Le blog de Philippe Liria

Auteur, formateur, consultant et éditeur de français langue étrangère (FLE)

De bonnes résolutions pour le français en 2018 ?

Posted by Philippe Liria sur 31/12/2017

Plus que quelques heures avant d’entrer en 2018 (du moins pour celles et ceux qui comme moi sont en Europe en ce moment). Une occasion pour se retourner une dernière fois sur les douze derniers mois qui se sont écoulés. Que reste-t-il de 2017 ? Pas envie de dresser un bilan politique, qui n’est toutefois pas très glorieux. Mais après tout, il est à la hauteur de nos bilans personnels : combien d’heures au club de sport cette année ? combien de temps de plus avons-nous vraiment consacré aux êtres qui nous sont chers ? Bref, les bonnes résolutions personnelles ou les promesses politiques, c’est un peu du pareil au même. Elles durent le temps d’un verre de champagne ou d’une campagne électorale.
Puisque ce blog porte plutôt sur la langue française et son enseignement / apprentissage, que dire de ce que nous a apporté 2017 ? En France, le grand sujet a été certainement le débat autour de l’écriture inclusive. Comme je l’ai écrit en octobre dernier, quitte à déplaire, je ne suis pas vraiment convaincu que ce soit le vrai terrain sur lequel nous devons combattre les inégalités, absolument inconcevables, qui demeurent entre les sexes. Parmi les lecteurs de ce blog, vous avez d’ailleurs plutôt partagé avec moi ce scepticisme (vous êtes 54,85% à être contre ou plutôt contre et 46,15% à y être plutôt favorables ou favorables). S’il y un combat à mener pour une véritable inclusion, c’est sur celui des salaires. Comment peut-il y avoir une différence salariale entre des personnes exerçant une même profession ? En France, l’écart ou plutôt le fossé est de 25% ! Une honte ! C’est aussi un combat contre ce droit de cuissage que s’octroient encore trop d’hommes ! Comme si c’était est une chose normale pour qu’une femme puisse obtenir un poste, un rôle, une ascension quelconque ! Et si 2017 a contribué à libérer la parole aux USA, en Europe et ailleurs dans le monde pour que cessent ces abus, eh bien bravo ! Sans vouloir être pessimiste, on en reparlera en 2018…
Toujours du côté de la langue française, le nouveau président français a lancé une promesse, une de plus – Terminera-t-elle comme nos bonnes résolutions du nouvel an ? -. Vous vous en souvenez ? Celle de faire un dictionnaire de la Francophonie. C’était dans la dernière ligne droite de 2017, lors d’un voyage officiel en Afrique. C’est l’auteure franco-marocaine Leïla Slimani, nommée par Emmanuel Macron comme sa représentante personnelle pour la Francophonie, qui en a la charge. Dans sa lettre de mission, il y a justement cette idée de prendre en compte l’ensemble des variantes de la langue française. Une idée qui a dû faire sauter Jean-Michel Blanquer, le ministre français de l’Education, qui, depuis le haut de l’ignorance sur la réalité de ce que sont les langues (et le français n’est pas une exception, ne lui en déplaise), a twitté en novembre qu’“il n’y a qu’une seule langue française, une seule grammaire, une seule République”.

Leila Slimani, représentante de la Francophonie / AFP PHOTO / POOL / ludovic MARIN


Les variantes du français, un sujet que j’ai évoqué en novembre dernier : celles qu’on trouve en Europe (à commencer par la diversité au sein de cette “seule République” de Blanquer), dans les Caraïbes, en Océanie ou au Canada et bien sûr en Afrique. Sachant que c’est le continent le plus francophone du monde. Il était donc temps qu’on s’en soucie et je crains que ce soit encore compliqué en Hexagone oú on a du mal à concevoir un autre français – il suffit de voir ce qu’en pense le titulaire de l’Education. C’est grave, docteur ! -. Pourtant si les Français retiraient leurs oeillères (les citoyens des autres aires de la Francophonie n’en portent pas ; il est vrai qu’ils sont souvent plurilingues, ce qui en France est encore regardé comme une rareté), ils verraient que la réussite de l’anglais et de l’espagnol à l’échelle planétaire est due justement à la perception complètement différente qu’ont les locuteurs de leur langue. En espagnol, par exemple, personne ne méprise une façon de parler que ce soit en raison d’un lexique ou d’un accent. C’est ce qui en fait sa richesse. Pour le français, il y a encore du chemin à faire. Leïla Slimani a du pain sur la planche et certainement beaucoup de murs à faire tomber pour “déringardiser” la langue française, comme elle dit. Bonne chance, Madame Slimani !
Et comme pour bien préparer l’avenir, il faut connaître son histoire et savoir où on en est, il y a eu cet ouvrage sorti juste au début de l’été : Et le monde parlera français ! Un titre audacieux, qui anticipait presque l’affirmation d’Emmanuel Macron, mais surtout un contenu qui nous éclaire sur l’état de la politique du français dans le monde. Un ouvrage sans complaisance aussi qui fait aussi la lumière sur les zones d’ombre existantes, et elles sont nombreuses. Nous le savons, nous qui parcourons le monde pour promouvoir les ouvrages de nos catalogues bien sûr, mais aussi la langue et son apprentissage : les coupures budgétaires toujours plus grandes dans le Réseau, avec les conséquences que l’on sait sur les conditions de travail, à commencer par celles de ces ambassadeurs du français au quotidien que sont les profs de FLE. Pour celles et ceux qui se lèvent souvent très tôt et se couchent très tard pour aller donner leurs cours de français toujours avec passion alors qu’elles / ils le font pour des clopinettes et des contrats précaires (quand contrat il y a), 2018 apportera-t-il des améliorations ? En tout cas, les SEDIFRALE de juin prochain sont bien décidées à aborder la question pour ce qui concerne l’Amérique latine et les Caraïbes mais qui vaut pour l’ensemble des profs de FLE. Espérons que les conclusions de ce congrès permettront de déboucher non pas sur de simples bonnes résolutions qu’on couche sur un papier qu’on oublie très vite, mais bel et bien sur des améliorations réelles de la condition de prof de FLE. On peut essayer d’y croire en ces moments de voeux pour l’année 2018.

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