-y dans un souci éducatif, pas technologique. Ne revenons pas à ces classes aux tables individuelles où chaque élève apprend dans son coin ce que dicte le maître et où, pis encore, des séparations plastiques ont été parfois installées pour éviter tout contact avec l’autre. Comme on a pu le voir sur certains réseaux diffusant des images d’écoles chinoises. Faisons-le aussi, pour reprendre l’idée de Jaume Funes, sans renoncer aux avancées pédagogiques de ces dernières années qui privilégient le travail collaboratif, la collaboration avec l’autre, l’interaction ; que ce soit virtuellement ou, et surtout en présentiel pour ne pas perdre de vue la fonction sociale de ce lieu extraordinaire qui est la salle de classe, entendu bien sûr, comme un espace non pas cloisonné mais bel et bien ouvert sur le monde. Indispensable en ces temps de replis sur soi-même, de fermeture des frontières et du risque de fermeture d’esprit qui l’accompagne.

Pour aller plus loin :

El ministerio de Educación y Formación profesional y las CCAA acuerdan priorizar las classes presenciales en el curso 2020-2021

Les bons et les échecs de l’école à distance : entrevue avec T. Karsenti (émis le 22 juin 2020)

COVID-19: Countries around the world are reopening their schools. This is what it looks like. (publié sur le site du Forum économique mondial le 2 mai 2020)

Quelle place donner au numérique dans « l’école d’après » ? (publié le 11 juin 2020 sur https://louisderrac.com

L’escola que volen els epidemiòlegs és impossible, entretien avec Jaume Funes (La Vanguardia, 20/06/2020)

Je propose ici une série de liens vers des articles publiés ces dernières années sur mon blog et qui, selon moi, et malgré la date de publication de certains, permettent d’apporter de l’eau au moulin de la réflexion sur la présence du numérique dans la classe.

Le numérique en classe de FLE, oui mais comment ? Trois spécialistes nous aident à y voir plus clair

Quelle intégration du numérique dans la classe de langue ?

Haro sur l’innovation pédagogique !

Le tsunami numérique d’Emmanuel Davidenkoff

Smartphone à l’index : la fausse bonne réponse !

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Mobilisation en FLE par temps de coronavirus : réinventer la classe et se réinventer

Posted by Philippe Liria sur 16/03/2020

Fête de la Francophonie 2020 reportée à Lisbonne pour cause de coronavirus.

C’est la Fête de la Francophonie mais, avouons-le, le coeur n’y est pas vraiment. Nous traversons toutes et tous de drôles de temps, inconnus pour la plupart et incertains pour tous. La mondialisation physique, celle qui devrait nous permettre d’aller librement d’un lieu à un autre sur cette planète est soudainement remise en cause par un virus qui n’en a rien à faire de ces frontières que nous nous sommes inventées. Un virus contre lequel nous ne savons pas vraiment lutter. Il est plus simple en Europe de freiner à coups de gaz lacrymogène voire à coups de feu réel les réfugiés syriens, pakistanais, sénégalais et d’ailleurs qui fuient la guerre et la misère que de se mettre d’accord pour mobiliser tous les moyens nécessaires permettant d’en finir avec COVID-19

Ce coup de frein à la circulation des personnes dans le monde entier est en train de favoriser l’autre mondialisation, celle que nous permet internet. Fortement critiqué pourtant, il n’y encore pas si longtemps par tout un pan de la population qui reprochait le manque de contact social de l’outil. Voilà qu’en ces moments de confinement obligatoire, internet permet de ne pas nous retrouver dans l’isolement le plus complet. Non seulement pour recevoir des nouvelles de l’extérieur, des nouvelles du monde entier, que nous devons, certes, filtrer pour ne pas tomber dans le piège des fake news mais qui sont toujours mieux que les infos censurées du temps où seul les canaux officiels – souvent ceux de l’Etat – prétendaient nous dire les choses.

L’apprentissage en quarantaine mondiale

Comme des dominos tombant l’un après l’autre, les pays ont baissé le rideau dans l’espoir d’en finir avec le coronavirus. C’est dans ce contexte de crise sanitaire mondiale que les lieux d’enseignement en présentiel d’un peu partout sur cette planète se sont soudain retrouvés fermés, comme à peu près tous les autres espaces naturels de rencontre et de partage – car l’école dans son sens général en est bel et bien un -. Tout à coup, on voit des milliers et milliers de professionnels de l’enseignement se retourner, parfois malgré eux, vers internet et les possibilités – et même les nouvelles opportunités – que leur offre la grande Toile, souvent si décriée par beaucoup d’enseignants. Le monde du FLE ne réchappe pas à cette dure réalité. 

Le monde du FLE touché mais mobilisé

C’est même le branle-bas de combat en FLE ! Du jour au lendemain, de Hong Kong à Cusco en passant par Milan, Barcelone, Riyad, Washington et un très long etc. professeurs, responsables pédagogiques, directeurs ont renforcé leur offre de cours en ligne ou, et c’est souvent le cas, ont dû commencer à mettre en place des stratégies pour compenser au maximum, à défaut de les remplacer complètement, leurs cours en présentiel qui avaient les jours comptés. L’enseignement du français langue étrangère n’allait tout de même pas laisser abattre par un virus. Il s’agissait, et s’agit toujours de garantir la continuité pédagogique – et, j’ajouterai, économique -. En quelques jours donc, on a assisté à une mobilisation générale et sur tous les fronts : celui de la création de nouvelles ressources adaptées à la situation de crise. On voyait ainsi les profs de l’Alliance française de Hong Kong se lancer dans l’élaboration de capsules vidéos. Son directeur, David Cordina soulignait dès le 5 février sur son compte Twiter que “la seule chose positive de cette crise majeure et très inquiétante pour l’avenir, c’est le travail d’équipe des professeurs” qui se préparait à une vraie “transition numérique”. Pas le choix quand il n’existe aucune alternative pour ne pas disparaître et c’est en quatre jours qu’ils ont monté HKids in French, un réseau social (accompagné de session avec Zoom, outil gratuit pour visioconférence) qui s’adresse aux apprenants d’entre 8 et 16 ans. Il a fallu se mettre à produire des capsules vidéos quand on en n’avait jamais faites pour certains, sans oublier d’être créatifs. Le réseau comptait au début du mois de mars plus de 50 capsules sur la chaîne Youtube de cette Alliance française précurseuse malgré elle. Mais depuis, et de façon exponentielle au rythme de l’extension du virus et de ses mises en quarantaine, d’autres s’y sont mis comme à l’Institut français de Milan où Jérôme Rambert, le coordinateur TICE de qui a accompagné le passage 100% en ligne des cours de cette institution. En fait, c’est l’ensemble de la planète FLE qui est touché par ce fléau complètement inédit. Du prof en cours particulier aux grands réseaux d’Alliance françaises en passant par les très nombreux formateurs/-trices indépendants qui voient leurs missions annulées les une après les autres, les sites dédiés et les éditeurs FLE, il s’agit de trouver des réponses pour que l’apprentissage de la langue ne s’arrête pas.

Annick Hatterer, professeure FLE et déléguée pédagogique CLE International en webinaire comme alternative pendant la crise du Coronavirus.

Le numérique comme réponse

On le voit bien, le numérique, si décrié parfois dans le monde enseignant, peut être une réponse satisfaisante parce qu’il est ce “levier de transformation” pour reprendre le terme que Jacques Pécheur emploie dans un article du dernier numéro du Français dans le Monde (nº428, mars-avril 2020) consacré aux mots qui “ont changé la didactiques”. Car avec le numérique, écrit-il, “les relations qui se créent sont certes dématérialisées mais aussi bien réelles”.  Cela veut dire de se mettre à travailler à l’aide de plateformes, de généraliser la pratique des webinaires, de mettre en avant les espaces digitaux contenant des ressources, activités en ligne mais aussi des espaces profs/élèves d’échange et d’interaction, des outils d’apprentissage comme les manuels numériques… Bref, il s’agit de mobiliser tous les outils que nous fournit internet ! Enseignants et apprenants qui sont familiarisés avec les techniques de la classe inversée connaissent déjà bien ces supports et dispositifs, mais aussi et c’est très important l’usage pédagogique à donner. Je suis sûr que certains collègues enseignants qui ne voulaient pas entendre parler de tablettes ou de portables, qu’ils diabolisaient, vont se rendre compte à leur tour du potentiel qu’ils représentent en ces moments de crise. 

On dit que c’est alors qu’il était confiné chez lui en raison de la peste bubonique qui faisait des ravages dans l’Angleterre de la deuxième moitié du XVIIe siècle qu’Isaac Newton a développé sa théorie de la gravité. Souhaitons que ce mauvais moment que nous traversons, où que nous soyons sur cette planète, soit l’occasion à toutes et tous qui sommes dans le monde du FLE de réinventer une façon de faire les cours et de se réinventer. Souhaitons-le pour que la Francophonie, dont c’est la fête en ce mois de mars, retrouve toutes ses couleurs l’année prochaine.

 

Pour en savoir plus

A lire ou relire, l’ouvrage Pratiques et Projets numériques en classe de FLE dont David cordina et Jérôme Rambert sont co-auteurs avec Marc Oddou.

« 2000-2020 : Des mots qui ont changé la didactique », Jacques Pécheur dans Le Français dans le monde, nº428, p.34-35 (mars-avril 2020)

Pour créer vos propres capsules, suivez les conseils de Marc Oddou (cf. La classe inversée)

Un exemple de ressources en ligne : les activités autocorrectives de Tendances (accès gratuit, illimité, du A1 au B2)

 

 

 

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Le numérique en classe de FLE ? Oui mais comment ? Trois spécialistes nous aident à y voir plus clair.

Posted by Philippe Liria sur 21/01/2018

Peut-on raisonnablement envisager d’enseigner sans penser à la place du numérique en classe ? Accro ou pas aux écrans, la question mérite d’être posée. On sait que l’invasion des écrans dans le quotidien de nos vies peut être un facteur de distraction. On sait aussi que tout le monde n’a pas la même possibilité de connexion et que le risque de fracture socio-numérique est une réalité qu’on ne peut donc ignorer. Certains pays ont pris des mesures d’ailleurs pour interdire l’usage à l’école de certains appareils comme les smartphones ; d’autres sont sur le point de le faire comme c’est le cas de la France. C’était une des promesses du candidat Macron lors de sa campagne présidentielle. Aujourd’hui au pouvoir, il semble bien décider à la tenir. En France, l’interdiction des téléphones intelligents est pour la prochaine rentrée scolaire, nous annonce-t-on. Personnellement, je ne crois pas que ce soit une bonne idée si nous voulons donner une vraie éducation numérique, indispensable et dès un très jeune âge. Le numérique est omniprésent dans notre environnement et rien ne laisse présager que cette présence diminuera, au contraire. Mieux vaut donc dans ce cas en maîtriser l’usage. Dès lors, n’est-ce pas à l’école d’y contribuer ?

L’omniprésence du numérique nous oblige à nous interroger sur sa place dans l’enseignement/apprentissage des langues

Dans notre milieu, celui du français langue étrangère (FLE), il ne peut en être autrement. Comme partout ailleurs dans la société, nos élèves, jeunes et moins jeunes sont connectés. Y compris, voire peut-être plus qu’ailleurs, dans les pays en voie de développement. Le smartphone, tant décrié en France par exemple, est souvent la seule source d’information pour beaucoup de nos apprenants. C’est souvent leur façon de se connecter avec la langue qu’ils apprennent, ce qui participe évidemment de leur motivation. Ce simple constat nous oblige, du côté enseignant, à connaître les outils numériques qui peuvent être au service de l’apprentissage. Ceux-ci n’ont pas besoin d’être complexe ; au contraire, il peut tout simplement s’agir d’applications utilisées dans la vie de tous les jours mais auxquelles sera donné un usage didactique. C’est en tout cas ce que nous montrent David Cordina, Jérôme Rambert et Marc Oddou dans leur ouvrage Pratiques et projets numériques en classe de FLE qui vient de sortir dans la collection Techniques et pratiques de classe aux éditions CLE International. Tous trois experts en TICE – vous pouvez d’ailleurs les suivres sur leur Twitter ou sur leur blog respectif (voir plus bas) -, ils se sont réunis pour proposer aux enseignants de langues vivantes en général et plus particulièrement de FLE une série de “50 fiches concrètes (…) pour un usage immédiat de l’enseignant dans son contexte professionnel”. Ce livre part d’un constat, indéniable comme je l’écrivais plus haut, c’est que la “place grandissante prise par le numérique dans nos quotidiens aura de plus en plus de conséquences sur nos différents contextes d’enseignement” tout simplement parce qu’ »enseigner une langue au XXIe siècle n’est plus tout à fait la même chose qu’au XXe siècle.” Il ne s’agit pas de voir le numérique comme un ennemi de l’enseignant, voué à disparaître au profit de cette diabolique invention, mais bien de s’interroger sur les nouveaux rapports qui doivent se créer entre les éléments de cette trinité que constituent professeur, élève et numérique avec un centre l’enseignement-apprentissage. Un numérique qui passe de moins en moins par l’ordinateur ; ce qui veut dire aussi qu’en classe, il n’y plus lieu d’associer le numérique avec ces salles informatiques avec ces appareils figés qui, surtout pour le cours de langue, nous renvoient à des temps révolus.

Vers une littératie numérique
Comme le rappellent les auteurs, sans ignorer les différences pouvant exister entre un point et un autre de la planète, le rapport annuel We are socialinsiste bien sur la tendance forte de l’augmentation des personnes connectées à Internet sur les téléphones portables et les réseaux sociaux.” Et pour quoi faire ? “Principalement pour converser avec ses proches”. Un professeur de langue ne peut ignorer cette tendance qui va justement dans le sens de l’un des principaux objectifs de son enseignement. D’où la nécessité d’acquérir (et faire acquérir) une “véritable culture numérique visant à donner à chacun une pratique sûre et critique des technologies de l’information et de la communication” qui va d’ailleurs au-delà du simple usage pour devenir compétent dans la création de contenus. C’est ce qui fait du numérique à la fois le “moyen” et l’ »objectif dans une tâche complexe”, ce qui contribue à lui donner du sens.
Les auteurs montrent comment nous sommes passés de l’observation à l’utilisation de ces outils de communication entre les apprenants d’une même classe. Un constat que je partage avec eux : presque tous les enseignants rencontrés à l’occasion d’ateliers et de journées pédagogiques nous rapportent que leurs élèves ont créé spontanément un groupe sur Facebook ou sur Whatsapp pour échanger sur la classe de français. Et si le professeur intègre le groupe, les échanges se font de plus en plus en français. Inimaginable il y a à peine quelques années !
C’est pour cela d’ailleurs qu’il est préférable que les enseignants aient une place dans cet usage du numérique plutôt que de simplement le constater. Pendant la classe mais aussi, nous rappellent les auteurs, avant et après celle-ci.

Le numérique au service de la didactique

Ce que nous expliquent Cordina, Rambert et Oddou, c’est que cette intégration du numérique qu’ils défendent n’est pas de la simple technophilie mais qu’elle s’appuie sur les possibilités qu’il nous offre à suivre avec plus d’efficacité les principes du constructivisme et du du socio-constructivisme et bien sûr, ceux du connectivisme. Bref, le numérique, loin de provoquer le divorce entre ce qui se faisait avant et ce qui est aujourd’hui préconisé, doit inciter à mettre en place “une démarche qui nécessite d’être conscient des nouvelles possibilités” qu’il offre. Il “devient alors une partie qui transforme le tout”. Il va nous aider à rendre possible cette reformulation de la classe et l’enseignement-apprentissage dont il est tant question. Pour que cela soit vraiment efficace, il faut poser les bases de l’ingénierie numérique pour les langues, c’est que font nos auteurs dans le troisième chapitre de leur ouvrage à partir de quatre questions (pourquoi intégrer le numérique ?, avec quoi ?, comment ? quand ?) auxquelles ils essaient d’apporter des réponses précises en s’appuyant notamment sur le modèle SAMR qui propose “une méthode permettant de mieux saisir comment la technologie peut avoir un impact sur l’enseignement et l’apprentissage”.

Dans un contexte FLE, où un peu partout est préconisée l’approche actionnelle, les auteurs montrent en quoi le numérique va aider à en concrétiser la mise en place ; tout comme il va présenter d’autres avantages contribuant à la motivation des élèves, plus autonomes et ayant un plus grand accès au monde francophone.

50 fiches pratiques pour aider à mieux intégrer le numérique dans la classe de FLE
Après ces quatre chapitres plus théoriques mais absolument indispensables qui constituent la première partie de l’ouvrage, s’ensuivent 35 fiches de “Savoir-faire numériques” pour orienter les enseignants dans l’usage d’outils numériques facilitant la production, l’évaluation et la collaboration ; puis 15 fiches de “Projets numériques pour les apprenants” divisées en quatre catégories : les scénarios d’interactions brèves, les scénarios d’écriture multimédia, les scénarios de géolocalisation et les scénarios d’argumentation. Tous ces scénarios sont essentiellement destinés à favoriser l’interaction et la production écrite sans pour autant négliger les autres compétences.
Finalement, et on l’apprécie, un index reprend l’ensemble des fiches leur catégorie, le savoir-faire numérique qu’elle met en oeuvre et les outils numériques pour y parvenir.
Pratiques et projets numériques en classe de FLE est certainement un ouvrage indispensable pour tous les enseignants de FLE qui ont intégré le numérique dans leur classe et plus encore pour celles et ceux qui se posent des questions, ont envie mais n’osent voire s’y opposent. Avec le numérique, nous sommes bel et bien face à une révolution dans l’enseignement/apprentissage des langues et voici un livre qui nous nous apportent des éléments pour mieux l’affronter et des fiches qui vont nous aider à surtout mieux l’intégrer. Non pas aveuglément parce que c’est la mode, mais intelligemment en en tirant le meilleur profit sans y être soumis pour autant.

Pour en savoir plus :
Cordina, D., Rambert, J., Oddou, M. : Pratiques et projets numériques en classe de FLE, Coll. Techniques et pratiques de classe. CLE International, Paris, 2018. ISBN : 978-2-09-038230-3 Lien vers le site : https://www.cle-international.com/formation/pratiques-et-projets-numeriques-en-classe-de-fle-techniques-et-pratiques-de-classe-livre-9782090382303.html
Toutes les citations de cet article sont tirées de cet ouvrage.

Pour suivre David Cordina :
– sur Twitter : @w2ydavid
– sur son blog : http://davidcordina.net

Pour suivre Jérôme Rambert :
sur Twitter : @JeromeRambert
sur son blog : http://chezjerome.over-blog.com

Pour suivre Marc Oddou :
sur Twitter : @MOddou
sur son blog : http://moddou.com

Rapport sur l’usage du numérique dans le monde : https://wearesocial.com
A propos du SAMR : Le blog de Rubén Puentedura http://hippasus.com/blog/

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MOOC Travailler en français : le bilan

Posted by Philippe Liria sur 05/10/2014

moocEn janvier dernier, j’avais eu le plaisir d’interviewer Alix Creuzé à l’occasion du lancement du MOOC Travailler en français (lire l’entretien). En septembre, Le café du FLE a proposé de dresser le bilan de cette initiative. Alix Creuzé et Jérôme Rambert ont donc répondu aux questions du webzine en soulignant les réussites mais aussi les limites de cette expérience. Lire l’article.

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