Le blog de Philippe Liria

Auteur, formateur, consultant et éditeur de français langue étrangère (FLE)

Le numérique au service de l’innovation pédagogique

Posted by Philippe Liria sur 15/07/2015

IMG_0151« L’élève doit être au centre de l’apprentissage ! » C’est une phrase que tout le monde a entendue mais qu’en est-il réellement ? Une fois dans la classe, la pression des programmes, des institutions, le manque de temps ou de formation font que trop souvent encore la classe est organisée non pas en fonction de l’élève et de sa façon d’apprendre mais plutôt en fonction de ces impératifs. Pourtant, nous devrions tous nous interroger sur notre manière d’apprendre, sur celle de nos étudiants et donc sur ce que nous faisons pour faciliter cet apprentissage. « Tout enseignement efficace doit commencer par la prise en compte de la façon qu’ont les étudiants à apprendre » nous rappelaient les auteurs de How learning works (Jossey-Bass, USA 2010), un excellent livre que je recommande vivement si vous vous intéressez aux processus d’apprentissage. Une inquiétude qui doit bien entendu être présente dans nos cours de français. Quelle place faisons-nous à la créativité ? Quelle rôle peuvent jouer les langues plus ou moins proches pour accompagner l’apprentissage ? Ou que faire de ces technologies qui entrent dans nos classes ? Qu’est-ce qui forcément change dans nos pratiques ou dans la dynamique du cours si le monde change autour de nous ? Ces questions, ce sont celles auxquelles essaient de répondre les spécialistes invités à participer au dossier du 400è numéro (bon anniversaire !) du Français dans le monde. couvn400 Dix pages, c’est encore trop peu pour traiter un sujet aussi vaste mais c’est déjà ça pour lancer la réflexion (ou l’approfondir) dans les salles de profs ou dans les réunions pédagogiques. Une réflexion par exemple sur la nécessité de repenser la classe de sorte que soient mis en avant les talents et les centres d’intérêt car « il s’agit de créer les conditions qui permettent (…) d’apprendre et de s’épanouir, sur le plan collectif et individuel » nous rappelle Ken Robinson (FDLM, pp.50-51), l’auteur de L’élément que j’avais eu l’occasion de présenter dans ce blog il y a quelque temps déjà. Et pour atteindre ces objectifs, il nous faut disposer de plus de temps pendant le moment de la classe. Oui, mais comment ? En réorganisant la distribution des contenus et du temps. La classe ou pédagogie inversée (la flipped classroom en anglais) peut être une solution à cette nécessité de repenser la classe. Marcel Lebrun, professeur à l’Université de Louvain (Belgique), nous parle de ce changement de paradigme et résume les trois niveaux de cette démarche pédagogique qui « repositionnent les espaces-temps traditionnels de l’enseigner-apprendre » (pp.52-53). IMG_0154L’idée de la pédagogie inversée commence à faire son entrée dans la classe de FLE, comme me le rapportait une jeune enseignante venezuelienne lors du BELC Régional de Bogota. Elle n’hésite pas à expérimenter ce concept pour donner une nouvelle dynamique à son cours et donc motiver différemment ses élèves. Je constate aussi que dans plus en plus de formations, on nous demande d’en parler dans l’optique de la mettre en place, même si ce n’est que ponctuellement. Et si ces classes peuvent « prendre », c’est aussi parce que les technologies numériques sont arrivées au bon moment, à condition de savoir en user sans en abuser ! Or, cela a été trop souvent le cas à cause d’une certaine précipitation (un « tsunami numérique », pour reprendre le titre du livre d’Emmanuel Davidenkoff, qu’on ne peut ignorer) malgré les appels à la vigilance d’experts tels que Thierry Karsenti (lire aussi cet article). Il faut donc non pas les imposer mais bien savoir les intégrer dans l’apprentissage. C’est dans cette intégration que réside l’innovation pédagogique. Il faut donc que le professeur apprenne à maîtriser ces outils technologiques de plus en plus performants ; qu’il devienne un « enseignant multidimensionnel » nous dit Marc Oddou, bien connu des profs de FLE notamment grâce à son site. La tablette est un bon exemple d’outil qui peut favoriser cette « créativité pédagogique » des apprenants que revendique Ken Robinson, à condition de gérer l’espace-temps différemment, souligne Laurent Carlier (inovateach.com).lcarlier Et pour y parvenir, il faut changer la dynamique de classe et renforcer la place de l’authentique dans la classe. Le web 2.0 doit y contribuer. C’est l’avis de Christian Ollivierr&a_juillet2013, spécialiste de l’introduction de ces nouvelles pratiques en lien avec les mutations technologiques auxquelles nous assistons et surtout participons (cf. Recherches et applications, juillet 2013). Pourquoi le web 2.0 ? Parce qu’il contribue à l’authenticité des échanges en laissant les apprenants réaliser des « tâches ancrées dans la vie réelle » qui débouchent sur un « produit(…) fortement socialisé« . Mais le ‘comment-j’apprends’ ne passe pas que par la technopédagogie. C’est aussi la capacité à mobiliser des stratégies qui vont contribuer à mieux s’approprier d’une langue. Par exemple, en se basant sur les différents degrés de parenté entre la langue cible et celle de départ. Selon la distance de ces langues, les compétences à mobiliser seront différentes, comme nous le décrit Jean-Michel Robert dans un article sur l’intercompréhension, dont on ne parle pas assez en classe de langue comme je le signalais dans ce blog le mois dernier et qui pourtant contribue vraiment à l’apprentissage des langues et à la mobilisation de stratégies pour mieux y arriver.
Voilà donc un superbe numéro du Français dans le monde, une belle réussite avec un riche contenu pédagogique au-delà de ce dossier. A lire absolument, sur papier ou, puisque nous parlons numérique, sur l’application qui accueille la version numérisée de la célèbre revue.

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